Il y a certains concerts qu’on n’oublie jamais, surtout lorsqu’on y assiste avec un décalage horaire en pleine action, de l’autre côté de l’Atlantique. Blackalicious, avec J-Live en première partie, au SOB à New York, est de ceux-là.
Il y a deux semaines, j étais à New York, pour rencontrer le duo Blackalicious, en pleine tournée américaine, et pour parler de leur nouvel album, Blazing Arrow. Le concert, bondé, avait lieu au SOB, une salle, située dans les environs de Soho, vers Houston Street et West Broadway. Blazing Arrow venait tout juste de sortir en magasin, et le groupe était tout excité de voir enfin se concrétiser matériellement cet album.
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En débarquant au SOB, je ne savais pas que la première partie serait aussi impressionnante que la tête d’affiche. Blackalicious avait en effet demandé à J-Live d’ouvrir les festivités. J-Live ? Voilà un rappeur encore peu connu par ici, mais qui dans les milieux du hip-hop underground est une petite légende, dont on a longtemps attendu le nouvel album, All of the Above, qui vient tout juste de sortir. Sur ce disque, J-Live reprend la pose légendaire de John Coltrane sur la pochette de son unique disque Blue Note, Blue Train. Une paternité qui en aurait tué plus d’un. Mais voilà, à l’arrivée, le disque est une petite merveille de hip-hop East Coast.
Sur scène, J-Live ne perd rien de l’intensité de son disque. A peine débarqué sur scène, ce petit bonhomme rond, habillé en survêtements gris et chaussé de petites lunettes intégristes, enflamme le public, en vrai entertainer malin. Avec son DJ pour seul compagnon de scène, il égrène quelques morceaux de son disque, entrecoupés de freestyle, d’improvisations hachées au marteau piqueur. Dans le fond de la salle, Gift of Gab, le rappeur de Blackalicious ne perd rien du spectacle, et prend quelques notes mentales.
Immédiatement après le set très court de J-Live, Blackalicious s’empare de la scène : auprès de Gift of Gab et du DJ Chief Xcel, arrivent Lateef (autre membre du collectif Quannum) et une paire de choristes époustouflants. Immédiatement, dès les premières notes, on est saisi par une chair de poule abrasive, et toute la salle est en transe, les bras en l’air, reprenant les hits du groupe, qui joue tous ses vieux morceaux, des extraits de ses disques Nia, Melodica et Swan Lake, enfilés avec des morceaux du nouvel album. Vers la fin du concert, Gift of Gab invite J-Live à les retrouver le temps d’un morceau : à trois, J-Live, Lateef et Gift of Gab entament alors une polyphonie incroyable, entre ragga, flow métallique, chant soul et freestyle décapant. Leurs rimes et leurs voix s’entrecroisent, se coupent, harmonisent en un même mouvement suintant, chaud, enflammé, comme une élévation magique, une sorte d’état de grâce, atteint pendant quelques minutes éphémères, magiques. Un concert qui ne s’oublie pas, tant il prenait au ventre, et rendait les effets pervers du décalage horaire complètement inconséquents.
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