« Game of Thrones » permet à ses spectateurs d’assouvir leurs pulsions les plus primaires. Démonstration en 20 points. Article extrait du hors série 120 séries indispensables : la sériethèque idéale, disponible en kiosque et dans notre boutique en ligne
… boire du (mauvais) vin
Quand Mad Men donne compulsivement envie de descendre un paquet de Pall Mall, Game of Thrones incite à se brûler le ventre à grandes rasades de Villageoise. Chacun son style. Don Draper se dope au Scotch. Robert Baratheon, roi alcoolique très depardiesque, noie son chagrin dans la malvoisie, quand Gérard noie son spleen en Mordovie.
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… tuer le héros dès la première saison
On a failli ne pas s’en remettre. Ned Stark, le roi du Nord et personnage principal de la première saison, se fait décapiter. Il n’est pas dans la nature de GOT de laisser vivre ses héros, surtout s’ils sont trop bons et honnêtes.
… être un puceau comme Jon Snow
Brun, bouclé, comme échappé du Médée de Pasolini, Jon Snow, bâtard de la lignée Stark, est un des mecs les plus sexy de GOT. Geek avant l’heure, Snow, le gentil puceau, fait vœu de chasteté en rejoignant la Garde de Nuit sur le mur qui sépare Westeros des sauvages et des White Walkers – les zombies locaux. Mais sa rencontre avec la rousse et sauvageonne Ygrid change la donne…
… porter de la fourrure en toute décontraction
Mais que fait la Peta ? Quasi pas un plan sans qu’un personnage ne porte une peau de bête (très réaliste). Surtout dans le Nord où les Stark et leurs potes se caillent les miches. Dans GOT, on n’hésite pas à découper des cerfs et à trancher la gorge des chevaux comme à la boucherie chevaline.
… être un Lannister
Cette famille de blondinets bien bâtis et friqués sont les pop stars de la série. Ils vivent à Port-Réal, sorte de Beverly Hills ancestral. Bien fringués – quand les Dothrakis du Sud mordent la poussière en haillons –, instruits, ils passent leurs journées à zoner dans des palais en picolant, en fomentant des complots ou, mieux, en baisant entre eux. La belle et venimeuse reine Cersei (femme du roi Robert Baratheon) et son frère Jaime (un Beckham en armure) donnent naissance, dans le dos du roi Robert, au monstrueux Joffrey, futur roi. Les Lannister, qui ne croient plus en rien, incarnent une certaine idée, pop, capitaliste et post- Loft, du degré suprême de la civilisation : désabusée, cynique, mais extrêmement jouissive à regarder. Seule exception dans cette famille de fous : le nain, Tyrion Lannister.
… coucher avec un nain
On en est dingue. Tyrion Lannister, interprété par le magistral et charismatique Peter Dinklage, a un regard bleu profond et le sourire charmeur. Ses deux passions ? Le vin et les putes. Dans le premier épisode, Tyrion descend goulûment un broc de vinasse pendant qu’une prostituée lui suçote le kiki (les dieux l’auraient bien pourvu). Ses armes ? Savoir, intelligence et une langue shakespearienne. Tyrion manie sarcasme, ironie et autodérision comme son frère Jaime l’épée. Il s’avérera même être un valeureux meneur d’hommes. Avec GOT, fini la bête surnaturelle, curieuse, bouffonne ou monstrueuse, le nain accède au rang de héros cool et ultra-baisable.
… trancher des gorges dans la boue, en armure de 150 kilos
Ben ouais.
… être une chevalière transgenre
Pas de bol, tu es une femme. Dans GOT, tu as donc de bonnes chances d’être violée, vendue, soumise, pute ou jugée inapte à diriger au cas où tu aurais un quelconque pouvoir. Reste une issue : lire Judith Butler et devenir une chevalière transgenre comme Brienne, la géante d’1,90 m qui colle des raclées à tous les gars du coin, ou comme Arya, la cadette des filles Stark, déguisée en petit manant pour échapper aux Lannister.
… brûler toutes les Barbie et offrir épées et arcs aux petites filles
Pour qu’elles deviennent toutes aussi intelligentes et perspicaces qu’Arya Stark. On peut toujours rêver.
… aimer la fantasy
GOT a totalement débeaufisé la fantasy. Avant, faut avouer, on avait du mal à s’intéresser à des histoires de mecs qui cherchent des bagues.
… être un tyran teenager
Pour pouvoir comme Joffrey Baratheon hurler “I am the king”, torturer des prostituées ou Sansa Stark, sa promise. Crevette imberbe et hystérique, il s’impose à ce jour comme la meilleure incarnation télévisuelle de Justin Bieber.
… manger des abats
Ultra-tendance côté food, GOT célèbre le retour de hype des abats. La Khaleesi dévore ainsi un cœur de cheval cru et entier dans une scène sanglante qui réjouira Spanghero et les amateurs de tripes à la mode de Caen.
… torturer avec des rats
Dans GOT, le sang se mélange inlassablement à la boue. On tranche des têtes, on poignarde, on éviscère, on émascule. Le must ? Enfermer un rat affamé dans un seau maintenu sur le ventre du supplicié. Chauffer le seau à l’aide d’une torche. Devinez où va le rat ? Bingo.
… tuer des enfants
Dans GOT, on ne se gêne pas non plus pour buter les enfants. On égorge les nouveau-nés, on noie les bâtards, on brûle des petits paysans. D’après la légende, les mères étouffent leurs enfants une fois l’hiver venu et la famine installée.
… chevaucher un sauvage
“Si tu veux être une reine, baise comme une reine.” Saison 1 : Daenerys Targaryen (fille du roi fou déchu Aerys), lasse de se faire pilonner par Drogo, son sauvage de mari, roi des Dothrakis, suit ce conseil avisé de sa femme de chambre. Elle le chevauche et tout rentre dans l’ordre : Drogo tombe raide dingue de Daenerys, qui devient la “Khaleesi” (la reine des Dothrakis, en patois du coin).
… avoir un bébé dragon sur l’épaule
Parce que c’est un animal de compagnie original et une arme de destruction massive plutôt cool. Bébé dragon = pitbull + bombe H + iguane. Dans GOT, ils appartiennent à la sexy et tempétueuse Daenerys Targaryen qui, sans eux, n’est pas grand-chose. Quand on les lui pique, elle hurle partout “Where are my dragons?”, expression déjà culte chez les fans qui ne devrait pas tarder à passer dans le langage courant pour exprimer un désir impérieux. En terrasse de café : “Where are my clopes, putain ?”
… danser avec les loups
“Where is Kevin Costner?” Au début de la saison 1, chacun des enfants Stark, les gentils et droits benêts du Nord, se voit attribuer un bébé loup – blason de leur maison. Ces derniers feront des ravages chez leurs ennemis tout en restant discrets et beaux. On est tellement jaloux.
… être le Dieu du mal
George R.R. Martin, l’auteur de la saga et coscénariste de la série, torture des personnages nés pour souffrir. Il n’y a pas d’espoir dans GOT, et personne ne sera épargné. Amour, honneur, bonheur ne sont tolérés qu’un instant. Comme un virus, le mal tue, contamine et pervertit les hommes et les femmes les uns après les autres en leur insufflant haine et désir de vengeance. Nous sommes les complices consentants de leur inéluctable dégradation. GOT, ou l’enfant caché d’Arthur Schopenhauer et Emil Cioran.
… s’asseoir sur le Trône de fer
“Quand tu joues au jeu du Trône, tu gagnes ou tu meurs, il n’y a pas de compromis possible.” Cersei Lannister sait de quoi elle parle. Comme un aimant, le Trône de fer, objet diabolique symbole du pouvoir absolu, corrompt les hommes et pervertit les cœurs. Pour s’en emparer, chacun ses armes : alliances, argent, armée, honneur, force brute, perversion. Qui – et quelle conception du pouvoir – l’emportera ? Pour Littlefinger (patron du bordel et conseiller du roi), “le pouvoir, c’est la connaissance”. “Le pouvoir, c’est le pouvoir”, lui répondra Cersei, mère du roi Joffrey, en ordonnant à ses gardes de lui placer un couteau sous la gorge, ou, comme l’explique Pycell, autre conseiller de la cour, “le pouvoir est là où les hommes croient qu’il réside. C’est un tour de passe-passe, une ombre sur un mur”. Game of Thrones (dont l’expression est passée dans le langage politique US) met en scène la fragilité du pouvoir, son inéluctable attractivité et la vacuité de la course au pouvoir pour le pouvoir. Bien trop occupé à jouer le jeu du Trône, Westeros en oubliera que plane sur son monde un danger bien plus grand.
… lâcher enfin prise et souhaiter l’apocalypse
“Winter is coming.” C’est la phrase de la série et une de ses plus belles trouvailles scénaristiques. Pendant qu’on tue, mène la guerre, se venge ou déterre des racines pour nourrir des enfants gueux, l’hiver menace et avec lui son lot de méchants zombies. La vie dans GOT est un purgatoire, et l’au-delà un monde terrifiant peuplé de morts-vivants décharnés. Qu’on en finisse, semble dire GOT, réceptacle parfait de nos pulsions de mort, mais avec panache.
Anne Laffeter et Géraldine Sarratia
Article extrait du hors série 120 séries indispensables : la sériethèque idéale, disponible en kiosque et dans notre boutique en ligne
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