Sleep Well Beast commence par la phrase “You said we’re not so tied together, what did you mean?” (“Tu m’as dit que nous n’étions pas tellement liés, qu’est-ce que tu entendais par là ?”), et s’achève sur “I’ll still destroy you someday, sleep well beast” (“Je te détruirai un jour, dors bien, la bête”). Un paradoxe […]
Les cinq Américains affrontent leurs démons dans « Sleep Well Beast », album d’une cohérence totale.
Sleep Well Beast commence par la phrase “You said we’re not so tied together, what did you mean?” (“Tu m’as dit que nous n’étions pas tellement liés, qu’est-ce que tu entendais par là ?”), et s’achève sur “I’ll still destroy you someday, sleep well beast” (“Je te détruirai un jour, dors bien, la bête”). Un paradoxe qui résume à la perfection cet album de The National : tenter de comprendre, en vain, puis tomber dans un désir de vengeance. Entre les deux, tout un processus de déconstruction dont nous sommes spectateurs, un peu comme si l’on pouvait retracer le vécu du groupe à qui il a fallu quatre ans pour exorciser ses démons.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En six albums et bientôt vingt années de carrière, The National a eu le temps de se faire un nom dans le paysage du rock alternatif, et plus particulièrement du côté des éternels mélancoliques friands de sonorités épiques. Sur Trouble Will Find Me, leur précédent album, souffle un vent de légèreté : les morceaux y sont toujours aussi poignants mais considérablement plus apaisés. Changement de registre pour Sleep Well Beast, puisqu’en douze titres, la pression ne redescendra pas. On est tenu en haleine de bout en bout par une impressionnante cohérence.
“Sleep Well Beast“, dans le détail
Durant les six premiers morceaux, une étrange danse se met en place. Nobody Else Will Be There résonne comme une complainte d’une tristesse absolue, puis Day I Die s’agite avec frénésie radieuse, pour finalement retomber dans la pure mélancolie avec Walk It Back, et ainsi de suite. Comme pour dépeindre la folie ressentie face à une incompréhension, la première moitié de l’album se construit sur une instabilité évidente qui confère à Sleep Well Beast l’urgence et la sincérité d’un cri du cœur.
À partir d’Empire Line, un certain équilibre s’installe : exit les rythmiques lancinantes ou énervées, le chant chuchoté ou exclamé et les mélodies bouleversantes ou héroïques. Pendant trois morceaux (I’ll Still Destroy You et Guilty Party inclus), The National semble faire le point sur la frénésie passée et s’offre un moment de répit pour mieux rebondir sur la fin de l’album. En effet, avec Carin at the Liquor Store, Dark Side of the Gym et Sleep Well Beast – sur lequel la voix délicatement menaçante de Matt Berninger nous fait frissonner –, l’album s’achève sur un revers un peu taré dépeint par les paroles ambigües de Sleep Well Beast.
Un album “complet“
En quatre ans, les cinq membres de The National se sont illustrés dans d’autres projets : pendant que Bryce Dessner s’investissait dans l’album Planetarium aux côtés de Sufjan Stevens, Aaron Dessner devenait producteur pour divers artistes et Matt Berninger récoltait des fonds pour le Planning familial américain. Sleep Well Beast est donc né d’une longue réflexion, puis de sessions d’écritures espacées de parfois plusieurs mois – à New York, Los Angeles et Berlin –, et c’est justement ce qui lui confère cette puissance narrative. “Cet album est complet à mes yeux”, raconte le guitariste Aaron Dessner dans le communiqué qui accompagne l’album. On ne peut que partager son avis.
{"type":"Banniere-Basse"}