Jusqu’au 20 août, retrouvez un épisode marquant des années 1990, en partenariat avec Arte. Cette semaine, la scène hot de Basic Instict (1992)
« As-tu déjà baisé sous coke, Nick ? » Dans la salle d’interrogatoire du quartier général de la police de San Francisco, la lumière est bleutée, presque cathodique. Catherine Tramell (Sharon Stone), hitchcockienne et impériale dans une robe blanc cassé, trône, jambes croisées en face d’un banc de flics. Sa posture, clope entre les doigts, sa façon de prendre possession de l’espace avec son corps et son regard plein de morgue transpirent le pouvoir, la virilité.
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Comme pour ponctuer sa question, fixant le plus burné, cramé et sex-addict des inspecteurs (Michael Douglas), elle décroise puis recroise les jambes. Un mouvement qui laisse entrevoir l’espace d’un instant la partie supérieure de sa chatte soigneusement épilée. Face caméra, elle lâche, provocante, répondant elle-même à la question initiale : « C’est bon ».
« Je n’ai rien à cacher »
La scène ne dure que quelques secondes. Elle est pourtant devenue la plus hot et culte de Basic Instinct, le film réalisé par Paul Verhoeven en 1992, propulsant du même coup l’entrejambe de Sharon (et le pic à glace) au rang de mythologie contemporaine. Si la scène est forte et excitante, c’est qu’elle joue sur un ressort ancestral de l’érotisme, un jeu de miroir (le film en regorge), une opposition entre montrer et cacher. « Je n’ai rien à cacher », lance Stone lorsqu’elle est conduite au poste et refuse de prendre un avocat. Enoncé qu’elle ne tardera pas à rendre performatif quelques secondes plus tard.
Paradoxe, l’entrejambe dénudé de Sharon agit comme le parfait inverse des « lunettes noires » chères à Roland Barthes, là pour montrer « tout ce qu’on veut cacher » et signifier sans en avoir l’air sa passion contrariée et ses larmes à l’être aimé. La chatte de Sharon, elle, cache tout en montrant. L’intimité exhibée joue comme un écran qui, loin d’être l’aveu d’une faiblesse ou d’une vulnérabilité, renforce la puissance de l’héroïne. Son sexe dévoilé lui permet à ce moment-là du film de dissimuler ses pensées et une possible culpabilité. Vingt ans plus tard, on retient le renversement des normes de genre – qui agit au moins dans la première partie du film. Bien avant Bound et Boulevard de la mort, Sharon Stone joue une héroïne forte, prédatrice, qui sépare tant la demande du désir que l’amour et la sexualité, soi et l’autre.
Géraldine Sarratia
Illustration Stéphane Manel pour Les Inrockuptibles Summer of the 90’s, du 19 juillet au 24 août tous les samedis et dimanches soir, Arte (Basic Instinct le 20 juillet, 20h45)
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