Résumons-nous : après cinq ans d’une droite dure, très agressive à l’égard des salariés, prête à tout pour défendre ses intérêts oligarchiques, et franchement odieuse à l’égard des plus vulnérables et des minorités, une alternance sociale-démocrate clairement affichée comme telle promet de rééquilibrer un peu les choses, de faire un minimum de redistribution fiscale, de protéger […]
Résumons-nous : après cinq ans d’une droite dure, très agressive à l’égard des salariés, prête à tout pour défendre ses intérêts oligarchiques, et franchement odieuse à l’égard des plus vulnérables et des minorités, une alternance sociale-démocrate clairement affichée comme telle promet de rééquilibrer un peu les choses, de faire un minimum de redistribution fiscale, de protéger ce qu’il reste des services publics et de ne pas se soumettre corps et âme aux austères et rigoureux diktats de Bruxelles et Berlin.
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Les sortants sont sortis, c’est classique en temps de crise, Hollande gagne sans gloire une élection imperdable, à la faveur de la regrettable et incompréhensible pulsion ancillaire du favori des sondages et quasiment déjà élu, et nomme un Premier ministre qui ne cache pas son inclination pour une bonne dose de politique de relance par la consommation au milieu d’un océan d’orthodoxie budgétaire. Le programme est minimal. Il ne sera pourtant pas du tout appliqué, et se transforme vite en une pure et simple cogestion avec des entreprises qui n’auraient pas osé rêver mieux.
Hausse des impôts du travail, baisse des charges du capital. Sarkozy n’aurait pas pu le faire, et Hollande se révèle incapable d’être même un honnête social-démocrate. Si l’on ajoute un ambitieux ministre de l’Intérieur qui en remet une couche dans le registre sécuritaire, seulement fort de ses 6 % à la primaire socialiste, et les habituelles promesses non tenues (droit de vote des étrangers, contrôles au faciès), on se retrouve avec beaucoup d’électeurs de gauche qui n’arrivent plus à trouver la moindre raison d’aller voter pour un pouvoir dont le seul et dernier espoir réside dans un éventuel redémarrage mécanique de la croissance mondiale, sur le mode du “Après la pluie, le beau temps, c’est obligé…”
Le résultat est là. Et il fait mal. La déroute socialiste est d’abord due à l’abstention aux deux tours de ses électeurs traditionnels. Cela s’appelle une sanction. Nette et brutale. Il ne s’agit pas de déplorer notre prétendu manque d’appétence démocratique, mais de constater au contraire que les électeurs de gauche ont utilisé leur droit à l’abstention pour envoyer au gouvernement un message des plus clair. Eux savent parfaitement pourquoi ils ne sont pas allés voter. Il n’y a que l’exécutif qui s’acharne à ne pas comprendre que des électeurs de gauche responsables puissent finir par prendre ombrage de l’ampleur du reniement, comparer le pacte de responsabilité avec le discours du Bourget, et en conclure que les promesses de Hollande ne correspondent en rien à son action.
Selon un conseiller de l’Elysée particulièrement doué pour la prédiction, qui se répandait off avant le premier tour, le Président avait d’ores et déjà “enjambé cette élection” et sa (petite) défaite annoncée et fatale, en somme, tropisme des élections intermédiaires oblige. Bien vu, trop fort, espérons au moins que ce conseiller-là s’est fait virer : c’est François Hollande lui-même qui se retrouve écrabouillé par l’ampleur du désastre. Le scrutin l’a piétiné. Il n’a rien vu venir et ne sait plus quoi faire. Incapable de changer son logiciel économique et social, tenu par l’impossibilité politique de se dédire de ses cadeaux fiscaux aux entreprises et de ses engagements européens, il se retrouve le dos au mur, réduit à l’immobilisme et aux gesticulations de la personnalisation à outrance. Ayrault ou Valls, et pourquoi pas Robert Hue ou Ségolène Royal ? Un remaniement, changer de Premier ministre, mais pour quoi faire, au juste ? La même chose, bien sûr. A cause de notre absurde système institutionnel, l’agonie de François Hollande va durer encore trois ans. Et ce sera atroce. Pour lui comme pour nous.
Au sommaire des Inrocks cette semaine : Kurt Cobain : les derniers jours à Paris, Mø electro libre, Schuhl raconte Eustache. Le magazine est disponible en kiosque et dans notre boutique en ligne.
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