Nouvel épisode dans la guerre Booba-La Fouine avec le largage, hier, de la bombe « Autopsie 5 » sur laquelle La Fouine sort ses dossiers. Pas sûr que Booba apprécie.
On connaissait Les Feux De L’Amour, mais le feuilleton qui anime le (pas si petit) monde du rap français en ce moment est d’un autre calibre. De la haine, du mordant, des coups de vice, des punchlines drôles, d’autres franchement en dessous de la ceinture. Le ring est virtuel mais le combat réel. Ce n’est plus un secret pour personne : la tension est palpable entre trois des têtes de gondole du rap, à savoir Booba, La Fouine et Rohff (par ordre alphabétique bien sûr). Bref résumé : Rohff a taclé Booba sur Skyrock, ce dernier a sorti un premier extrait de son album Futur, Wesh Morray, que Rohff a pris comme une attaque personnelle. D’où sa réponse Wesh Zoulette, diffusée sur internet. La Fouine est entré dans la danse avec une longue interview à charge contre Booba. Le duc de Boulogne a d’abord annoncé qu’il ne répliquerait pas, puis a changé d’avis et a franchi le Rubicon avec A.C Milan, tune vocoderisée lâchant quelques gros scuds sur La Fouine et Rohff. D’emblée, on mettra de côté le titre de TLF, groupe d’Ikbal (le frère de Rohff), qu’on a connu plus inspiré qu’avec son Barça frisant le hors sujet.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Et on en arrive au gros dossier, annoncé depuis une semaine via Twitter par Laouni alias La Fouine : « Autopsie 5, vendredi 25 18 heures, la réponse est salée« . On est donc calé devant son écran à 17h59, et la bombe tombe, ponctuelle.
Explication de texte. Dès les premières notes d’Autopsie 5, on comprend que La Fouine n’a pas bâclé sa réponse. Malgré la rapidité du missile, on note une production efficace, tendance synthés héroïques et beat tendu. « Ceci est une nouvelle exclusivité One Shot, biatch ! », puis directement une imitation de Booba suivie d’une insulte. « J’t’ai vu dans le futur avec un tel Alcatel » : l’homme du Futur est ainsi renvoyé au passé, symbolisé par un téléphone obsolète. La déconstruction de la rhétorique de B2O se poursuit avec un jeu sur les temps : « T’es pas dans le futur, ton album est imparfait ».
La plus grosse attaque de Booba dans A.C Milan concernait des faits contenus dans son dossier du STIC, divulgué par des jeunes têtes brûlées auteurs d’un canular téléphonique effectué aux dépends d’un commissariat. Et notamment une agression sur mineure. La Fouine retourne l’accusation et en fait le sujet principal de son refrain : « Mon casier judiciaire sur le net résonne/À part B2O j’ai violé personne ». L’explication détaillée est dans l’outro avec un texte parlé racontant que La Fouine avait 15 ans lors de la prétendue agression. Maîtrisant l’art du clash, Laouni respecte les règles. Il rend coup pour coup. Booba titre son attaque A.C Milan ? La réplique est footballistique, « Je fous le Milan en ligue 2 ». Booba a fait un beau coup en invitant sur son Futur un poids lourd du rap US, Rick Ross, son collègue de Miami. Laouni trouve la faille en faisant référence au premier métier du rappeur de Floride : « Fais tes feats avec Rick Ross, ben voyons ! Une victime en featuring avec un ex maton ». Ça fait mal, ça fait mal.
Puis déboule une référence que ne comprendront que les initiés. Voilà quelques semaines, une soirée dans le club parisien Chez Régine devait célébrer l’anniversaire de Booba (le 9 décembre), mais fut annulée alors que Rohff avait fait savoir que lui et son équipe comptaient être de la party. D’où cette rime à rebond : « Je procède à l’autopsie mais tes couilles sont au régime/Les vrais savent pourquoi les anniversaires s’annulent au Régine ». Rohff est indirectement présent dans Autopsie 5 par le biais d’une de ses punchlines « empruntée » par La Fouine : « Négro t’as des tatouages, on a des cicatrices ».
L’entreprise de démolition continue avec une phase mélodique facétieuse sur laquelle Laouni chantonne « Je suis propriétaire, Fouiny est propriétaire« , en référence à l’appartement qu’il a acheté à Miami, dans le même immeuble que celui où Booba est locataire depuis quatre ans. Puis on passe à l’attaque nominale quand Laouni sort le nom de naissance de Booba : « J’ai peur d’Elie Yaffa comme j’ai peur d’Elie Semoun ». Elie Semoun n’a pas tardé à répondre, toujours sur Twitter : « T’as peur de moi alors ? Excellente dédicace validée par Semoun ! » L’humour aussi peut tuer. Puis on passe aux regrets, qu’on a peine à croire sincères, sur le talent du Booba d’avant, celui du duo Lunatic : « Arrête tes conneries, petite zoulette R&B vocoder/Où est le re-noi qui rappait avec Ali ? » Encore une estocade, avec une étrange référence à l’affaire du Sofitel : « J’vais pas aux putes/J’peux pas détrôner le duc du bois de Boulogne/J’suis DSK, t’es femme de ménage/Rappe au Sofitel ». Identification à l’agresseur blanc plutôt qu’à la victime noire. Une affaire de mâle alpha. Et le rappel que toute cette joute gonflée de testostérone évoque parfois les manies des enfants hyperactifs dans la cour de récréation. Sauf que la cour est ici mise en scène sous les feux des médias friands de scandale, excités par la promesse du sang qui coule sur la feuille de papier tatouée à l’encre noire.
Le final est surprenant. Lors d’un long monologue parlé, La Fouine se livre à une autocritique, admettant la vacuité de l’exercice du duel virtuel. « J’avoue, c’est des gros trucs de bouffon les règlements de compte sur internet, j’te clashe, j’te fais une vidéo… Les vrais bonshommes ils règlent pas leurs histoires sur le net, j’avoue. Mais mesdames et messieurs, je ne peux pas faire autrement ! » Car selon Laouni, c’est bien sûr Booba qui s’est dégonflé. Fin de la manche, suite au prochain tweet, en espérant juste que les protagonistes de ce combat de couilles fassent comme les montagnes et ne se rencontrent pas. Parce que là, ça serait sûrement moins drôle à commenter. Pas vrai, morray ?
{"type":"Banniere-Basse"}