Après la mort de Pablo Escobar en fin de saison 2, Narcos se réinvente en s’intéressant au Cartel de Cali. Toujours aussi brûlante ?
Dans les premières minutes de la nouvelle saison de Narcos, l’ombre de Pablo Escobar – plus grand trafiquant de drogue eighties, tué par la police en 1993 – fait sentir son absence. Pour le spectateur qui a vu ce psychopathe made in Colombia évoluer sourire aux lèvres pendant une vingtaine d’épisodes avant de le regarder mourir, plusieurs interrogations surgissent, toutes liées à la question du désir.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Après avoir aimé une série pour son personnage principal antipathique et grandiloquent, comment passer à la suite ? Où retrouver sa séduction, même bâtarde ? Comment, aussi, remplacer symboliquement l’acteur qui prêtait ses traits au baron de la drogue avec une bonhomie sauvage, le Brésilien Wagner Moura ? Sans compter que le blond Boyd Holbrook, qui interprétait un agent antidrogue américain sexy, a lui aussi disparu du paysage… Comment, enfin, accepter que l’objet de notre attention se transforme et change d’époque ?
Un récit politique, violent, romanesque
La réponse la plus évidente, après avoir vu les quatre premiers épisodes, tient au choix effectué par le showrunner Eric Newman de ne pas faire semblant. Située durant l’ère Bill Clinton au milieu des années 1990, la nouvelle saison laisse le temps à chacun de faire le deuil de celle qu’elle a été.
Elle ne cherche pas la flamboyance immédiate de ses devancières, installe les enjeux – proches, dans le fond, des précédents : comment lutter contre le trafic dans le chaos du monde contemporain ? – avec une tranquillité assez captivante, un peu la même que celle des criminels qui boivent de l’alcool fort devant leur piscine, tandis que des hommes de main commettent des crimes en leur nom.
Pour les créateurs de la série, il n’a jamais été question de raconter seulement l’histoire d’Escobar, mais celle de la cocaïne, en mêlant fiction et images d’archives – toujours présentes. Autant dire un récit politique, violent, romanesque et probablement sans issue, qui traverse les décennies et dépasse le cadre d’un homme, aussi puissant soit-il. Dont acte. Les nouveaux parrains de Narcos sont les quatre têtes du Cartel de Cali, deux frères et leurs associés chargés des relations avec le Mexique et les Etats-Unis. Discrets, ce sont de grands bourgeois acoquinés avec les élites, alors qu’Escobar jouait la proximité avec le peuple et menait le jeu médiatique.
Des monstres à plusieurs têtes
Les compères n’en sont pas moins sanguinaires et très riches, encore plus corrupteurs que lui. Dans leur sillage, la série prend une autre allure, moins fascinée par l’idée de capter la sauvagerie d’un homme que par la meilleure façon de saisir la formation d’un empire largement invisible, alors qu’il est si actif. C’est plus que jamais un système vaporeux que filme Narcos avec virtuosité, les dérives d’un capitalisme moderne voué à produire des monstres à plusieurs têtes. Quand l’une meurt, l’autre repousse, encore plus dégoûtante. En d’autres termes, rien ne se perd mais tout se transforme dans un cycle de mort.
D’une certaine manière, nous assistons au passage d’un monde à l’autre dans cette troisième saison. Autant Escobar semblait mué par d’intenses névroses de contrôle, autant les boss du Cartel de Cali avancent leurs pions avec la rigidité toute aussi effrayante des nouveaux libéraux. Le combat de quelques-uns – dont l’excellent Pedro Pascal, en flic US rescapé des premières saisons – contre leur domination n’en est que plus émouvant.
La série ne perd jamais ce cap et fait tenir ses scènes d’action sur le fil des affects qu’elle a su révéler. L’épisode 4, consacré à une traque, fait décoller la saison sur ce point précis. Et prouve que la réinvention a fonctionné.
Narcos saison 3 A partir du 1er septembre sur Netflix
{"type":"Banniere-Basse"}