La cinéphilie serait morte, d’après un article de L’Obs consacré au critique Jean-Baptiste Thoret. Et si, des réseaux sociaux aux webzines, elle restait vivante mais d’une autre façon ?
“Le dernier des cinéphiles” : c’est par ce titre funèbre que L’Obs faisait courant août un long portrait de Jean-Baptiste Thoret. Le critique et essayiste, auteur de quelques livres marquants (L’Assassinat de JFK et le cinéma américain, Politique des zombies), conférencier réputé, y est présenté comme l’ultime résistance à une extermination de la critique de cinéma dans les médias et une décimation générale de la cinéphilie – Thoret, manifestement à l’aise avec le sobriquet crépusculaire dont on l’affuble, estime qu’il ne reste plus rien entre “la masse consommant des films industriels et quelques dizaines de milliers de cinéphiles”.
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Ce scénario eschatologique de fin du cinéma comme art et de disparition de la cinéphilie appartient à Thoret et constitue peut-être la condition de sa pensée critique (comme, toutes proportions gardées, le concept de “Mort du cinéma” a pu être celui du dernier mouvement de l’œuvre de Daney). Elle n’en est pas moins largement fantasmatique.
Les réseaux sociaux, lieux de débats
D’abord, il est abusif de décréter que la critique a déserté la presse, tant de jeunes critiques très brillants ont émergé ces dernières années jusque dans les tribunes de quotidiens nationaux. Ensuite, on assiste depuis quelque temps déjà à une efflorescence de la cinéphilie et on n’en finirait pas d’énumérer toutes les revues en ligne (Débordements, Critikat…) mais aussi en print (l’excellent Répliques ou La Septième Obsession) qui ont attesté la permanence chez de très jeunes gens du désir d’en découdre avec l’écriture sur le cinéma. On attirera particulièrement l’attention sur un de ces foyers : le site Carbone.ink, un lieu de commentaires très vivant traitant pêle-mêle de cinéma, séries, jeux vidéo, et qui devrait sous peu aboutir à une publication papier.
Enfin, les réseaux sociaux sont devenus aujourd’hui le lieu de débats continus et, si on compte parmi ses contacts tel ou telle cinéphile généreux.se et prolixe, on a sa ration quasi quotidienne de polémique festive et de discussion enfiévrée autour des films. Les “alpagades” de sortie de cinémathèque ont toujours cours mais se jouent désormais sur Facebook, Twitter ou SensCritique. Si, comme certains l’affirment, la cinéphilie est morte, sa forme-zombie est alors très dynamique, attrayante et joyeuse.
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