Stanislas Nordey, Manuel Vallade et Lætitia Dosch décrivent les enjeux des luttes en cours et racontent leur combat.
Qu’ils soient ou non en une des Inrocks du 2 juillet, les artistes que nous avons rencontrés pour réaliser le dossier sur les intermittents du spectacle nous ont longuement parlé pour expliquer les enjeux de leur profession et de leur lutte. Nous n’avons pu citer tous leurs propos dans le texte signé par Jean-Marie Durand et Fabienne Arvers et avons décidé de publier ici l’intégralité des interviews de Laetitia Dosch et Stanislas Nordey. Manuel Vallade en attendant David Bobée, Nicolas Bouchaud et les Chiens de Navarre,
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Depuis le bouclage de ce numéro en fin de semaine dernière, les actions du mouvement des intermittents continuent. Les artistes programmés au festival d’Avignon ont publié un texte, L’Hypothèse d’Avignon, dans lequel ils expliquent s’être tous réunis le 26 juin pour faire un point sur la situation. Faisant l’hypothèse que “ce mouvement est un commencement qui ouvre une séquence qui sera peut-être longue et laborieuse, dont l’enjeu sera une alliance offensive qui nécessitera l’invention de nouvelles pratiques politiques”, ils estiment qu’Avignon “peut devenir le terrain d’une expérience ponctuelle”. Ils concluent : “Alors oui, nous allons à Avignon dans l’idée de jouer. L’histoire, sur place, sera faite de ce que nous en ferons, et elle se fera avec tous : les militants actifs depuis de longues semaines, les salariés du Festival, les équipes présentes.”
A Paris aussi, le mouvement se poursuit. La représentation de Palermo Palermo de Pina Bausch a été annulée dimanche, suite à l’arrivée dans le théâtre d’intermittents demandant au directeur du théâtre de la Ville, Emmanuel Demarcy-Motta, d’annuler le spectacle. Ce qu’il a refusé. Après deux heures de discussion et le vote de la grève pour le spectacle, le public, patientant à l’extérieur, a été invité à dialoguer avec les intermittents en grève pendant près de trois heures.
Lundi soir, comme chaque soir avant que le mur de Palermo Palermo s’écrase sur le plateau, toute l’équipe du théâtre était en ligne sur la scène pour dire son soutien au mouvement des intermittents et demander au public d’aller sur le site du théâtre pour signer un texte où l’ensemble du personnel du Théâtre de Ville, intermittents et permanents, réaffirme son opposition à l’accord Unédic du 22 mars.
L’administrateur du théâtre a ensuite rappelé que sans un soutien fort à la culture, celle-ci ne marche plus, elle boîte. Et, dans un ensemble absolument “pina bauschien”, joignant le geste à la parole, tous ont retiré une chaussure, tourné sur eux-mêmes avant de repartir, un pied nu, l’autre chaussé. Palermo Palermo, sublime, toujours et forcément sublime, pouvait commencer et distiller son atmosphère de spleen et de douleur, toujours raccord avec son temps… Fabienne Arvers
Stanislas Nordey : “Je ne veux pas croire qu’il y a une déchirure irréparable”
Stanislas Nordey, comédien et metteur en scène.
Pourquoi êtes-vous en colère contre le régime des intermittents voté par le gouvernement ?
Stanislas Nordey – Je ne sais pas si c’est de la colère ou l’impression d’un gâchis et d’un énorme malentendu entre le monde de la culture et la gauche. Et je ne veux pas croire qu’il y a une déchirure irréparable. Je veux croire que, de cette crise actuelle, vont naître des avancées réelles qui nous rendront tous fiers du chemin accompli malgré les orages récents.
On sort de dix ans de droite. 2003, c’était sous la droite. Pendant dix ans, on s’est battus contre le gouvernement, à la fois pour nos droits mais aussi pour tous les autres mouvements sociaux. Le monde de la culture fait partie de ceux qui ont contribué à faire tomber le gouvernement Sarkozy. C’est vrai qu’on part de là. Le vrai problème, c’est que le gouvernement, en arrivant au pouvoir a fait une double faute. La mission qu’ils proposent, je la trouve intéressante mais il fallait la faire en arrivant. La deuxième faute, c’est la question de l’agrément qu’ils disaient ne pas signer et qu’ils signent finalement. Cette double faute initiale a créé un problème de confiance entre le monde des intermittents, celui de la culture plus largement, et avec le gouvernement. Il y a eu un petit coup de canif dans le contrat de confiance, tout le monde doute et je pense qu’il faut arriver à retrouver ce lien de confiance. Pas tout bazarder, tout le monde perd des plumes.
Ce qui me semble très positif, qu’on n’avait pas entendu depuis longtemps, dans le discours de Manuel Valls, c’est le mot “sans tabou”. Je trouve que c’est très important et qu’il ne faut pas laisser ça de côté. Après, la question est : comment on garantit la mission qui est en place ? Ensuite, c’est très important de raconter que ce n’est pas juste la question des intermittents. Depuis une dizaine d’années, il y a une paupérisation terrible de tous les acteurs de la culture, acteurs, techniciens, danseurs qui va bien au-delà de la question de l’intermittence. Les répétitions diminuent, les représentations diminuent, les salaires n’augmentent pas ou diminuent. Ça aussi, il faut le dire et le remettre sur la table. Les collectivités sont concernées, les directeurs de lieux aussi. On est à un point de rupture qui fait que le désespoir n’est pas loin.
L’arrivée de la gauche a suscité un immense espoir, d’autant plus que tous les gens de culture se sont battus comme des dingues pendant dix ans contre Sarkozy. Je trouve aussi que ce qui s’est passé entre Aurélie Filippetti et Michel Sapin, c’était super clair, les gestes étaient réels. J’étais plutôt confiant même si je trouvais que ça traînait un peu. Après, ce qui est paradoxal, à la fois beau et dommage, c’est qu’on vient d’avoir successivement deux déclarations d’amour pour le monde de la culture, de Manuel Valls et de François Hollande, pourquoi pas ? Moi, je préfère entendre ça, même dans un moment comme ça, mais elles sont tardives. C’est ce côté tardif qui crée le doute. Et il y a un problème de calendrier, les festivals qui sont là et je crois que tous les gens qui sont au bas de l’échelle ont besoin d’être rassurés et protégés. Là, peut-être que tous les directeurs de théâtres français, les artistes plus en vue, ont une mission et un rôle à jouer pour accompagner la concertation pour qu’il y ait réellement des choses qui se passent.
Je ne fais pas partie des gens qui pensent que la droite et la gauche c’est la même chose. Je préfère Christiane Taubira à Rachida Dati, Bernard Cazeneuve à Brice Hortefeux, François Hollande à Nicolas Sarkozy. Je ne veux pas les mettre dans le même sac. Je pense qu’Aurélie Filippetti est de bonne foi, elle se bat, perd certains des arbitrages, mais la vraie question, c’est : est-ce que derrière cette mission qui arrive, il va y avoir de vrais actes ? Il faut être vigilant, ne rien lâcher et accompagner Hortense Archambault (ex-directrice du Festival d’Avignon chargée d’une mission de concertation avec les intermittents-ndlr) . Pour moi, c’est un bon signe, Hortense, si elle a dit oui, c’est qu’elle pense qu’elle peut vraiment faire avancer les choses. Ça fait partie des bons gages, pour moi. C’est peut-être habile, mais c’est quelqu’un de valeur et pas le genre à s’engager si elle ne pense pas qu’elle peut vraiment faire quelque chose. Peut-être que seule ou à trois, ils ne sont pas assez forts et il faut que la profession entière les accompagne pour garantir leurs conclusions. En ce moment il y a un nœud et, par définition, un nœud, ça se dénoue. Il faut commencer par là. Il faut remettre tout le monde autour de la table et il faut faire entendre au mouvement qui est sur le terrain qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils sont accompagnés et que l’ensemble des gens de théâtre en France est là, comme une vigie.
Ceux qui sont dans les AG sont épuisés par la lutte, ont l’impression d’être seuls et qu’on leur demande de cesser le combat. Il y a une voie étroite à emprunter. Je pense qu’il ne faut pas claquer la gueule au gouvernement ni aux intermittents. Les voies étroites, c’est pas impossible. C’est pas la question des festivals, c’est celle qu’annuler, faire la grève, les technos et les artistes, ça les précarise encore plus. En ce moment, tout le monde se déchire dans les AG, il faut calmer quelque chose en garantissant que les conclusions du rapport seront effectives parce qu’il y aura tout le théâtre français qui sera derrière pour les garantir. C’est une forme de confiance au gouvernement aussi : leur dire qu’on les entend et qu’on est prêt à les croire et qu’on sera là pour vérifier que ces engagements sont pris.
Est-ce pour vous de la part de la gauche un renoncement à vous défendre et à une définition de la politique culturelle qui lui serait propre ? Croyez-vous encore possible une politique culturelle de gauche ?
Je fais partie des gens qui pensent que l’héritage de dix ans de droite est considérable et que ce gouvernement a commis des maladresses parce qu’il était débordé par l’ampleur des dégâts. Je mets ça à son crédit, ça n’excuse pas tout mais je pense que cette question des intermittents qui a traîné, j’y vois pas malice, j’y vois : on n’a pas le temps, c’est pas la priorité du moment. C’est dommage. Je ne suis pas sûr que qui que ce soit, dans l’offre politique aujourd’hui, ait une pensée à long terme pour la culture. Les politiques ont un vrai problème avec une manière de projeter ce que pourrait être la culture demain. La gauche aussi. On ne voit plus guère les hommes et les femmes politiques au théâtre.
On ne rapporte plus la culture aujourd’hui qu’à l’aune de ce qu’elle rapporte ?
Oui, mais là, on a fait une faute parce qu’en 2003, c’était un des arguments pour être entendus sur le terrain de l’économie. On a vu que ça marchait (rires) et maintenant c’est comme un réflexe de Pavlov, on le met en avant et peut-être trop. Mais je reviens au mot “sans tabou” dans la bouche de Valls, réfléchir sans tabou à ce qui se passe dans nos métiers, je trouve qu’il ne faut pas le négliger, qu’il y a là une porte entrouverte et qu’il faut mettre le pied dedans. Je pense qu’il fait allusion à des choses symboliques comme la date anniversaire notamment et on a eu des états généraux faméliques sous Christine Albanel et qu’il y a là aussi à reposer la question plus largement de la décentralisation, de l’accès au public qui ne va pas au théâtre.
Par rapport au risque d’annulation et de grève à Avignon et à ce que vous avez vécu en 2003, comment voyez-vous ce qui se passe aujourd’hui ?
En 2003, les choses étaient claires dans les AG et là, on est en train de passer de l’autre côté, les votes sont mis en cause. En 2003, l’ennemi était clair, c’était plus simple. On était méprisés et nous avons lutté mais pour gagner, pas pour annuler quoi que ce soit, l’annulation fut un crève-cœur. Il faut le dire. On faisait grève pour que le gouvernement revienne en arrière et c’est Bernard Faivre d’Arcier (directeur du Festival d’Avignon en 2003-ndlr), qui a annulé, pas les intermittents. Ce qui me fait peur aujourd’hui, je le vois dans les équipes, c’est qu’ils sont déchirés. C’est dangereux si ça crée des déchirures profondes, des fractures à l’intérieur même des équipes artistiques. En 2003, il n’y avait pas ça parce qu’il y avait un moment de combat clair.
Ce qu’il faut dire aussi, c’est que c’est le théâtre public qui prend toute la part de la mobilisation, mais il y a aussi le théâtre privé, la télévision, etc. Où sont-ils aujourd’hui dans l’expression de ces luttes ? Le fait de simplement mettre dans la balance l’annulation des festivals, ne pas jouer… il y en a marre que ce soient juste les gens du spectacle vivant qui prennent sur leur dos cette question-là. Les plus grands coupables dans cette histoire-là, on le sait, c’est les boîtes de production des télés et là, ça aurait autrement de force si un mouvement prenait. Si l’émission de Patrick Sébastien n’a pas lieu le samedi soir, madame Michu se rend compte qu’il y a un problème ! Et là, si les techniciens et artistes ne font pas leur saison, ça leur tue leur année. C’est pour ça que ce n’est pas la question de sauver les festivals, il faut absolument trouver une voie pour faire que les gens qui sont sur le terrain et qui vont jouer ne se sacrifient pas.
Pensez-vous qu’il y avait une possibilité de régler le problème des intermittents de manière plus rationnelle et pacifiée ? A qui en attribuez-vous la faute ?
L’alliance Filippetti-Sapin, c’était vachement bien et au moment du remaniement, ça a considérablement fragilisé la question, c’est là qu’est le problème. On aurait pu faire autrement, particulièrement si cette mission avait été posée dès l’arrivée au gouvernement. Il y a un problème d’expertise au départ : le point central, c’est cette question-là. Ils n’ont pas fait le diagnostic alors que les propositions du comité de suivi des intermittents sont formidables. Un boulot considérable a été fait. Dans ce qui va venir, il est important que la coordination des intermittents puisse s’asseoir à toutes les tables de négociation et qu’il n’y ait pas que les syndicats. Le paradoxe de tout ça, c’est que FO et CFDT par exemple, on ne peut pas dire qu’on soit beaucoup à être syndiqués dans le monde de la culture, en tout cas chez les artistes et les techniciens. Et ils ont un poids énorme là-dedans, alors qu’on a su inventer avec la coordination un outil extraordinaire d’expertise et d’invention.
Pour vous, ce régime est-il un horizon politique fort en direction des travailleurs précaires ?
Question délicate : cette lutte, faut-il l’élargir ou pas ? Moi, en tant qu’homme de théâtre, j’essaye déjà de résoudre la question des intermittents et de la culture. Il ne faut pas tout mélanger, à mon sens. Et ne pas vouloir chercher un règlement de toute la situation des chômeurs. Il faut prendre les choses une par une. Mais la précarisation dans notre milieu, elle est partout et la plupart des acteurs et danseurs la vivent. Je pense qu’il faut prendre les choses une par une. En tant que citoyen, tout m’intéresse, en tant qu’homme de culture, je pense qu’il faut pointer ces questions-là à part et pas tout mettre exactement au même niveau, même si le problème de l’agrément et de l’accord, c’est justement qu’on a tout mis dans le même sac. C’est une erreur.
Manuel Vallade : “Ecouter les propositions concrètes des intermittents”
Comédien et danseur, formé au Théâtre national de Strasbourg, Manuel Vallade prépare pour le Festival d’Avignon un spectacle avec le danseur brésilien Volmir Cordeiro : Je vais danser autour de ta tête jusqu’à ce que tu tombes.
Pourquoi êtes-vous en colère contre le régime des intermittents voté par le gouvernement ?
Manuel Vallade – En tant qu’artiste, je suis souvent en colère contre les gouvernements quels qu’ils soient. J’étais en colère en 2003. Je sortais de l’école, nous devions jouer au Festival d’Avignon un texte de Didier Georges Gabily avec Yann Joël Collin, nous avons annulé. Ce n’est pas un bon souvenir, le spectacle était très beau. Cette année je suis en train de créer une pièce avec Volmir Cordeiro et je me dis pendant que je répète que je ne vais peut-être pas la montrer.
C’est très violent. Quand j’apprends que depuis les réformes de 2003 la précarité chez les intermittents a augmenté de 70 % et qu’il n’y a eu aucune économie réalisée, ça me révolte, que depuis 2003 le comité de suivi des intermittents composé de personnes compétentes réfléchisse à un nouveau système et qu’on ne le consulte même pas, c’est pareil. Je crains que le système d’intermittence ne soit l’arbre qui cache la forêt et que l’on veuille à long terme s’en prendre au système d’assurance chômage dans son ensemble.
Est-ce pour vous de la part de la gauche un renoncement à vous défendre et à une définition de la politique culturelle qui lui serait propre ?
Ce n’est pas tant l’idée de nous défendre que de reconnaître la fragilité inhérente au travail de création. Je ne suis pas un petit moineau, je n’attends pas de l’Etat qu’il m’assiste. Mais par la nature même de mon métier, il m’est impossible de travailler en CDI. Il ne faut pas attendre de l’art une utilité spécifique ni quantifiable. En revanche, la présence d’artistes dans la vie de tous les jours contribue à la richesse invisible du pays. Une des raisons d’être de l’art est de résister à la bêtise. Il est nécessaire que les gouvernements se posent la question de la place de l’artiste dans la société. Le terrain actuel est loin d’être idéal mais je pense qu’il faut réfléchir à un système plus juste. Des intermittents travaillent depuis plus de dix ans sur des propositions concrètes, il s’agit aujourd’hui de les écouter.
Croyez-vous encore possible une politique culturelle de gauche ?
Je ne sais pas trop ce que vous entendez réellement par “politique culturelle de gauche” mais le terme de politique culturelle de droite me semble encore plus louche. Et quand on entend Laurent Wauquiez s’exprimer sur la culture on aimerait nous aussi une gauche décomplexée.
Pensez-vous qu’il y avait une possibilité de régler le problème des intermittents de manière plus rationnelle et pacifiée ? A qui en attribuez-vous la faute ?
Lorsqu’un artiste fait grève il renonce à son moyen d’expression mais on a régulièrement l’impression que l’Etat ne réagit qu’à cette menace. C’est triste de voir que le gouvernement nous asphyxie à petit feu en nous disant autre chose. Il accepte la culture en tant qu’objet de consommation mais quand il doit reconnaître sa fragilité il n’y a plus personne. Les intermittents agonisent et je crois que lorsqu’on enlève le pain de la bouche des gens, ce n’est jamais doux.
Pour vous, le régime des intermittents est-il un horizon politique fort en direction des travailleurs précaires ?
Le système d’intermittence pourrait servir de modèle à d’autres secteurs. Cet accord du 22 mars porte une atteinte intolérable à la protection sociale de tous les citoyens. Il s’agit d’une précarisation globale de ceux qui n’ont pas d’emploi aujourd’hui et de ceux qui n’en auront plus demain. La France en Europe et dans le monde entier représente un bastion de résistance cher à beaucoup d’artistes qui n’ont pas ce statut dans leur pays et qui essaient encore de créer en situation de totale précarité.
Lætitia Dosch : “Pallier la fragilité de notre métier”
Actrice Lætitia Dosch a joué dernièrement dans La Bataille de Solférino.
Si je regarde comment je vis ou comment vivent les intermittents autour de moi, je remarque que contrairement aux idées reçues, on travaille tout le temps, même dans les périodes indemnisées par les assedic.
Pour préparer un rôle comme celui de la Bataille de Solférino, c’est deux mois de travail, un temps que la production ne peut pas payer. Il faut apprendre le phrasé et le comportement journalistique en suivant des journalistes télévisuels, s’y connaître en politique, créer un lien avec les enfants qui permette de pouvoir s’adapter à eux en toutes circonstances pendant le tournage, répéter avec les autres acteurs pour valider ou changer les dialogues, faire un travail intime qui permet de rentrer petit à petit dans le personnage.
C’est la même chose pour le travail d’interprète en danse que j’ai eu à faire, ou on doit avant les répétitions lire des ouvrages philosophiques ou voir beaucoup de films pour arriver avec des idées à transformer en mouvement lors des répétitions. Là c’est pareil, je me prépare pour un Shakespeare pour le Théâtre de la Ville, j’en ai pour un mois de préparation entre les cours de voix, l’apprentissage du texte et du corps du personnage. J’écris aussi mes propres pièces, ce qui peut me prendre un temps de plusieurs mois que ma compagnie ne peut pas me payer. Toutes ces périodes de préparation sont vraiment indispensables à la qualité du résultat final, et le statut d’intermittent les rend possibles.
Mon travail, c’est de créer, mais cela n’existe que parce qu’il y a eu au préalable une période de retrait, d’observation et de digestion de ce qui m’entoure, pour y trouver à exprimer quelque chose de personnel, pertinent et singulier. Ce statut permet aussi de pallier la fragilité de ce métier : là, j’ai un rôle important dans un film qui vient de sauter pour juillet. Si le délai de carence que veut mettre en place la nouvelle loi était déjà passé, j’aurais dû trouver un boulot alimentaire, alors que là j’ai pu accepter des rôles moins importants avec des réalisateurs que j’aime beaucoup, prendre des cours d’anglais et creuser davantage mes projets à venir.
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