En un an, les ventes de dispositifs intra-utérin au cuivre ont augmenté de 60% chez les Françaises de moins de 30 ans. Le stérilet se débarrasse peu à peu des mythes et légendes qui l’entourent, parfois encore véhiculées par certains médecins, et commence à remplacer la pilule chez les Françaises.
Il est fin, en forme de T et tient dans la paume de la main. Le stérilet, ou dispositif intra-utérin (DIU), est en train de gagner peu à peu le cœur, et surtout l’utérus, des Françaises.
Entre janvier 2013 et avril 2014, les ventes des DIU au cuivre (sans hormones, qui ont un effet spermicide) ont augmenté de 45%, dont une augmentation de 60% pour les femmes entre 20 et 29 ans, selon l’étude publiée lundi 23 juin 2014 par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
« Scandale de la pilule » et désaffection pour les hormones
L’absence d’hormones, c’est une des raisons qui a motivé une grande partie des jeunes femmes que nous avons interrogées à opter pour un dispositif intra-utérin au cuivre plutôt qu’une pilule contraceptive. « Je me suis rendu compte que cela faisait six ans que je prenais un médicament, tous les jours, sans vraiment être sûre de ce que j’avalais« , confie Lucie, 23 ans, qui prenait une pilule de 3e génération, avant qu’une jeune femme ne porte plainte en décembre 2012 contre le groupe pharmaceutique Bayer, accusant sa pilule de 3e génération d’être à l’origine de son accident vasculaire cérébral (AVC).
Une affaire qui a provoqué de l’inquiétude chez beaucoup de Françaises, qui ont fortement délaissé les pilules de 3e et 4e génération : leur vente a baissé de 60% depuis début 2013. Une tendance que confirme Danielle Hassoun, gynécologue obstétricienne et co-auteure de plusieurs livres sur la contraception, dont Pratiques contraceptives et grossesses non prévues (2002) :
« Il y a une désaffection évidente pour tout ce qui est hormonal, ça fait un moment que c’est dans les airs. La crise de la pilule y a largement contribué. Les femmes qui ne veulent plus d’hormones vont ainsi se tourner vers le DIU au cuivre. »
D’autres ont toutefois décidé d’en finir avec la pilule avant le fameux « scandale » de décembre 2012. Marine, 24 ans, conseillère en insertion professionnelle, s’est fait poser un stérilet au cuivre il y a deux ans :
« Plusieurs copines s’en faisaient poser autour de moi, elles me disaient que la libido allait beaucoup mieux quand on arrête la pilule… Et je ne voulais plus rejeter d’hormones dans la nature tous les jours [à travers l’urine, ndlr]. »
Pour autant, elle n’a pas imaginé une seconde arrêter les méthodes de contraception : « Je veux plutôt pouvoir tout contrôler. J’ai des copines qui ont tout arrêté, et s’en tiennent au hasard… Mais je leur fais la morale plus qu’autre chose. »
Trouver une alternative à la pilule a également été une délivrance pour Gaëlle* (23 ans), community manager indépendante, qui n’a jamais réussi à en trouver une qui ne lui causait pas des troubles du sommeil, des boutons ou des troubles de la personnalité. Hélène* (23 ans), de son côté, est sujette aux migraines ophtalmiques qui l’empêchaient de prendre la plupart des pilules en vente avec de l’œstrogène.
Moins de contraintes et pas de risque d’oubli
Mais le stérilet ne plaît pas simplement parce qu’il est une alternative à la prise d’hormones. Il existe en effet deux types de stérilets : les DIU au cuivre, et les DIU hormonaux, qui disposent d’un réservoir contenant une hormone progestative, et qui diminuent fortement le volume des règles (et peuvent aller jusqu’à les supprimer). La pose de ces DIU hormonaux a également augmenté depuis janvier 2013.
Une fois posé, le stérilet peut se garder entre 3 et 10 ans en fonction des femmes et du type de dispositif. « C’est un immense confort : je n’y pense plus du tout« , souligne Lucie, « je n’ai plus peur d’oublier de prendre ma pilule, plus d’impératif à l’emmener quand je pars en vacances, je ne suis pas inquiète quand j’ai des relations sexuelles. »
Un avantage sur lequel insiste le docteur Hassoun :
« Ces contraceptions dites ‘de longue action’ [stérilets, implants – ndlr], sont plus efficaces en terme de prévention des Interruptions Volontaires de Grossesses (IVG). En effet : on s’est aperçu que ce sont essentiellement des oublis de prise de pilule qui entrainent des grossesses non prévues. »
La réticence des gynécologues et les mythes autour du stérilet
Marine résume : « ce qui me fait plaisir, c’est que je suis tranquille pendant 5 ans« . Une tranquillité qui a un prix : toutes les jeunes femmes n’ont pas vécu la même expérience lorsqu’elles ont parlé du dispositif intra-utérin à leur gynécologue.
« J’ai eu de la chance de tomber sur un médecin pro-stérilet, et ensuite je suis allée au planning familial pour me le faire poser. En moins de deux mois entre mon premier rendez-vous avec un généraliste, c’était fait« , raconte Gaëlle.
D’autres n’ont pas eu cette chance. Pour Hélène*, qui venait d’arriver à Paris, se faire poser un DIU a relevé du parcours du combattant :
« Je vais voir une gynéco près de l’appartement que je sous-loue… Un désastre. Malgré mes explications et ma détermination, elle m’a expliqué qu’elle ne pratiquait pas ce ‘genre d’opération’ car, selon elle, les femmes s’évanouiraient souvent lors de la pose, et qu’il n’y a pas beaucoup d’hôpitaux à Paris où elles peuvent être prises en charge après. Je ne suis pas une gamine de 15 ans qui veut un nouveau portable, pourtant c’est un peu comme ça que j’ai ressenti la séance. »
Hélène enchaîne trois autres gynécologues, qui refusent également. Elle surfe sur des forums et réalise que le « problème » est bien répandu : « certains gynécos sont très réticents à poser des stérilets aux ‘nullipares’, ces femmes ‘inconscientes’ qui veulent se faire poser un stérilet alors qu’elles n’ont pas encore eu d’enfants ! »
Une rumeur à laquelle Gaëlle* a également été confrontée, lorsqu’elle est allée chercher son stérilet à la pharmacie. « La préparatrice m’a dit que c’était bizarre qu’on m’ait prescrit ça, car j’avais l’air jeune. » Un mythe qui a la dent dure, alors même que des stérilets de différentes tailles ont été créés (on les appelle « short » car plus petits) pour s’adapter aux utérus des femmes qui n’ont jamais eu d’enfant.
Pourtant, la position des médecins a déjà beaucoup évolué sur le sujet. Depuis le scandale des années 1970 autour du DIU appelé « Dalkon Shield » aux Etats-Unis, le stérilet traine une mauvaise réputation, synonyme de risque infectieux, dont il a du mal à se défaire. C’est aussi pour cela que l’on privilégie aujourd’hui le terme « dispositif intra-utérin » à stérilet, encore connoté négativement.
« Cela fait plus de 20 ans que l’on a prouvé qu’il n’y avait pas de risque infectieux, mais c’est un bruit qui court toujours, aussi bien du côté des patients que des médecins », confirme le docteur Hassoun.
Une douleur vive mais passagère
La pose du DIU s’est accompagnée d’une sensation de gêne au moment de l’opération pour toutes les jeunes femmes à qui nous avons parlé. Par la suite, elles ont supporté des douleurs d’intensité variable : si Lucie a réussi à la faire passer avec un Doliprane, Gaëlle a « bien dégusté » pendant plusieurs heures. « Mon utérus essayait d’expulser le stérilet, j’avais des fortes contractions ».
Hormis les premières douleurs, le DIU au cuivre provoque également souvent des règles plus abondantes. Seule Marine en a souffert au point d’hésiter à le garder : « Parfois, je me dis que ça fait quand même assez mal, les règles sont plus longues et plus douloureuses. Mais il y a tellement d’avantages à ne plus avoir à s’en occuper que je ne le retirerai pas. »
De son côté, Clare, 36 ans, est passée au stérilet depuis 5 ans, et ne reviendrait en arrière pour rien au monde :
« Je l’ai fait retirer deux ans plus tard, parce que je souhaitais avoir un enfant. Ça a marché dès le premier mois. Un an plus tard, j’ai fait reposer un DIU, que j’ai toujours depuis. Aucun souci. En revanche, je me souviens ma mère pensait que poser un DIU signifiait que je ne voulais pas avoir d’enfant. Sans doute parce qu’elle ne s’en est fait poser un qu’après avoir eu ses deux enfants. Donc elle n’était pas très enthousiaste… Deux ans et demi plus tard, elle était agréablement surprise. »
Un changement de position qui montre la lente évolution des mœurs et l’évanouissement progressif des craintes autour du stérilet, à mesure que son port se généralise chez les femmes.
* Ces prénoms ont été modifiés