Après une tournée en Chine et un concert réussi à Calvi on the Rock, Las Aves a pris le temps de se confier. Face à la mer en contrebas de la citadelle de Calvi, Géraldine Baux et Jules Cassignol racontent leur évolution musicale, leur premier concert à la Cigale et leur crush pour Damso.
Tous les romantiques vous le diront, il n’est jamais évident de conclure. Encore moins quand on a lourde de tâche d’être programmé à la fin de la XVème édition d’un festival aussi pointu et exigeant que Calvi on the rocks. C’était la mission assignée au trio pop de Las Aves, le mardi 4 juillet dernier sur la scène “Rouge Coco Cub Chanel”, en contrebas de la Citadelle de Calvi. Le défi était de taille en ce soir de pleine Lune. Lors de l’arrivée sur scène du groupe, des blogueuses soignaient leur manucure sur des ateliers dédiés pendant que des festivaliers traînaient leurs espadrilles encore remplies de sable. Durant plus d’une heure, Las Aves a déroulé ses classiques (N.E.M, Antistar, Gasoline…). Et lorsque la voix flûtée et pénétrante de Géraldine Baux retentit pour interpréter “Die in Shanghai”, tout le monde retint son souffle.
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Avec son énergie transcendante et un sens inné du groove, la frontwoman de Las Aves a réussi à nous transporter dans un univers musical électro faisant coexister la Trip hop de Portishead et le R’nB façon M.I.A. Pour clôturer leur concert, Las Aves s’est même permis une incursion hip hop avec un nouveau titre exclusif : « BLJ ». Au moment de rendre leurs synthés, des instruments bizarroïdes se sont fait entendre au loin. C’est Jacques (et sa coupe de cheveux à laquelle on ne s’habituera jamais) qui reprenait le flambeau d’un festival qui aura réussi son jubilé.
Vous revenez d’une tournée en Chine. Pas trop dépaysé par le soleil corse ?
Géraldine Baux – Un peu, c’était à la fois hyper étrange et très cool ce séjour là-bas. L’institut français nous avait invités pour une tournée de deux semaines et on a vraiment kiffé.
Jules Cassignol – Au début, on avait un peu peur parce qu’on est des flippés de l’avion mais en fait ça s’est hyper bien passé. C’était vraiment un voyage hallucinant.
Le voyage reste le fil rouge de Las Aves. Comment ce thème s’est imposé dans vos chansons ?
Géraldine – Dans l’album, le thème qui revient le plus c’est effectivement le voyage, mais le voyage rêvé, pas le voyage concret. L’idée d’imaginer un ailleurs, dans une recherche d’idéal et de liberté. D’où les clips itinérants.
Jules – Le fil rouge c’était aussi de suivre des groupes de meufs à travers le monde, dans des villes vraiment éloignées de nous, pour raconter des choses nouvelles et laisser libre court à l’imaginaire.
Comment l’idée de la chanson « Die in Shanghaï » vous est venue ?
Géraldine – Collectivement.
Jules – C’est tout bête mais une partie du morceau est inspiré de la musique chinoise. Nos voyages nourrissent notre musique, et au moment d’écrire les paroles on a fonctionné par association d’idées. On travaille de façon très instinctive. Donc en s’imprégnant de ces sonorités asiatiques, on a pensé à Shanghaï, aussi pour la rime avec la phrase d’avant (rires).
Géraldine – Ca n’aurait pas marché avec Séoul par exemple (rires).
Jules – Mais la ville de Shanghaï a été une vraie inspiration, dans son mélange entre futurisme et tradition.. Ca faisait écho à nos productions et à l’esthétique générale de l’album.
Vous avez récemment rempli la Cigale. C’était un concert important à vos yeux ?
Géraldine – Oui c’était un moment hyper particulier pour nous, c’est notre salle préférée, le lieu où nous avons vécu des concerts qui nous ont profondément marqués. Au moment de choisir une salle parisienne, on a poussé pour être à la Cigale. Et faire la Cigale, en vrai, comme ça, en tant qu’artistes, être à la place de ceux qu’on a admirés, c’était juste fou. C’est à l’heure actuelle notre meilleur souvenir de concert.
Jules – C’est notre concert où les gens ont le plus gueulé aussi (rires). Ils connaissaient toutes les paroles, étaient vraiment dans La vine tout du long. C’était aussi la première fois qu’il y avait tant de monde juste pour nous. On était aux anges, on n’a même pas réfléchi à une autre salle, c’était le must pour nous, on voudrait faire des Cigales partout dans le monde !
Comment vous écrivez ensemble ?
Géraldine – On commence des choses chacun de notre côté, et on met en commun. Ca donne donc un album assez hétérogène et collaboratif. Un morceau aura été fait en majorité par l’un d’entre nous, un autre aura été vraiment collectif.
On sent que vos liens avec The Dø sont ténues. Dan Levy a produit votre album, Olivia Merilahti a fait une apparition surprise dans votre concert à La Maroquinerie. Comment est né cette collaboration entre vous ?
Géraldine – On a croisé Dan sur un festival il y a assez longtemps, à l’époque de notre premier groupe les Dodoz. On a pensé très fort : « C’est qui ce connard ». De son côté, il s’est dit : « C’est qui ces petits cons ? » (Rires)
Jules – Ouais il y’a eu un rejet mutuel assez étrange, j’en viens à penser que ça doit être bon signe.
Géraldine – On en était resté sur cette première mauvaise impression commune. Et en commençant Las Aves, on bossait au départ seuls dans notre studio à Toulouse, puis on a eu envie d’aller plus loin, de collaborer avec d’autres artistes. On a repensé à Dan. En écoutant chacun le travail de l’autre, nous nous sommes rendus compte qu’on allait dans la même direction artistique, qu’il y avait une vraie connexion et parenté. On a commencé à faire des aller/retour Toulouse-Normandie pour bosser ensemble, et ça a été au final assez naturel.
Avant Las Aves, vous aviez un groupe de punk furax qui s’appelait The Dodoz. Pourquoi avez-vous décidé de l’abandonner pour donner naissance à Las Aves ?
Jules – Nous étions livrés à nous-mêmes. On n’avait plus d’argent, plus de label, plus d’intermittence. On etait contraints dans un studio plus petit et nous ne pouvions plus enregistrer en live. On a du enregistrer avec des boites à rythme car on avait même plus le matériel nécessaire pour enregistrer une vraie batterie. Toutes ces contraintes ont finalement créé un nouveau son. Tout ce qui de prime abord nous bloquait est finalement devenu la clé pour l’élaboration d’une toute nouvelle musique. On a construit notre petite cabane de confort sur un océan d’inconfort (rires).
Géraldine – On était vraiment dans l’exploration de choses et de façons de faire inconnues. Ca nous a forcé à composer autrement.
C’est ce revirement musical qui explique l’abandon de votre ancien nom de groupe ?
Géraldine – Exactement. Par respect pour ce qu’on avait fait avant de toute façon, nous étions obligés de changer de nom. On avait envie que The Dodoz reste cette bulle très punk. On a eu envie de construire autre chose à côté.
Jules – La recherche de noms, ce grand trou noir dans lequel tu te débats infiniment… On est tombé sur Las Aves, archipel au large du Venezuela. Je tenais à avoir « Las » dans le nom moi, ce sont trois lettres que j’aime bien, un côté espagnol et tex mex à la fois. On ne voulait pas un nom qui puisse aiguiller vers un style ou une esthétique trop encadrée.
Pourquoi Adrien, le quatrième membre du groupe, a quitté l’aventure ?
Géraldine – Je pense qu’il se retrouvait moins dans le virage musical radical que l’on a pris. Quand on écoute son projet solo « Ryder The Eagle », on comprend que d’un point de vue artistique il avait besoin de proposer quelque chose de différent, du coup il est parti seul. Mais nous sommes restés très proches, c’est le frère jumeau de Jules.
Jules – Oui, j’ai pas le choix (rires).
Dans votre album, on passe de la pop rock à des tonalités Rn’B ou hip-hop. Comment êtes-vous parvenu à faire coexister des styles musicaux aussi différents ?
Jules – Il y a effectivement des albums où l’on va d’un point A à un point B, pas chez nous.
Géraldine – Trop de cohérences, ça nous fait un peu peur…
Jules – On s’est jamais dits : « On va faire telle sorte de musique et aucune autre ». Et l’on aime croire que notre truc à nous va être une façon d’amorcer un morceau, un champ lexical particulier au niveau des paroles. On préfère qu’un lien se crée sur des niveaux plus inconscients. Et quand on est en live, je pense que l’on parvient à faire vivre cette cohérence plus large.
Géraldine – Et à dire vrai, ce que l’on produit correspond aussi quelque part à ce qu’on écoute et ce qui nous inspire. Nous sommes trois, on écoute tous des choses différentes. Du punk, du trip hop, du rn’b, du hip hop. On adore Damso en ce moment.
Jules – Mais oui. Damso a une vraie finesse, tu sens qu’il a écouté à fond Drake ou Young Thug, les prods sont très léchées. Kendrick Lamar et Odd Future aussi je ne m’en lasse pas. On aime beaucoup Princess Nokia aussi. Mais entre tous ces trucs hip hop, on écoute toujours pas mal de trucs 90’s ou 70’s, qui viennent calmer les énormes basses (rires).
Propos recueillis par David Doucet
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