La grande collection de musique ancienne Das Alte Werk fête ses 40 ans. C’est l’occasion d’un feu d’artifice discographique mêlant rééditions et nouveautés, servies par les interprètes qui ont fait toute son histoire, ainsi le Concentrus Musicus de Vienne, pionnier du baroque sur instruments anciens. Depuis longtemps, son chef, Nikolaus Harnoncourt, dirige parallèlement les plus […]
La grande collection de musique ancienne Das Alte Werk fête ses 40 ans. C’est l’occasion d’un feu d’artifice discographique mêlant rééditions et nouveautés, servies par les interprètes qui ont fait toute son histoire, ainsi le Concentrus Musicus de Vienne, pionnier du baroque sur instruments anciens. Depuis longtemps, son chef, Nikolaus Harnoncourt, dirige parallèlement les plus grandes phalanges versées dans le répertoire classique et romantique ; lui-même navigue de plus en plus vers les oeuvres du xxème siècle. Le retrouver ici à la tête de son ensemble viennois dans l’une des partitions de la maturité de Joseph Haydn n’en a que plus de signification. Avec ses oratorios et ses symphonies londoniennes, les six grandes messes du compositeur inaugurent une ère nouvelle. Les moyens d’expression romantiques pointent résolument le nez. Ampleur symphonique, clairs-obscurs dramatiques : ces fresques annoncent les messes de Schubert et plus encore la Missa solemnis de Beethoven. Ambiguë dans l’expression, la Messe Nelson n’a pas été conçue directement en l’honneur de l’amiral anglais qui devait canarder un peu plus tard la flotte de Bonaparte du côté d’Aboukir : si elle se fait le reflet d’une détresse qui rappelle les passages tumultueux du Requiem de Mozart, elle évolue bien vite vers l’allégresse. Comme pour beaucoup d’oeuvres d’Haydn, les titres ont été appliqués après coup, en fonction des grands événements ou encore à des fins promotionnelles. On n’en a pas moins affaire ici à un témoignage musical important qui renvoie à une époque dominée par les grands stratèges politiques ; bientôt Beethoven va s’enthousiasmer pour Bonaparte. En donnant à cette oeuvre le poids inquiétant et universel des grandes pages romantiques tout en aérant l’édifice, Harnoncourt convainc de la légitimité de la démarche qui l’anime depuis des lustres : déflorer l’essence des oeuvres en faisant dans le pragmatisme. Après Haydn, on pourra également goûter la force tranquille qui caractérise ce chef hors norme dans la 7ème symphonie de Dvórak.