Nicolas Sarkozy a annoncé dimanche qu’il voulait utiliser son million de ‘fans’ sur Facebook pour repartir à la conquête de l’UMP. Mais ces internautes peuvent-ils réellement peser sur le devenir politique de l’ancien président ?
La campagne de reconquête de l’UMP par Nicolas Sarkozy est lancée, et elle sera 2.0. Ce dimanche, dans le JDD, l’ex-président de la République a déclaré: « J’ai un million d’amis sur Facebook et je compte bien m’en servir. En plus, ça coûte zéro centime. »
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L’ancien président de la République affectionne le réseau social de Mark Zuckerberg. Depuis sa défaite à la présidentielle de 2012, les quelques rares messages dont il s’est fendu ont été publiés sur le mur de sa page personnelle – sept en tout, qui ont rythmé son retrait de la vie politique, entre mises en examen et appels aux dons à l’UMP. Comme si son retour politique était déjà en gestation, ces messages se sont progressivement rallongés et politisés – le dernier en date, le 23 mai, était un véritable plaidoyer pour l’Europe. Mais réussira-t-il à se hisser à la tête de son parti à la seule force de Facebook ?
Sarko l’ »early adopter »
Ce retour à la vie politique par sa cyber-base ne surprendra pas les connaisseurs de l’ex-président. Pour les spécialistes du numérique, Nicolas Sarkozy est un « early adopter ». « En 2007, il avait mené des campagnes d’emailing, c’était le premier à faire des mots-clés sur Google, et à se faire interviewer par un blogueur, Loïc Le Meur, se souvient Jérémie Mani, président de Netino, une agence spécialisée dans la modération. L’issue avait été heureuse, je pense donc qu’il veut essayer de renouveler l’expérience en s’appuyant sur les réseaux sociaux ».
En 2012, il avait aussi été le premier à faire usage d’une TimeLine dernier cri sur Facebook, sous les conseils de son prestataire Web Emakina. Des soupçons de favoritisme de Facebook envers le candidat Sarkozy s’étaient alors répandus.
Cette ancienneté sur les réseaux sociaux lui a permis de se forger un capital en matière d’e-réputation qu’il a su faire fructifier tout au long de sa carrière politique. « Nicolas Sarkozy accumule des fans sur sa page Facebook depuis 2007, car il a été un précurseur dans l’utilisation de ce réseau social, relate Matthieu Lerondeau, directeur associé de la Netscouade, une agence digitale proche du Parti socialiste. Il conserve ses ‘amis’ comme un trésor de guerre: en 2012 il avait démarré sa campagne avec 400 000 ‘amis’, alors que François Hollande n’en avait que 100 000.”
Désormais l’ancien président de l’UMP en a près d’un million, contre quelque 500 000 pour François Hollande, et près de 400 000 pour Marine Le Pen. Même au niveau européen, Nicolas Sarkozy peut se targuer de faire la course en tête: Angela Merkel en a 600 000, Matteo Renzi, 700 000… Seul Beppe Grillo, du mouvement italien Cinq Etoiles, le dépasse, avec 1 675 000 fans.
« Le ‘like’ n’est pas forcément une marque de soutien »
Mais cette force de frappe numérique peut-elle vraiment s’avérer utile ? Cela semble compromis pour ce qui est de l’élection du président de l’UMP, le 29 novembre prochain, car seuls les adhérents pourront voter, et la date limite d’adhésion est au 30 juin – soit trop tôt pour que Nicolas Sarkozy sorte de sa réserve. Dommage, car l’UMP ne compte que 130 000 adhérents à jour de cotisation, ce qui est peu comparé au nombre de fans de Nicolas Sarkozy sur Facebook.
De même, si l’UMP décide d’organiser une primaire citoyenne pour désigner son candidat à l’élection présidentielle de 2017, ce qui est fort probable, le million d’amis de Nicolas Sarkozy est en apparence considérable. En effet, lorsque le PS avait convoqué de telles primaires en 2011, environ 2,5 millions de sympathisants s’étaient déplacés pour voter – l’UMP mise prudemment sur 3 millions. Cependant la proportion de sympathisants de Nicolas Sarkozy parmi ses fans sur Facebook est peut-être plus petite qu’on ne le croit. « Quand on est une personnalité publique, le ‘like’ n’est pas forcément une marque de soutien : des gens vous suivent par intérêt général, voire pour vous contre-attaquer. Il y a une forme de naïveté chez Nicolas Sarkozy à s’imaginer qu’il entretient un lien direct avec 1 million de ‘likes' », précise l’entrepreneur web Arnaud Dassier, qui a été le responsable Internet de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, avant de prendre ses distances avec lui.
Une force de frappe à relativiser
Un million de ‘likes’ ne constituent en effet pas nécessairement un million de colleurs d’affiches. « Marine Le Pen n’a que 400 000, mais ils sont très actifs, et rediffusent l’information sur le maximum de médias possible, constate Jérémie Mani, le président de Netino. La vraie question consiste donc à savoir si au moins la moitié des ‘amis’ de Nicolas Sarkozy seront aussi actifs que ceux de la présidente du Front national.”
A l’autre extrême, l’hyperactivisme de certains militants sur internet se déploie parfois avec tant d’agressivité, et de manière si binaire – ce sont les fameux ‘trolls’’ –, qu’il peut s’avérer “contre-productif”, en dégoûtant des sympathisants plus mesurés, selon Arnaud Dassier. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, l’utilité de Facebook laisse donc dubitative: “Il peut aller demain au journal de 20 h de TF1, il aura 9 millions de téléspectateurs”, rappelle le spécialiste.
De plus, Facebook a récemment modifié son algorithme pour imposer des règles de “reach” plus contraignantes. Pour résumer, il n’y a désormais que 4 % des personnes qui likent la page Facebook de Nicolas Sarkozy qui peuvent potentiellement voir les messages qu’il publie s’afficher sur leur mur. Pour augmenter ce pourcentage, il devra payer des milliers d’euros – ce qui, après les récentes révélations sur son budget de campagne en 2012, ne devrait pas l’impressionner, mais son rêve de ne pas débourser “un centime” est bel et bien infondé.
Enfin, il ne faut pas exagérer l’influence des réseaux sociaux sur une campagne électorale. Plusieurs études ont montré que le “slacktivisme” (littéralement “activisme paresseux”) si répandu sur internet n’est pas efficace. Le tweet et le retweet n’ont pas encore remplacé le bon vieux porte-à-porte, de même que le “like” ne vaut pas encore une bonne vieille poignée de main sur la place du marché. Cependant, “en complément du militantisme traditionnel, le fait de pouvoir directement s’adresser à des sympathisants ou à des militants qui vont par la suite eux-mêmes rediffuser l’information à leurs propres amis peut créer au moins en théorie un effet de masse”, affirme Jérémie Mani.
Encore une longueur d’avance sur Juppé et Fillon
La préférence de Nicolas Sarkozy pour Facebook n’est en effet pas anodine. Dans ce domaine, il conserve une longueur d’avance sur ses rivaux potentiels à l’UMP. En dépit de son statut de blogueur historique, avec son ‘blog-notes‘, Alain Juppé fait par exemple assez vieille école en matière de communication. « C’est une logique ‘quanti versus quali’, analyse Jérémie Mani. Sur son blog, Alain Juppé publie de longs articles, qui sont de l’ordre du débat d’idées, mais l’audience n’est pas élevée. Il lui sert lorsqu’il est repris par les médias, mais il n’a pas l’effet viral et de masse que peut avoir Facebook, où en un clic on devient fan et on peut rester en contact de façon très massive ». Quand à François Fillon, son inscription anonyme sur Twitter en 2011 avait viré au flop mémorable.
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