Toujours sur un fil, le trampoliniste Yoann Bourgeois convie ses amis à une divagation poétique – et acrobatique. Minuit pile.
Transformer la cour du Théâtre des Abbesses en place de village le temps d’un prologue à Minuit n’est pas la moindre réussite de Yoann Bourgeois. Le public – et autres passants – se faufile ainsi entre La Balance de Lévité qui voit Marie Fonte défier la gravité et le Tube d’eau dans lequel Jörg Müller se meut. Une fois les portes de la salle refermées, c’est une autre histoire. Celle d’un individu qui ne tient pas debout face à son micro, se le prend dans la gueule aussi…
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Il faut un peu de temps pour comprendre que ce monologue d’un homme au bord du précipice est avant tout une déclaration d’amour. Celui “qui s’accroche à ses rêves”, traverse le “désert à la nage”, c’est Yoann Bourgeois. Et c’est un peu nous. Minuit est un carnet d’esquisses, une multitude de croquis préparatoires aux spectacles à venir, comme L’Art de la fugue, qui le révéla en 2011. Il y a ainsi cette Fugue/Table où Marie Fonte dialogue avec Yoann : deux chaises qui se brisent, deux corps manipulés. Encore une histoire de couple.
Yoann Bourgeois a sous-titré Minuit “Tentatives d’approches d’une point de suspension”. Il explique ce choix : “Dans la pratique du jonglage, cela désigne le moment précis – l’instant – où l’objet lancé dans les airs atteint le plus haut point de la parabole juste avant la chute.” On ne sait ce qui passionne le plus cet artiste singulier : l’envol ou son contraire. D’un trampoline, il se sert pour marcher à l’horizontale. Et tomber une fois de plus.
Minuit peut paraître décousu dans sa succession de numéros. Il n’en est rien. Un fil rouge – ou une corde, celle de la harpe de Laure Brisa qui jour en live – relie Le Mobile musical de Jörg Müller et la roue de Mathurin Bolze. Ce serait le temps d’“une sorte de présent absolu” pour reprendre les mots de Yoann Bourgeois. A regarder ces interprètes, on se perd dans un infini poétique. Minuit est une constellation où tout se joue à vue : changement d’accessoires, d’harmonies, de rythmes. Au final, ces quatre enfants de la balle saluent en s’élevant vers le ciel du théâtre. Avant de retomber au sol comme en enfance. Minuit et tout recommence.
Minuit, mis en scène par Yoann Bourgeois avec Mathurin Bolze, Laure Brisa, Marie Fonte et Jörg Müller, Théâtre des Abbesses, Paris XVIIIe, jusqu’au 24 avril (tél. 01 42 74 22 77)
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