L’année touchait à sa fin, c’était l’heure des bilans, des chocolats et des best-of, tout semblait joué. Plus rien de significatif ne sortirait, à moins que Ce fut d’abord une rumeur, de plus en plus insistante et concordante, un bruit de fond sur le Net, bientôt un brouhaha : il y avait ces disques sortis […]
L’année touchait à sa fin, c’était l’heure des bilans, des chocolats et des best-of, tout semblait joué. Plus rien de significatif ne sortirait, à moins que Ce fut d’abord une rumeur, de plus en plus insistante et concordante, un bruit de fond sur le Net, bientôt un brouhaha : il y avait ces disques sortis de nulle part, on n’avait jamais entendu ça, The Arcade Fire et Micah P. Hinson. Malgré leurs différences, ces deux albums avaient en commun de laisser derrière eux, l’un depuis le Canada, l’autre depuis le Texas via Manchester, comme une traînée d’émerveillement.
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Et on se mit alors à chérir le nom magique du disque introuvable de l’Américain : Micah P. Hinson and the Gospel of Progress. Jusqu’à ce qu’on l’écoute enfin, jusqu’à ce qu’on puisse mesurer combien tout ce qu’on avait lu sur lui était justifié et combien tout ce qu’on avait imaginé était en dessous de la vérité. Justifiées, ce sont toutes les comparaisons qui viennent spontanément à l’esprit : Spain pour la tenue élégante, Mercury Rev pour la production nébuleuse, la finesse des arrangements, Sparklehorse pour le songwriting, et cette voix chaude et brisée à la fois, Nick Cave pour la grandeur de l’ensemble.
En dessous de la vérité, c’est pour dire combien elles traduisent mal la singularité, l’ampleur et la beauté de ce disque. Confiées aux mains d’orfèvres des Earlies (déjà responsables avec leur propre album d’une des merveilles de l’année), les chansons de Micah P. Hinson soulèvent sans difficulté apparente leurs délicats ornements et s’élèvent avec une grâce stupéfiante, sublimes vaisseaux, à des altitudes depuis lesquelles les autres ont la taille de fourmis.
On pourrait alors les citer chacune, décrire leurs atours, s’émerveiller chaque fois de tant de richesse dans tant de simplicité, ou l’inverse, dire combien elles laissent sans voix, combien elles bouleversent, mais on manquerait vite de superlatifs, et on n’aurait pas encore parlé de The Day Texas Sank to the Bottom of the Sea. On vient d’écouter un grand album ; lorsque cette chanson, la dernière, commence, c’est comme s’il n’avait pas existé. En fait, pendant plus de huit minutes, plus rien n’existe. C’est beau à pleurer et il n’y a rien d’autre à dire. Quand c’est fini, le silence est intolérable. Et la seule solution est de recommencer, car ce disque est le poison et sa propre cure.
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