Sky Ferreira est accusée de racisme pour son clip « I Blame Myself ». Miley Cyrus, Lana del Rey, Lilly Allen l’avaient déjà été avant elle pour des faits similaires. Explications.
Dans le clip I Blame Myself, mis en ligne le 16 avril, Sky Ferreira se met en scène en membre d’un gang. On la voit rouler en voiture, vêtue d’un cuir noir, jouer la dure avec ses lunettes de soleil, prendre des poses lascives lors d’un interrogatoire de police, et se toucher beaucoup, beaucoup les cheveux (qu’elle a désormais noir corbeau). La vidéo se conclue sur une chorégraphie interprétée par Sky Ferreira et les autres membres – tous de jeunes hommes noirs- de son gang.
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Comme le rapporte Pitchfork, suite à son clip, la chanteuse s’est vue taxer de racisme sur les réseaux sociaux (elle utiliserait les danseurs noirs comme des « accessoires » et associerait trop les Noirs aux gangs). Sky Ferreira s’est empressée de clarifier les choses, jeudi, dans un long post Facebook:
« Rien ne m’énerve plus que d’être traitée de raciste car c’est une des pires choses sur terre. Non seulement je trouve ça insultant envers moi-même mais je trouve ça insultant vis-à-vis des acteurs et danseurs et de ma famille qui sont dans la vidéo. Non, je n’ai pas utilisé les danseurs noirs comme « accessoires ». Je n’ai jamais considéré un être humain comme un accessoire. C’est dégoûtant. C’est une idée qui ne m’a jamais traversé l’esprit. C’est pourquoi je ne comprends pas qu’on me dise ça. Les danseurs sont des objets?!?! Comment osez-vous ! Les danseurs créent des choses. S’ils étaient blancs, auraient-ils été considérés comme des « accessoires »? J’ai auditionné plein de danseurs de toutes races et mes danseurs étaient les meilleurs. »
La chanteuse rappelle au passage que « son frère est métis« , ses « cousins noirs« , que sa famille est « américano-latine et amérindienne« . Elle ajoute, passablement énervée:
« Certains membres de ma famille sont dans la vidéo. Je n’ai pas été élevée dans une famille « blanche » et je ne suis pas une petite fille, je suis indépendante financièrement depuis mes quinze ans. Je suis une femme, pas une putain de petite fille. Ce n’est pas parce que j’ai la peau blanche et les yeux verts que j’ai été élevée à Beverly Hills et que j’ai des parents suédois qui bossent dans l’industrie cinématographique ou quoi que vous vous soyez imaginé d’autre. Vous vous seriez senti mieux si j’avais dansé avec un groupe de danseurs blancs et blonds dans un centre commercial ? Devrais-je n’embaucher que des danseurs blancs à partir de maintenant? Si je suis raciste est-ce que ça veut dire que vous êtes pro-ségrégation?! »
Au passage, elle souligne que son clip est directement inspiré de ceux, très chorégraphiés, de Michael Jackson (et effectivement la référence est frappante), qui l’ont, dit-elle, « inspirée et ont joué un gros rôle durant [son] enfance« . Rappelons ici que sa grand-mère était la coiffeuse personnelle de Michael Jackson et qu’elle l’a beaucoup côtoyé étant enfant (voir son portrait ici).
Lilly Allen, Miley Cyrus, Lana del Rey
Sky Ferreira n’est pas la première pop star blanche à se voir reprocher d’utiliser des danseurs noirs comme « accessoires » (« props » en anglais). En novembre dernier, Lilly Allen se moquait des clips de rap et de leur lot de clichés sexistes dans la vidéo de Hard Out Here. Loin de faire le buzz pour son parti-pris féministe, la chanteuse était accusée d’avoir mis en scène des danseuses noires, peu vêtues et twerkant à tout-va alors qu’elle-même était en pantalon et t-shirt manches longues et chantait » “Je n’ai pas besoin de remuer mes fesses pour toi/Parce que j’ai un cerveau ». Le site Noisey commentait: « voilà pour la solidarité féminine« .
Avant elle, c’était Miley Cyrus qui en prenait pour son grade suite à sa prestation aux Video Music Awards. Là encore pour les mêmes raisons : s’être entourée de danseuses noires. La pop-star était également critiquée pour son twerk frérénétique, perçu par certains critiques et journalistes comme le pastiche d’un élément de la culture afro-américaine. Le journaliste Jody Rosen (New Yorker, Rolling Stone, Slate…) allait jusqu’à comparer sa prestation aux Video Music Awards aux « minstrel shows », ces spectacles populaires aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle et au début du XXe dans lesquels des acteurs blancs se noircissaient le visage pour jouer des personnages noirs.
Mentionnons aussi Lana del Rey, dont le clip Tropico avait fortement déplu au site féministe Jezebel. La journaliste Hillary Crosley lui reprochait de se réapproprier des codes de la culture gangsta-latino (la larme au-dessous de l’œil, notamment).
Dans un article paru sur le site Slate en février dernier, la journaliste Mathilde Carton s’interrogeait sur la culture dont les pops stars blanches pouvaient se réclamer si elles ne pouvaient plus se réapproprier des codes d’autres cultures. Elle se demandait aussi, au passage, de quels éléments était constituée cette culture blanche américaine. Interrogée, Kalia Adia Story, responsable du département des études africaines à l’Université de Louisville, assurait: « La seule culture que l’on peut qualifier de “blanche” est construite sur la couleur de la peau, le pouvoir, le privilège et ce qu’on appelle la suprématie blanche (…) Miley Cyrus, Lana del Rey et Katy Perry empruntent la culture des gens de couleur parce que la soi-disante « culture blanche américaine » est intangible. Les raisons pour lesquelles ces types d’appropriation ou d’emprunt sont racistes viennent du fait que les représentations que ces pop stars ont des cultures noir/japonaise/latino sont fondées sur des stéréotypes de blancs suprématistes ». N’irions-nous pas un peu trop loin?
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