Alors que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon tient son université d’été à Marseille jusqu’à dimanche, et vise à s’ancrer durablement dans le paysage politique, l’avenir du Parti de gauche pose question.
Derrière une table garnie d’une rangée de sandwich falafel, Jean-Luc Mélenchon, tout sourire, régale les militants qui font la queue pour leur pause déjeuner d’une anecdote de circonstance. « Quand j’avais 20 ans, les révolutionnaires étaient trotskistes. Maintenant, ils sont vegan. Bon… Ils renversent quand même l’ordre établi ! », badine-t-il. Changement d’époque, changement d’ambiance. Le décors de l’université d’été de la France insoumise (les « amFIs d’été », notez le jeu de mots), où sont attendues quelque 3 000 personnes ce week-end à Marseille, en témoigne assez bien.
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Insensiblement, depuis le début de la campagne présidentielle de l’homme aux 19,6 % des voix, les bannières partisanes ont disparu. Exit les drapeaux rouge feu du Front de gauche. Dans l’enceinte de la faculté de sciences investie par les insoumis, dans le centre de la citée Phocéenne, le symbole du « phi » est hégémonique. Logique, alors que le député de la 4e circonscription de Marseille s’était fixé pour objectif « non pas de rassembler la gauche, mais de fédérer le peuple ». Mais que devient le Parti de gauche (PG), dont il est président d’honneur, alors que LFI semble bien décidée à se structurer au-delà les bornes temporelles étroites de la présidentielle de 2017 ?
« Le PG décidera de son avenir »
Pour l’instant, la question est en suspens, et LFI ne veut surtout pas donner l’impression de se préoccuper de questions internes – encore moins de « tambouille partisane ». « L’enjeu est de proposer au pays un outil pour faire face à la question sociale et écologique, ainsi qu’à l’impasse démocratique. On ne va pas se regarder le nombril ou revenir à la forme cartel », défend ainsi Manuel Bompard, directeur de campagne de Mélenchon, et un des dirigeants de LFI. Entouré du député du Nord Adrien Quatennens, formé au PG dont il est toujours membre, de celui de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière, secrétaire national du PG et porte-parole de « JLM », et de Charlotte Girard, responsable du PG et co-responsable du programme de LFI, Manuel Bompard, lui-même secrétaire national du PG, semble vouloir faire oublier cette étiquette : « Le PG décidera de son avenir, mais il n’y a pas de problème à être à la fois membre d’une organisation et de LFI. On ne demande pas à ce que les cartes d’adhérents soient déchirées à l’entrée. Il y a besoin d’espaces syndicaux et politiques. »
C’est tout le dilemme pour les responsables de LFI qui ont cette double appartenance. Le PG, qui compte 7 000 adhérents, désirait la naissance d’un « mouvement citoyen » qui le dépasse, et qui soit poreux avec la société. Mais maintenant que le pari semble être réussi, puisque LFI comprend quelques 500 000 signataires dont c’est pour beaucoup le premier engagement politique, il ne veut pas apparaître comme une avant-garde éclairée, susceptible de les faire fuir. Ces « amFis » d’été sont ainsi l’occasion d’élaborer « une culture commune, pas une doxa ou une secte », souligne Charlotte Girard.
Le PG deviendra-t-il un think-tank ?
Juste avant l’arrivée en grande pompe de l’ex-président de l’Equateur, Rafael Correa, guest-star de ce week-end, Adrien Quatennens tire les leçons de la campagne présidentielle. Pour le jeune lillois, la forme du parti traditionnel charrie avec elle une « lutte des places » qu’il serait contreproductif de réveiller dans cette phase de consolidation de la France insoumise.
« Si on voulait s’écharper politiquement, il y a tellement de cultures politiques diverses à LFI, de gens militants depuis 20 ans et d’autres qui ne le sont que depuis 20 minutes, qu’on le pourrait, il y aurait des courants et des fractions. Mais quel intérêt avons-nous à le faire ? Aucun. »
Dans les réseaux militants, l’hypothèse d’une absorption du PG dans LFI suscite des sentiments contrastés. Certains y sont indifférents, tandis que d’autres, membres du PG de longue date, craignent d’être marginalisés au profit de moines-soldats de la campagne. L’hypothèse de sa transformation en « think-tank », au service du programme de LFI à travers la revue L’Intérêt général est évoquée. Charlotte Girard, qui insiste sur le fait que « la majorité militante est sans appartenance« , souligne que les militants du PG ont eu un rôle utile durant la campagne : « Il faut reconnaître la valeur du savoir faire des militants politique. Ils ont permis que des actions concrètes émergent des groupes d’appui. Tant que des membres du PG souhaiteront qu’il vive, il vivra, et LFI ne fera rien pour saper l’existence des partis. »
« C’est l’utilité qui va trancher »
Alexis Corbière, conscient de ce bouillonnement interne, joue aussi les pacificateurs :
« Il ne faut violenter personne, quoi qu’il arrive, cela doit être naturel. Mais une organisation politique peut très bien se maintenir dans LFI. C’est l’utilité qui va trancher. Il ne faut pas tomber dans le travers de débattre davantage de la forme que du fond. La question reste de savoir comment s’adresser aux abstentionnistes. »
Le parti qui souhaite précipiter une « révolution citoyenne » discute de son avenir en Conseil national. Mais à en croire ses cadres, la dissolution n’est pas à l’ordre du jour. « Si on se dissolvait demain, ça voudrait dire que LFI devient un parti. Nous ne voulons pas ça », tranche Eric Coquerel, secrétaire national du PG. Pour Quatennens, le maître mot reste d’agglomérer encore et toujours plus de militants, et de se tourner vers l’action politique extérieure : « On met quelques années dans la vue des autres parties politiques qui, après la débâcle, doivent se ‘reconstruire’. Nous, nous n’allons pas nous reconstruire, mais nous redéployer. » Verdict à la convention nationale de LFI, prévue pour mi-octobre.
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