Jean-Luc Mélenchon a pointé du doigt « l’impérialisme américain » comme « principal responsable du mal » au Venezuela. Mais qu’en pensent les insoumis ?
Jean-Luc Mélenchon en voit de toutes les couleurs – surtout des jaunes, des bleues et des rouges, celles du drapeau vénézuélien – depuis qu’il a pointé du doigt « l’impérialisme américain » comme « principal responsable du mal » dans le pays dirigé par Nicolas Maduro. L’ex-candidat à la présidentielle a brisé la glace ce 25 août à Marseille, à l’université d’été de la France insoumise (LFI), en introduction d’une conférence de Rafael Correa, l’ex-président de l’Equateur. Accusé depuis des semaines de garder le silence sur la crise au Venezuela, où l’antagonisme entre le gouvernement chaviste et l’opposition prend des formes toujours plus violentes (on compte quelque 140 morts), il s’est fendu d’une mise au point.
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Mélenchon sur le Venezuela: "Le resp principal du désordre & des tentatives de guerre civile, c'est l'impérialisme américain" #AMFiS pic.twitter.com/7rYQGmj90F
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) August 25, 2017
« Je n’ai jamais eu l’idée de gouverner la France comme l’Equateur, et naturellement ce qui vaut pour l’Equateur – vous l’avez tous deviné entre les lignes – vaut pour n’importe quel autre pays, a-t-il démarré. Cependant, pas une fois […] nous ne perdrons notre temps à jeter des pierres à nos amis, dont nous savons qu’ils ne sont pas parfaits, car nous mêmes ne le sommes pas. […] Quelque erreur que fassent nos amis, ne perdons pas de vue que le principal responsable du mal, du désordre et des tentatives de guerre civile, c’est l’impérialisme américain », a-t-il poursuivi, déclenchant une salve d’applaudissements (voir la vidéo à partir de 5 min 10).
La « possible intervention militaire » des Etats-Unis ne passe pas
Alors que l’Union européenne, la France et même le Parti socialiste ont condamné les violences au Venezuela, Jean-Luc Mélenchon campe donc sur une position plus nuancée, préférant insister sur l’ingérence états-unienne dans ce pays pétrolier. Pour rappel, Nicolas Maduro avait dénoncé un complot de la CIA pour le renverser, avant que Donald Trump évoque il y a deux semaines une « possible option militaire » dans ce pays d’Amérique du Sud. Finalement, les Etats-Unis ont alourdi leurs sanctions financières contre le Venezuela, en écartant l’option militaire à court terme.
Mais qu’en pensent les « insoumis » ? Aux « AmFIs » d’été de LFI, où cette question a fait l’objet de plusieurs tables rondes, on soutient de manière assez unanime cette position. “Je fais confiance à mon mouvement, c’est trop gros, commente Bruno, un quadra membre de LFI depuis janvier, et dont c’est le premier engagement. Je ne dis pas que Maduro a fait les choses parfaitement, mais l’opposition est sortie du cadre politique. Les violences dont on parle sont souvent provoquées par des militants de droite et d’extrême droite, manifestement manipulés par la CIA.”
Sans donner un blanc-seing à Nicolas Maduro, les « insoumis » s’accordent sur la « propagande organisée » des médias en faveur de l’opposition, et insistent sur le fait que parmi les morts, il n’y a pas que des opposants, mais aussi des policiers et des chavistes. A l’image de Françoise, militante formée à Attac et lectrice assidue du Monde Diplo : « Maduro a fait de grosses erreurs, mais en face, il a un adversaire qui ne pense qu’à récupérer le pétrole. Je suis complètement d’accord avec ce qu’a dit Mélenchon. Il y a une tyrannie de la communication, pour reprendre le titre d’un livre d’Ignacio Ramonet [ancien rédacteur en chef du Monde Diplo, ndlr] ».
« L’Amérique latine a toujours été l’arrière-cour des Etats-Unis »
Sans prendre parti explicitement pour Maduro, mais en dénonçant en négatif l’interventionnisme américain, l’homme aux 19,6 % de la présidentielle, qui avait salué en Chavez l’incarnation de « l’idéal inépuisable de l’espérance humaniste » à sa mort, semble donc avoir réussi à mettre les membres de son mouvement d’accord. « Il a été malin, convient Ruben Atlani, jeune militant, à la sortie d’un atelier sur le processus constituant au Venezuela. Nous sommes tous contre l’ingérence américaine dans la souveraineté d’un pays. En revanche, sur la situation politique au Venezuela, nos avis sont sans doute plus divers, on aurait pu passer des heures à en discuter ».
Parmi les insoumis, certains se rallient aussi à cette position par expérience du passé. Ainsi pour Victor Calfuquir, militant franco-chilien à la barbe poivre et sel, qui a vécu le coup d’Etat du général Pinochet soutenu par la CIA en 1973, il est évident que les Etats-Unis sont impliqués dans la déstabilisation du pays de la révolution bolivarienne :
« L’Amérique latine a toujours été l’arrière-cour des Etats-Unis. Hugo Chavez a initié au Venezuela une révolution citoyenne qui s’est diffusée dans une bonne partie de l’Amérique latine. Pour les Etats-Unis, c’est donc la cible prioritaire pour mettre un terme au cycle progressiste. Pour faire la démonstration que la gauche est incapable de gouverner, l’opposition soutenue par les Etats-Unis organise des provocations constantes, pour qu’il y ait des confrontations, et donc des morts. Le fait de ne pas avoir reconnu Maduro lors de son élection en 2014 en était déjà une.”
« Un nouveau plan Condor »
Lors de son allocution, l’ex-président de l’Equateur, Rafael Correa, a lui aussi fait référence aux interventions passées des Etats-Unis en Amérique latine. Evoquant le retour de gouvernements de droite et la fin de l’hégémonie progressiste dans le sud du continent américain, il déclarait : « Ce n’est plus seulement une tentative de retour au conservatisme, la réaction s’est approfondie : nous sommes face à un nouveau plan Condor« . Cette opération organisée par les dictatures latino-américaines dans les années 70 visait à éliminer tous les mouvements révolutionnaires, avec la complicité de la CIA… Au risque de quelques exagérations, « le passé pèse sur le présent comme le cadavre d’un géant » sur le Venezuela.
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