Cinq bonnes raisons de s’intéresser à Yo, la nouvelle application à la mode, aussi géniale qu’inutile.
Yo ! C’est le nom de la nouvelle application star qui vient de lever 1,2 million de dollars et qui a atteint la troisième place sur l’Apple Store français ! Le principe est tellement simple qu’il peut être résumé en 140 signes : l’appli Yo permet d’envoyer des « Yo » à ses contacts. En retour, chaque fois que vous recevez un « Yo « , l’appli vous gratifie d’une notification et d’un joli petit croassement syllabique.
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Décriée par la presse « high-tech » qui la juge aussi inutile que minimaliste, Yo compte déjà 50 000 utilisateurs dans le monde et 4 millions de messages envoyés. Victime de son succès, elle a même été récemment piratée. Mais avant de reléguer Yo au cimetière du web aux cotés de Chatroulette et Bitstrips, on a trouvé cinq bonnes raisons de ne pas la dénigrer trop vite :
Un potentiel lucratif
Lancée comme une blague le premier avril dernier, Yo aurait d’ores et déjà réussi à réunir 1,2 millions de dollars de financement de la part d’investisseurs anonymes, sauf un, selon Techcrunch.
Yo pourrait bien avoir un avenir commercial selon le Financial Times qui explique que Yo pourrait devenir une plateforme de notifications pour des marques ou des événements précis. Un « Yo » pourrait être envoyé lors de soldes ou d’opérations commerciales. La semaine dernière, Yo a d’ailleurs intégré une fonctionnalité permettant de recevoir un “Yo” à chaque but inscrit lors de la coupe du monde, en ajoutant l’utilisateur WORLDCUP.
Réhabilitation d’une communication binaire
Peut-on communiquer en s’envoyant simplement des « Yo » ? Oui et sans forcément se lancer dans du Morse en envoyant des rafales de « Yo ». Comme l’analyse Jean-Laurent Cassely sur Slate.fr en s’appuyant sur des déclarations de Marc Andreessen, le créateur du premier navigateur web, Yo réhabilite une forme de communication binaire (« one-bit communication »). Du type : vrai ou faux, Yo ou pas Yo.
2/Yo is an instance of « one-bit communication » — a message with no content other than the fact that it exists. Yes or no. Yo or no yo.
— Marc Andreessen (@pmarca) 19 Juin 2014
Loin d’être archaïque, ce type de communication est encore utilisé dans notre vie quotidienne : en informatique (le langage binaire), les sirènes de police ou d’alarme ou bien encore pour les signaux d’ouverture ou de fermeture d’un magasin. Pour Marc Andreesen, Yo pourrait même être comparé aux « appels manqués intentionnellement » (ces coups de téléphone que l’on interrompt avant que son interlocuteur ne puisse répondre) pour communiquer sans payer. Selon Marc Andreesen, au Bangladesh, 70% du trafic du principal opérateur téléphonique est composé d’appels manqués.
6/Aided by fact that missed calls cost nothing to send/receive. « In Bangladesh, missed calls are 70% of mobile traffic at any given time. »
— Marc Andreessen (@pmarca) 19 Juin 2014
Des usages à définir…
On pensait le “poke” de Facebook enterré et voilà que Yo débarque en proposant sensiblement les mêmes usages. De prime abord, le “Yo” peut être perçu comme une manifestation de présence ou d’attention. Un “Yo” envoyé à votre mère et elle saura que vous pensez à elle, un “Yo” à un pote et il saura que vous devez le rappeler. Yo pourrait même devenir la badgeuse du futur. Dans des bureaux délocalisés, un “Yo” envoyé à son patron pourrait lui indiquer que vous êtes à l’ouvrage. Bref, les possibilités d’utilisation semblent infinies…
Pourtant et comme toujours sur Internet, tout dépendra de l’appropriation qu’en feront les internautes. Yo deviendra t-elle une application pour choper encore plus directe que Tinder ? Ou bien encore une appli moins formelle que WhatsApp ou Snapchat pour écrire à vos amis ? Bien moins personnalisé qu’un like et moins connoté sentimentalement qu’un poke, le “Yo” pourrait simplement devenir un geste flemmard, accompli de manière distraite.
Tout dépendra sans doute du destinataire de votre “Yo”. Un “Yo” envoyé à un pote à 17h pour fêter un nouveau but de Karim Benzema n’aura pas la même signification qu’un “Yo” envoyé à un sex friend à 2h du matin. Le message n’importe plus en tant que tel, c’est le statut ou rôle social de votre destinataire qui le détermine.
Le nouveau bonjour universel
Si Booba est un indicateur du vocabulaire employé par les jeunes, ils se saluent plutôt à base de « wesh » que de « Yo ».
Pourtant, selon Josselin Bordat, co-fondateur de Brain magazine et auteur d’une analyse assez LOL du sujet, le choix du nom est très bon et adapté au public qu’il souhaite cibler :
« Le terme Yo s’est imposé dans les années 80 lorsque le hip hop est devenu mainstream. Il y avait même une émission de MTV qui s’appelait Yo. Aujourd’hui, Yo est utilisé par des personnes extérieures au hip hop, par des classes créatives qui ont entre 30 et 40 ans, dans la pub, la musique et le cinéma, et qui se saluent en utilisant le terme “yo” »
Une application punk
Et si Yo était un gigantesque pied de nez ? Sur la page de l’application l’Apple Store, les internautes rivalisent de malice et d’ironie pour vanter ses mérites. Comme cet internaute qui écrit ceci :
“Yo n’est pas seulement un moyen de communication simple et efficace, Yo est un mode de vie. Depuis que j’ai téléchargé Yo, mes relations se sont améliorées, mes cheveux ont repoussé, ma copine et ma mère ne se plaignent plus lorsque je ne leur envoie plus de messages. Un ‘Yo’ suffit”.
Après le rachat de Whatsapp pour un montant titanesque de 16 milliards de dollars, Yo pourrait bien être une appli punk dénonçant les dérives du système spéculatif de la Silicon Valley. C’est du moins l’avis de Josselin Bordat :
« Je ne serai pas étonné qu’Or Abel (le concepteur de l’appli) déclare dans un mois : ‘c’était une blague’. Cette application a tout d’une œuvre artistique à part entière. Mais si on fait l’hypothèse que « Yo » vaut vraiment un million de dollars, c’est peut-être parce qu’elle surfe sur une autre tendance : celle de la limitation du format d’expression. Alors que nous vivons une période de sur-communication, les applications qui marchent sont celles qui fonctionnent sur la contrainte. Soit de temps comme Vine ou Snapchat, soit de caractères comme Twitter… »
Pour aller plus loin : vous pouvez écouter l’émission Touche pas à mon poke sur Le Mouv’ consacrée à Yo.
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