La ferveur chilienne au Brésil qui renvoient les Espagnols – champions en titre à la maison. Plus globalement c’est l’envie et la « grinça » des équipes sud-américaines – et de leurs supporters – qui fait plaisir à voir.
Jeudi 19 Juin, 10h. Rio
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Une douzaine de voitures en piteux états garées l’une derrière l’autre, toute immatriculées au Chili. De l’une d’elle sort un type vêtu du maillot de son équipe nationale, il s’étire et baille aux corneilles. Ses peintures de guerre ont coulé sur son visage défait par le fête et le manque de sommeil. Il ressemble à un travesti de Lapa après une longue nuit de labeur.
Hier soir, avec 70 000 de ses compatriotes ils ont mis le feu au Maracana puis partout dans la ville. Jusqu’au petit matin, ils ont célébré jusqu’à plus soif la victoire et la qualification des leurs, synonyme d’élimination prématurée pour les champions du monde en titre espagnols. Le chauffeur de taxi brésilien qui m’emmène vers Leblon est admiratif et un peu jaloux.
« Tu vois toutes ces voitures chiliennes ? » me demande-t-il, « Ce sont celles des supporters qui ont fait le voyage en voiture et y dorment, puisqu’ils n’ont pas les moyens de se payer d’hôtels » quand tu vois ça tu comprends que leur équipe ait la « grinta » (la gnac) … « J’ai l’impression que cette coupe du monde va être la fête de nos voisins … »
Il ne croit pas si bien dire … quelques heures plus tard c’est la Colombie puis l’Uruguay qui viennent à bout de leurs adversaires respectifs : La Côte d’Ivoire et l’Angleterre.
En voyant Suarez célébrer la victoire de la « Celeste » contre les Anglais (et ses deux buts décisifs) je repense à ce refrain moqueur « Suarez, your teeth are off side » (Suarez, tes dents sont hors-jeu) Il l’a entendu toute la saison, sur tous les stades de Premier League où il venait jouer avec son club de Liverpool… Ca le fait probablement sourire ce soir.
En discutant avec mes amis qui ont assisté aux matchs de l’Argentine et du Chili au Maracana, je comprends mieux le message que le chauffeur de taxi a voulu me faire passer.
Selon eux les « Torcidas » argentine et chilienne sont composées de gens du peuple qui, conscients que ce serait pour eux l’occasion unique d’assister à une coupe du monde, ont économisé et mis dans ce voyage tout ce qu’ils avaient et beaucoup d’espérances. Il ne semble pas qu’il en soit de même pour ceux qui portent dans les tribunes, le maillot du Brésil. Surtout des « gringos » et des Brésiliens plus aisés. Cette coupe du monde qui devait être la fête du « povo brasileiro », devient celle des peuples voisins d’Amérique Latine.
Le lendemain c’est la formidable victoire et qualification du Costa Rica contre l’Italie qui vient conforter cette impression. Qui aurait miser un centime sur eux dans ce groupe si difficile ? pendant que s’égrènent les secondes du temps additionnel je fais mentalement la liste des grands clubs italiens et anglais et me rends compte que comme la plupart des gens je ne connais aucun club costaricien …
Mario Balotelli avait avoué, avant le match, ne connaitre le nom d’aucun des joueurs de l’équipe adverse. Bolanos, un de leurs brillants attaquants, estime le lendemain dans la presse brésilienne, que cette lacune doit etre à présent comblée, et qu’il risque meme de s’en souvenir un moment …
Mais ce type de fête est aussi et avant tout l’occasion de se découvrir ou de se redécouvrir. Et donc pour les Brésiliens de se confronter aux typographies diverses de leurs voisins : L’arrogant, le sans gêne, le discret, le procédurier, le roublard, l’irascible …
Il y a aussi les rois de l’incruste. Et pour l’instant, ils sont Français. Autant leur première victoire contre le Honduras était passée inaperçue autant le flamboyant carton passé aux Suisses a fait grand bruit. Les commentateurs brésiliens ont fait pleuvoir sur la sélection tricolore la pluie de superlatifs qu’ils avaient en réserve, faute d’avoir pu les utiliser à propos de la Seleção. Plus question de se cacher désormais, « la bande à Dédé » sera attendue au tournant.
« Vous êtes drôles, vous les français », me dit un buraliste de l’Avenida Barata Ribeiro après le match. « Pas de demi mesure, c’est soit la grève, soit la fulgurance !, c’est bien que vous preniez confiance, ça va vous endormir. Tu te souviens qu’on a un compte à régler ? profitez bien maintenant parce qu’au moment de nous affronter, vous rigolerez moins »
Samedi 21, 2h du matin
Les rues du quartier sont toujours très animées par la cohorte de supporters sud-américains qui se réjouissent ensemble des victoires contre les nations européennes.
Comme d’habitude les clichés ont la vie dure. La concierge portugaise, elle, n’a pas participé pas à la fête…
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