Jean-Michel est directeur du marketing dans une grande entreprise de services. Il roule en coupé BMW et ne se sépare jamais de son portable pour être bien sûr de pouvoir être joint à n’importe quel moment. Dans son petit meublé de l’avenue de Wagram, à Paris, Jean-Mich’ comme l’appellent ses proches relations invite […]
Jean-Michel est directeur du marketing dans une grande entreprise de services. Il roule en coupé BMW et ne se sépare jamais de son portable pour être bien sûr de pouvoir être joint à n’importe quel moment. Dans son petit meublé de l’avenue de Wagram, à Paris, Jean-Mich’ comme l’appellent ses proches relations invite parfois de vrais amis, histoire de manger quelques pizzas surgelées sur la table en verre du salon en buvant un peu de bière. En fin de soirée, le ton monte toujours lorsqu’ils en viennent à débattre de l’utilité de l’humanitaire dans le monde, de la monnaie unique ou de la dernière campagne Benetton. Mais ils ne parlent jamais de politique : c’est entre eux un sujet tabou, depuis qu’ils ont perdu Philippe. Il faut dire qu’ils y étaient allés un peu fort en remplissant les poches de son manteau avec du tartare le soir où il leur a annoncé qu’il voterait sûrement Cheminade, par dépit. Parfois, ils fument un peu de drogue en écoutant de la musique planante et parlent à cœur ouvert de leurs projets d’avenir : mariage, famille, la nouvelle Mondeo… Jean-Mich’ espère bien passer directeur sur l’international, mais pas avant trois ou quatre ans. Depuis quelques mois et surtout depuis que son ex-petite amie lui a offert le cédé de Portishead , Jean-Mich’ n’écoute que du trip-hop. Il dit souvent qu’il trouve ça très « fin de siècle ». Ces soirs-là, ses copains à Jean-Mich’, ils ont vachement l’air à la ramasse avec leurs Pink Floyd et leurs Genesis… Surtout devant le trip-hop électronique c’est ce que dit l’autocollant sur la pochette du disque de Lida Husik. Une Anglaise, paraît-il, qui avant d’enregistrer son premier disque aurait passé du temps aux States avec les meilleurs deejays de San Francisco. A Jean-Mich’, ça lui rappelle Cocteau Twins et Bel Canto, des trucs déments qu’il écoutait il y a cinq ou six ans. En plus rythmé, peut-être, dans le genre polaire-de-rien. Avec un nom et une voix pareils, sûr qu’elle est d’origine hindoue qu’ils se disent tous ! Jean-Mich’, lui, il est toujours en avance sur tout de toute façon. Tiens : il y a dix ans, c’était même le premier à se mettre au jogging. Mais depuis qu’il s’est fait mordre au parc Monceau, il a arrêté. D’ailleurs, avec toute cette pollution (sonore), pas la peine d’aller s’esquinter la santé.
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