Sommité de la pop underground, Phil Krauth garde pour lui ses chansons les plus psychédéliques et romantiques. Au sein des Américains d’Unrest, il était la force paisible, la douceur de vivre. Il laissait volontiers alors à son employeur Mark Robinson ses obsessions pour une certaine noirceur anglaise on ne reprend pas par hasard les […]
Sommité de la pop underground, Phil Krauth garde pour lui ses chansons les plus psychédéliques et romantiques.
Au sein des Américains d’Unrest, il était la force paisible, la douceur de vivre. Il laissait volontiers alors à son employeur Mark Robinson ses obsessions pour une certaine noirceur anglaise on ne reprend pas par hasard les chansons étranglées de Crispy Ambulance ou Crawling Chaos, ces héros oubliés de l’aventure Factory , se contentant d’ouvrir en douce les fenêtres, de monter un peu la lumière, de distribuer quelques crayons pastel à des chansons pour le coup étonnantes : moroses et pourtant euphorisantes, grises et pourtant colorées. Laissé sur le bord de la route quand Bridget Cross et Mark Robinson réussissaient un rêve d’enfance enregistrer pour un prestigieux et opaque label anglais en signant, sous le nom d’Air Miami, avec les Londoniens de 4AD, Phil Krauth garda pour lui sa basse molletonneuse, son vibraphone pacifique, ses rythmiques cajoleuses et ses chansons en laine. L’occasion, également, sur deux premiers albums scandaleusement boudés (Cold morning et Silver eyes), de révéler un penchant pour un psychédélisme interdit de cité dans la pop d’Unrest, qui ignorait tout de l’avant-punk situation comique : comment être fan des Teardrop Explodes en refusant de rencontrer leurs parents, tous ces Thirteenth Floor Elevators, tous ces Seeds… Du psychédélisme, Phil Krauth n’a conservé que les délices, les sucreries les plus douceâtres : dans ces chansons tendres, on pense bien entendu aux spirales en chammallow de The Association, au Donovan en vol plané et enchanté de Sunny South Kensington ou Lullaby of the spring, aux chansons les plus saines de Syd Barrett, aux géniales petites chansons pop toutes essorées que Brian Eno tenta sur Before & after science ou Another green world. Ces miniatures gentiment dérangées, subtilement secouées ont beau être restées tapies dans l’ombre, alors que l’orage psychédélique faisait claquer ses grands éclairs de couleurs, on refuse de les considérer comme inoffensives et bénignes. Car sous leur couche de sucre en poudre, les chansons de Phil Krauth sentent la poudre. Une poudre de père Limpinpin tranquille, une poudre d’escampette, mais à reculons sur l’époque. Comme on connaissait le krautrock, avec ses fenêtres sur le futur et son goût pour la déstructuration, on vivra désormais avec le Krauth-rock, fonçant paisiblement vers le passé, embauché au service de restauration et d’entretien des structures. On sent bien que Phil Krauth ne tient pas à désespérément laisser une trace immortelle dans l’histoire de la musique : on a, après tout, parfaitement le droit de visiter, fasciné, les musées, sans avoir obligatoirement envie d’y accrocher ses propres toiles du dimanche. Songwriter du dimanche, Phil Krauth a parfaitement capturé l’ambiance rêveuse et indolente, le doux abandon de ce non-jour sur le ravissant Inner symphony, sa charmante Catherine ou le benoît La Vida dura. Un état qui, visiblement, s’éternise le reste de la semaine chez cet incurable romantique. Ou, si on en croit Tuesday’s blues, au moins jusqu’au mardi.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}