Pour ces Américains agiles et fragiles, c’est sixties tous les midis, avec beaucoup de sucreries mais pas de cholestérol. C’est plutôt rassurant de constater qu’en dépit d’incessants changements de températures dans l’air ambiant nous parviennent tous les ans des disques comme celui-ci, insensibles aux variations saisonnières. The Kingsbury Manx, quatre garçons dans la brume, citoyens […]
Pour ces Américains agiles et fragiles, c’est sixties tous les midis, avec beaucoup de sucreries mais pas de cholestérol.
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C’est plutôt rassurant de constater qu’en dépit d’incessants changements de températures dans l’air ambiant nous parviennent tous les ans des disques comme celui-ci, insensibles aux variations saisonnières. The Kingsbury Manx, quatre garçons dans la brume, citoyens de Chapel Hill (Caroline du Nord), n’ont pas visité le rayon nouveautés du Tower Records local depuis vingt-cinq ans au moins, ne savent pas programmer un ordinateur ou une groove-box, ignorent que Syd Barrett a quitté Pink Floyd, attendent en vain qu’on les invite à la prochaine édition du festival Monterey Pop. Braves gens, en somme, dont les travaux d’abeilles gavées aux acides s’étalent en vitrine d’un album dont on aurait le plus grand mal, lors d’un test en aveugle, à deviner le millésime. Car pour des centaines d’orgasmes psychédéliques simulés qui nous cassent les oreilles à longueur d’année, combien d’authentiques grimpettes aux rideaux comme celle-ci ? Agiles et fragiles à la fois, tour à tour paysagistes experts en atmosphères sphériques et baladins dépouillés harmonisant telle une portée de merles hagards, The Kingsbury Manx savent mieux que faire illusion : ils SONT ce qu’ils prétendent vouloir être. Un avatar des turbulentes marées de 67 échoué sur la plage désertée des Beach Boys seventies, construisant d’hallucinants châteaux de sable selon les plans barjots d’un Kevin Ayers puéril et magnifique, veillant à la belle étoile autour d’un feu de joie quasi religieux, accompagnés par les carillons des Byrds, bercés par les anges Simon & Garfunkel, parfois secoués par les spasmes du Velvet élimé de 69, année névrotique… Savoir que ces jeunes roitelets (ils nous épargnent leur photo sur la pochette, on s’obligera donc à les imaginer jeunes) ont été pris tôt sous l’aile protectrice d’Elliott Smith, qui les a invités en première partie d’une tournée récente, nous rassure quant à la famille d’accueil qu’on leur réserve ici bas. Car si cet album tout en nuances tactiles, en grâce et en apesanteur n’est pas vraiment outillé pour casser la baraque (si écrire des chansons aussi renversantes que Piss diary pouvait rendre populaire, ça se saurait !), le choc émotionnel qu’il provoque n’est pas loin de rappeler le cataclysme intime que fut la découverte de Either/or il y a de ça quelques printemps. Pudiques mélodiquement, souvent chantées les yeux baissés, ces douze chansons n’en sont pas encore au grand feu d’artifice burtonien façon Mercury Rev ou Flaming Lips (ça viendra sûrement), mais on n’en est plus cependant à la contrition country lo-fi, car on a d’yeux ici que pour les hauteurs. Une meilleure appréhension des reliefs niveau arrangements, l’ajout de nouvelles figures instrumentales à celles qu’ils s’imposent (parfois trop) sagement ici, peut-être un brin d’arrogance supplémentaire et The Kingsbury Manx pourront d’ici peu tutoyer les sommets.
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