Prince était hier soir à Paris, au Zénith, pour deux concerts surprises consécutifs. Et si la recette du chanteur Américain prend encore, elle s’essouffle. On vous raconte.
Les anciens se souviennent avoir chanté en chœur « It’s gonna be a beautiful night » et applaudi sans relâche, en cette soirée du 25 août 1986, l’énergie brute qui s’échappait de cette sophisticated Parade. En 100 minutes d’un manifeste aux arrangements savants, entre électro funk décharné, groove organique et envolées cuivrées, Prince donnait raison au tout-Paris qui écourtait ses vacances pour admirer son art du grand écart. Ont-ils retrouvé leur madeleine hier aux deux séances données à guichet fermé (places à 77, 115,5 et 143 euros s’il vous plaît) qui, 28 ans plus tard, célébraient le retour de Prince sur la scène du Zénith ?
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Certes, entre 1986 et 2014, il y eut les étapes 1998 (dispensable) et 2002 (mémorable) de la porte de Pantin. Et plus encore, 28 années d’une carrière immense entre firmament et obscurité assumée, si ce n’est recherchée, un nombre incalculable d’enregistrements, de tournées, de soundchecks, d’after et de one-off shows. Soit la somme d’une œuvre foisonnante que son retour, annoncé le 18 avril dernier, à la maison mère Warner Bros, après 18 ans de brouille, pourrait voir réévaluée à la faveur de la réédition augmentée de ses albums, Purple Rain en tête (à l’automne ?).
« I’ve got too many hits ! »
Disons-le d’emblée, l’on n’a pas retrouvé dans ce cru 2014 le lutin impertinent et lubrique qui émut les fraiches biches de 1986. Comme elles, Prince a vieilli (56 ans le 7 juin prochain) et, comme elles, il a troqué impers növo et jabots néo-romantiques pour la tranquille panoplie du gagneur d’argent. En bon gestionnaire de patrimoine, il sait créer le buzz, remplir les salles (quitte à fixer le prix d’entrée à 10 £, comme il le fit à Londres en février dernier) et capitaliser sur son œuvre. Pour l’essentiel constitués de tubes (« I’ve got too many hits ! »), les deux shows, d’une durée respective de 90 et 140 minutes, ont rappelé avec frustration l’étendu de son talent scénique.
Vêtu d’un pyjama blanc satiné figurant un visage à trois yeux (Jéhovah is watching U), le Prince 2014 cabotine sévère, entouré d’un groupe de filles, les 3rd Eye Girl, augmenté pour les besoins de la tournée de deux claviers et d’une danseuse – dira-t-on pudiquement que ce band n’est pas son meilleur ? Mais, jamais avare, son jeu de guitare continue de subjuguer (les sommets Play that funky music, Something in the water). Les piano solos, quoique joués sur un synthétiseur qui fait regretter le clavier électrique des débuts, magnifient ses vocalises (The Beautiful Ones) qu’il n’économise pas (Empty Room). Ce même synthétiseur voit Prince lancer les boucles de ses tubes (When Doves Cry), repris par les girls (Sign of the times, Housequake, Hot Thing) avec leur instrument.
La recette Prince s’essouffle
On regretta qu’à son tour il ne se soit pas emparé de la basse pour donner un peu de spontanéité à ce concert calibré, comme il l’avait fait quelques jours plus tôt à Anvers sur Forever in my life et Alphabet st. Plus polissée que par le passé, cette générosité, cette volonté indéfectible d’aller faire se lever et chanter les derniers rangs, reste la marque de fabrique du performer Prince. Les arrangements synthé kitsch (She’s always in my hair, Funk’n’roll, Nothing compares to U, l’insupportable sirène de What’s my name) font regretter la luxuriance de la formation big band du dernier Montreux Jazz Festival.
Tout comme la set-list, peu aventureuse, et qui anticipe certainement les prochaines rééditions remasterisées de son catalogue Warner (agrémentée des mythiques inédits ?). Si la recette Prince prend encore, elle s’essouffle. Mais gestion de patrimoine et créativité ont-elles jamais fait bon ménage ?
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