Lorsque, très en amont de la manifestation, le Festival de Cannes fit savoir que le Grace de Monaco d’Olivier Dahan, avec Nicole Kidman dans le rôle-titre, ferait cette année l’ouverture, cela fit naître une certaine perplexité. Ni les précédents films du cinéaste (La Môme, Les Seigneurs…), ni le genre présumé du film (pour aller vite, […]
Lorsque, très en amont de la manifestation, le Festival de Cannes fit savoir que le Grace de Monaco d’Olivier Dahan, avec Nicole Kidman dans le rôle-titre, ferait cette année l’ouverture, cela fit naître une certaine perplexité. Ni les précédents films du cinéaste (La Môme, Les Seigneurs…), ni le genre présumé du film (pour aller vite, le biopic people tendance Point de vue – Images du monde) ne rendaient ce choix très alléchant.
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Pourtant, il y a quelque logique à ce que Grace Kelly s’invite à nouveau sur la Croisette. C’est en effet sur la Côte d’Azur, en 1954, qu’elle tourna un de ses plus beaux films, La Main au collet. Et c’est au Festival de Cannes, un an plus tard, en venant en présenter un autre, qu’elle fit la rencontre, par laquelle allait basculer sa vie, du prince Rainier de Monaco. Mais à y regarder de plus près, quelle que soit sa qualité, Grace de Monaco pourrait bien donner le la du Festival, puisqu’il promet de rassembler deux motifs traversant certains des films les plus attendus de cette édition.
D’abord, le film d’actrices. Si celui de Dahan semble se concentrer sur un moment où la princesse a envisagé de revenir au cinéma avant de finalement y renoncer, deux films de la compétition tracent les contours de ce territoire mouvant qu’est le psychisme d’une actrice. Il y a des similitudes troublantes entre Maps to the Stars de David Cronenberg et Sils Maria d’Olivier Assayas (lire les rencontres avec les deux cinéastes dans notre n° 963, en kiosque le 14 mai). Julianne Moore et Juliette Binoche y incarnent deux comédiennes confirmées en pleine crise et nouant une relation ambivalente avec une jeune assistante (coïncidence supplémentaire : Mia Wasikowska, qui interprète dans le Cronenberg l’assistante de Julianne Moore, s’est vu aussi proposer le rôle de celle de Juliette Binoche dans le Assayas, finalement tenu par Kristen Stewart – et dans les deux cas, les actrices sont géniales).
Autour de ces tandems, les films proposent aussi une vue en coupe du métier de l’acteur, de la fabrique d’un rôle, des liens exacerbés d’envie et de domination mis en place. Et à la périphérie des deux récits, de fascinantes figures d’adolescents stars, à la fois flamboyantes et cramées, attisent toutes les angoisses.
Des actrices en crise donc. Mais aussi des biopics d’artistes, dont Mr. Turner de Mike Leigh, qui n’est hélas pas la story du musicien soul Ike Turner, mais celle du peintre romantique anglais William Turner, dont le film retrace la vie empreinte de solitude, d’amours secrètes et de malheur. Solitude et malheur aussi en perspective, mais dans le Paris glamour et décadent des années 70, pour le Saint Laurent de Bertrand Bonello (premiers échos du film notre n° 963). C’est peu dire qu’on brûle de découvrir comment le cinéma suave et vénéneux de Bonello s’est emparé de cette figure de grand esthète tourmenté.
Biopics encore, mais tirés cette fois d’affaires judiciaires : dans L’homme qu’on aimait trop, André Téchiné revient sur la disparition d’Agnès Le Roux et sur le procès du suspect Maurice Agnelet, qui a connu ces dernières semaines dans un timing stupéfiant, un rebondissement inattendu. Mais sur l’échelle de l’appétit voyeuriste, c’est le Welcome to New York d’Abel Ferrara, inspiré de l’affaire DSK, qui suscite le plus de démangeaisons. Sur celle de l’attraction cinéphile aussi, car le réalisateur du très beau et très claustro 4 h 44, dernier jour sur terre devrait insuffler un parfum de fin du monde à ce huis clos conjugal prostré.
Bien que présenté hors sélection, dans le cadre du marché du film, le Ferrara devrait constituer un des événements médiatiques de cette édition. C’est d’ailleurs à la marge du Festival qu’avait éclaté l’affaire – et les festivaliers se souviennent d’un début de projection de The Artist, en mai 2011, troublé par l’annonce des faits se répercutant par vagues dans les rangées. Pour Grace comme pour DSK, ce qui s’est donc joué dans le réel le temps du Festival y reviendra, ressaisi par la fiction.
Au sommaire des Inrocks cette semaine : Spécial Cannes, avec Kristen Stewart, Bonello, Cronenberg, les Dardenne… Et Jimmy Page raconte Led Zep. Le magazine est disponible en kiosque et dans notre boutique en ligne.
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