L’affaire Bygmalion et le score décevant de l’UMP aux européennes ont eu raison de Jean-François Copé. Il a annoncé aujourd’hui qu’il quitterait ses fonctions dès le 15 juin.
« Le PS au pouvoir connaît une débandade sans précédent. Mais l’UMP subit un recul sans équivoque ». En un aphorisme, Nathalie Kosciusko-Morizet résumait bien la situation politique de son parti, au soir des élections européennes. Le FN a délogé l’UMP de sa place de premier parti d’opposition, le parti présidé par Jean-François Copé n’obtenant que 20,77% des suffrages, contre 25,41% pour le parti de Marine Le Pen. Cette contre-performance, additionnée à l’affaire Bygmalion – dans laquelle Jean-François Copé est soupçonné d’avoir utilisé des fonds du parti au profit de ses amis -, a fait exploser l’UMP aujourd’hui, lors d’un bureau politique qui a tourné au règlement de comptes. Jean-François Copé, sommé par François Fillon de démissionner, a annoncé qu’il quittera ses fonctions dès le 15 juin. Alors que l’ensemble de la direction de l’UMP a, elle aussi, présenté sa démission collective, et qu’une direction collégiale composée d’Alain Juppé, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin va assurer la transition, l’avenir du bloc de droite est incertain.
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L’UMP « n’a pas opéré sa reconstitution intellectuelle et morale »
Les élections européennes devaient permettre aux composantes de l’UMP de se réunir, elles ont finalement précipité leur éparpillement. Les eurosceptiques ont d’emblée semé le trouble à droite, au premier rang desquels Henri Guaino. L’ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy a annoncé qu’il ne pourrait pas voter pour la tête de liste de l’UMP en Île-de-France, Alain Lamassoure, celui-ci incarnant selon lui « une Europe dont personne ne veut ». « Je ne pouvais pas hélas voter pour quelqu’un qui incarne une ligne dans laquelle je ne me reconnais pas », explique-t-il aux Inrocks.
A l’heure du bilan des européennes, ces courants internes pourraient donc s’affronter avec plus d’intensité encore. Interrogé par Les Inrocks, Henri Guaino estime que le recul de l’UMP est lié à une faute d’orientation politique:
« C’est fondamentalement une sanction des choix que nous avons faits, de la ligne que nous avons adoptée. Le discours orthodoxe selon lequel une seule politique, une seule Europe sont possibles, n’est plus tenable. Le vote FN et l’abstention sont la manifestation d’une colère et d’un rejet, pas seulement d’une indifférence. S’agissant de l’UMP, le climat actuel est certes délétère, il y a un déchirement de personnes, mais le problème fondamental, c’est qu’elle n’a pas opérée sa reconstitution intellectuelle et morale, après la défaite à l’élection présidentielle ».
Le plaidoyer pour l’Europe de Nicolas Sarkozy, publié quelques jours avant les élections dans Le Point, et les appels de François Fillon et d’Alain Juppé à ramener les centristes de l’UDI et du Modem, très fédéralistes, dans le giron de l’UMP, laissent sceptique en comparaison.
« Le problème de l’UMP, c’est qu’elle hésite entre deux lignes politiques, explique le politologue Gaël Brustier, auteur de La Guerre culturelle aura bien lieu. La ligne Juppé-Raffarin, issue d’une vieille droite qui incarne un centre droit libéral et européen, et la ligne Wauquiez-Guaino, qui représente une frange radicalisée ou issue du gaullisme, et qui milite pour une réaffirmation des pouvoirs régaliens. Le FN bénéficie d’une conjonction de facteurs, dont l’incapacité de l’UMP à déterminer une ligne cohérente ».
Jean-François Copé sur la sellette
Au sein de l’UMP, certains relativisent cependant l’importance des clivages idéologiques qui divisent historiquement leur parti. Pour Lionel Tardy, député UMP proche de François Fillon, le principal problème de la coalition de droite à l’heure actuelle est d’ordre personnel : Jean-François Copé aurait une responsabilité dans l’échec de la droite aux européennes. Le 20 mai, il publiait sur son blog une « Lettre ouverte à Jean-François Copé », qui se concluait ainsi : « Il est enfin temps pour vous, cher Jean-François, d’éclairer au plus vite les Français, militants et élus UMP… faute de quoi l’UMP, notre parti, notre bien commun, n’y survivra pas ».
Interrogé par Les Inrocks, il maintient que l’heure est grave: « La droite a remporté les municipales alors que souvent le vote était lié à des personnes qui n’étaient pas estampillées UMP. Aux européennes, nous nous rendons compte que la marque UMP liée à un chef qui a en ce moment des soucis judiciaires, fait l’objet d’un rejet massif », assène-t-il.
Le conflit qui avait opposé François Fillon et Jean-François Copé pour la direction du parti fin 2012 a laissé des traces. L’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy, depuis le siège parisien de son micro parti, Force républicaine, mettait la pression à Jean-François Copé le soir des résultats : « L’UMP est atteinte dans sa crédibilité et doit s’interroger sur les raisons de son échec. Son honneur est mis en cause.” Une épée de Damoclès semble suspendu au-dessus de la tête du président de l’UMP.
« Faut-il changer de direction? La question ne se pose plus, affirme sans détour Lionel Tardy. Le volet électoral est fini, nous allons maintenant passer à un volet judiciaire, avec des auditions, des perquisitions, etc. Imaginez l’ambiance au siège de l’UMP ! Il serait plus malin de dire que nous sommes conscients du problème, que l’on assume, et qu’en attendant, l’équipe en place n’est plus là. Le parti politique est en danger, mais personne ne réagit pour sauver la maison! ».
« La droite fonctionne au chef »
L’avenir de l’UMP dépendra donc vraisemblablement de la restauration de son leadership.
« La droite fonctionne au chef, elle n’a pas de tradition idéologique forte, décrypte le politologue Gaël Brustier. La question idéologique sera tranchée quand un chef aura été légitimement élu. Le problème, c’est que la ligne Juppé-Raffarin est minoritaire dans le pays. Si l’on suit la stratégie de Buisson, qui consiste pour l’UMP à se positionner sur un créneau attractif, alors que l’électorat de droite tend à fusionner avec celui du FN, deux lignes sont actuellement attractives: celle de Wauquiez, et celle de Sarkozy ».
« Nous allons devoir nous confronter à un problème de gouvernance latent, concède Henri Guaino. Mais aussi à un problème de ligne: l’UMP est diverse, il faut en faire une richesse, mais la proposition que font certains d’opter pour une position centriste n’est pas bonne pour beaucoup d’adhérents à l’UMP ».
La radicalisation sauvera-t-elle l’UMP de l’implosion? « Un parti meurt du vide, de l’ennui, ou des querelles de personnes, mais pas du débat d’idées », veut croire Henri Guaino.
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