Dans son troisième album, Lily Allen ne mâche toujours pas ses mots. Mais l’emballage musical est en plastoc et sa voix s’y perd.
Le sujet
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Après la sortie de son album It’s Not Me, It’s You, Lily Allen, âgée d’à peine un quart de siècle, avait annoncé sa retraite discographique pour se consacrer à sa vie personnelle. Cinq ans, un mariage et deux enfants plus tard, la plus piquante des chanteuses anglaises publie finalement Sheezus, un disque dont le titre serait un hommage au Yeezus de Kanye West paru en 2013. Les quatorze morceaux qui le composent marquent un nouveau virage artistique : après avoir flirté avec le reggae et le ska sur son premier album Alright, Still, après leur avoir préféré la pop synthétique sur le suivant, Lily Allen opte cette fois pour une production estampillée MTV, où les mélodies se frottent à des vocodeurs et des beats bagarreurs.
Le souci
Jusqu’à présent, Lily Allen avait toujours fait preuve de bon goût. La demoiselle était devenue, dès les premières paroles de son single platiné, Smile, la plus pétillante descendante de Ray Davies des Kinks, contant comme personne des histoires sur Londres et ses habitants. Drôle, rebelle, capable d’envoyer valser ses fans (parce qu’ils revendent ses autographes), la jeune fille dégainait des chansons pop à l’emballage rose bonbon, et au cœur noir et épicé. Problème : celles-ci pâtissent d’une production cheap, voire vilaine. Là où hier résonnait l’écho des Specials et de Ms. Dynamite retentit désormais un vilain son, compressé et agressif… Quant au sens mélodique, il brille par son absence (URL Badman). Il nous aura fallu beaucoup de courage pour venir à bout du dégoulinant Close Your Eyes : même une ancienne All Saints n’en voudrait pas pour la face B d’un single solo.
Le symptôme
“Give me that crown, bitch, I wanna be Sheezus”, chante Allen. Avec la verve qu’on lui connaît, la chanteuse ironise sur Katy Perry, Lady Gaga, Beyoncé, Rihanna et Lorde, et réclame la couronne du royaume pop. Si beaucoup ont critiqué la démarche, la moquerie reste réjouissante. Politiquement incorrecte, Allen pimente le débat là où d’autres préfèrent le consensus mou : elle en fit de même dans la cocasse vidéo de Hard out Here, tentant de twerker façon Miley Cyrus malgré sa cellulite post-grossesse, et récidive dans l’amusant Insincerely Yours où elle se paie la tronche des it-girls anglaises (“Je n’ai rien à foutre de ton Instagram, de ta jolie maison et de tes enfants moches”). Hélas pourtant, les textes écartés, la demoiselle se vautre : son disque fait souvent mal aux oreilles, frise le mauvais goût (Our Time, Silver Spoon) et déçoit par son absence de vraies chansons. Pire, suivant une tendance très 2014, il dissimule, derrière les machines et les effets, ce qu’Allen a pourtant de mieux que les autres : sa voix.
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