Soumis à un régime drastique d’austérité qui a plongé le pays dans une grande crise sociale, les Portugais vont devoir voter pour leurs représentants européens. Mais plutôt que de s’en prendre à Bruxelles, c’est Lisbonne qui est dans le viseur de ses citoyens.
C’est une drôle de coïncidence. Les Portugais sont appelés à voter pour leurs 21 représentants au Parlement européen six jours après être sortis de la tutelle de la Troïka. Mais si le régime « austéritaire » auquel la Commission européenne, la banque centrale et le FMI ont soumis le Portugal serait en passe de relancer l’économie lusitanienne, le peuple, lui, semble plus qu’exsangue.
“À l’inverse de ce que nous dit le gouvernement (une coalition social-démocrate et chrétienne-démocrate, de centre-droit – ndr), mon pays traverse de graves difficultés, dénonce Francisco Ferreira, militant socialiste de 25 ans, originaire d’Aveiro. Il n’y a pas de développement économique, le chômage chez les jeunes – 35% – bat des records. L’économie n’avance pas. Et on essaye de privatiser ce qu’on a de mieux pour tromper les statistiques. »
Certes le départ des “men in black” de la Troïka, qui pendant trois ans ont mis le pays sous perfusion européenne, permet au Portugal de retrouver son autonomie financière. Mais à quel prix ? Le chômage stagne à 15%, environ 100 000 personnes quittent le pays chaque année depuis le début de la crise, le taux de fertilité est parmi les plus faibles d’Europe (1,28 enfant par femme contre 2,01 en France), la mortalité est en hausse entre autres parce que la population n’a plus les moyens de se soigner… Si le pays compte environ 10 millions d’habitants à l’heure actuelle, en 2050, le Portugal ne devrait plus compter que 7 millions d’habitants.
L’abstention, vainqueur des élections ?
Qu’attendre alors du scrutin portugais ? Traditionnellement pro-européens – au sortir de la dictature de Salazar, l’Union européenne a été perçue comme un symbole de prospérité et de démocratie – les Portugais devraient voter pour les partis traditionnels, l’opposition socialiste en tête. Mais attention : on est loin du blanc-seing. “Suite à la crise économique, les Portugais sont devenus sceptiques en ce qui concerne le modèle européen, note Francisco Ferreira. On vit dans une Europe gouvernée par un seul pays, l’Allemagne, et ça ne plaît pas aux gens. »
Mais si la confiance dans l’UE tend à décliner, les Portugais ont encore moins confiance dans leurs propres institutions.
“On ne l’emportera pas avec la marge que l’on veut, commente Francisco Ferreira, alors même que le PS est crédité de 40% des intentions de vote. Les dirigeants actuels du parti ne sont pas clairs en ce qui concerne leur action en tant que futur gouvernement. Le PS doit être une option crédible et doit lutter pour la sauvegarde des droits des Portugais. »
Là où le Premier ministre Pedro Passos Coelho a voulu jouer au bon élève poussant l’austérité au-delà des demandes de la Troïka, transformant des coupes budgétaires ponctuelles en coupes permanentes, le PS a eu une attitude ambivalente, prônant à la fois l’aide extérieure et fustigeant les conditions budgétaires qui allaient avec. Ferreira conclut, inquiet : “C’est l’abstention qui risque d’être le grande vainqueur de ces élections”. À 14h, la participation était toutefois en légère hausse à 12,14% contre 11,84% en 2009.