Ryan Holiday, un maestro de la manipulation du net, se confesse et révèle les techniques douteuses des mercenaires des blogs.
Ryan Holiday, l’auteur de Croyez-moi, je vous mens, confession-réquisitoire sur la blogosphère, est un troll professionnel ou, comme le dit le sous-titre de son ouvrage, un manipulateur des médias. Officiellement, il est attaché de presse et a été pendant plusieurs années directeur du marketing chez American Apparel. Il a quitté la marque de vêtements mais y émargeait encore en 2012, lors de la publication de ce livre aux Etats-Unis. Pour Holiday, le net, c’est l’enfer de la médiocrité et du mensonge, et en particulier les blogs, dans lesquels il inclut la plupart des sites d’information ou de potins, allant de Slate à Gawker en passant par le Huffington Post.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Arrogant, cynique, vulgaire mais franc
Au lieu de se poser en censeur puritain – difficile, puisqu’il fait partie de ce qu’il dénonce –, Holiday avoue d’emblée qu’il mange de ce pain-là, qu’il blouse les médias, répand de fausses infos, fomente des attaques sur ses propres clients pour faire le buzz… “Je ne suis pas surpris de voir abonder en ce bas monde toutes ces transactions louches et ces conflits d’intérêts. J’en suis l’incarnation la plus absolue”, avoue le bougre.
La blogosphère est la nouvelle presse à scandale
Arrogant, cynique et vulgaire, certes, Holiday est aussi un des rares à dire des choses que personne n’admet franchement. Son leitmotiv : les blogs d’information sont des tissus de bêtises. L’enjeu numéro 1 sur internet est de générer du clic pour faire tomber des recettes publicitaires. Donc “les blogueurs ont un intérêt évident à rendre leurs articles toujours plus sensationnels, à écrire des choses plus simples, à susciter la polémique (…). Leur salaire en dépend.”
Holiday assimile la blogosphère du XXIe siècle à la presse à scandale du XIXe, qui imprimait des rumeurs insensées pour vendre de vrais torchons. L’auteur appelle ça le “journalisme itératif”, car il “relaie tout ce qu’on lui présente comme étant des informations”. Rien n’est fiable sur internet, et tout est modi-fiable.
Ce qui se développe sur internet ne reflète en rien la réalité
Exemple éclatant : Wikipédia. “Pour beaucoup de gens, y compris les journalistes, explique Holiday, Wikipédia fait office de certificateur d’informations de base.” Or n’importe qui peut inventer ce qu’il veut sur Wikipédia. Bref, de fil en aiguille, des rumeurs nées sur internet deviennent des faits, repris dans des ouvrages de référence. “Ce qui se développe sur internet ne reflète en rien la réalité dans laquelle nous vivons vous et moi, et n’ouvre pas non plus la voie au changement qui donnera naissance au monde dans lequel nous espérons vivre un jour.” Ponce Pilate pragmatique, Holiday préfère profiter des failles du système que de tenter de l’améliorer.
Croyez-moi, je vous mens – Confessions d’un manipulateur des médias de Ryan Holiday (Globe), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par François Morice, 395 pages, 21,50 €
{"type":"Banniere-Basse"}