Véronique Vermorel est tête de liste Île-de-France pour le Parti pirate. Si ses chances d’être élue dimanche au Parlement Européen sont plus que minces, cette jeune étudiante fait avant tout campagne pour montrer à la génération Y qu’une autre forme de politique est possible.
Avant de rencontrer le Parti pirate, Véronique Vermorel votait blanc. « Je croyais que la politique c’était un truc de vieux, chiant, qui ne me regardait pas. J’étais blasée et je me disais que mon vote ne servirait à rien », confie la jeune candidate. À 23 ans, cette étudiante en école de commerce, est tête de liste pour le Parti pirate en Île-de-France. C’est la seconde fois qu’elle se confronte aux urnes.
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Pourtant, Véronique Vermorel est arrivée en politique un peu par hasard. Élevée à Lyon, par une famille d’intellectuels, elle ne cache pas ses origines bourgeoises. Après une classe préparatoire HEC, elle intègre l’Essec, une prestigieuse école de commerce parisienne, d’où elle sortira diplômée à la fin de cette année, un poste d’audit déjà en poche. Rien ne la destinait donc à s’intéresser à la politique et encore moins au Parti pirate. Et pourtant… C’est en 2012 qu’elle croise pour la première fois la route du parti. Elle entend parler de leurs apéros politiques et décide de s’y rendre. Le concept est simple : parler réformes autour de bières et de chips. La jeune femme est immédiatement séduite par cette nouvelle forme de politique, très participative et très en phase avec sa génération.
« J’ai découvert le vrai débat où l’on concède, construit et progresse », explique-t-elle. Sans le savoir, elle vient de tomber dans la marmite. « Je me suis rendu compte que j’avais des idées et qu’elles n’étaient pas plus bêtes que celles des autres », ajoute-t-elle.
Elle s’encarte donc au Parti pirate en même temps que deux de ses frères. La politique devient alors une affaire de famille.
« Je n’ai pas le profil geek que l’on nous prête généralement »
Derrière les fines lunettes de la candidate et ses mots mesurés se cache une ceinture marron de karaté, adepte du métal symphonique : « Je suis une acharnée, une fonceuse ! », sourit-elle. « C’est vrai que j’ai été élevée dans une relative homogénéité sociale, mais mon engagement politique m’a ouvert les yeux », concède la candidate. Sa première prise de conscience remonte à quelques années, quand elle décide de donner des cours en prison. « J’ai vu la violence. D’une semaine à l’autre, mon élève revenait le visage couvert de bleus et de coups », se souvient-elle. Supposée enseigner l’anglais, elle doit rapidement s’adapter : « Ils me demandaient ce qu’étaient un verbe et un sujet. » Elle comprend qu’avant de parler réinsertion, il faut parler insertion et que l’éducation est l’un des maillons brisés du système. Doucement, sa conscience politique se réveille.
Mais ce n’est qu’après sa rencontre avec le Parti pirate qu’elle se pose explicitement la question de l’engagement politique. Déjà candidate aux dernières législatives pour le Parti pirate, c’est la seconde fois qu’elle est choisie par les militants. Pourquoi elle ? « Je n’ai pas le profil geek que l’on nous prête généralement, je montre que le Parti pirate c’est aussi autre chose. » Et d’ajouter : « Et je suis jeune ! » En effet, le Parti pirate ne s’en cache pas, son objectif est de sensibiliser les abstentionnistes, pas d’aller chercher les votes des extrêmes. Comprendre : mobiliser la génération Y.
« On veut faire savoir que beaucoup de citoyens partagent nos idées sans le savoir », explique la jeune femme. « Si la vie et la classe politique se crispent en ce moment, ce n’est pas le cas de la génération Y », développe-t-elle.
Pour se faire entendre, leurs techniques sont pour le moins inhabituelles : leur dernière manifestation contre Tafta était une Zombie Walk. « On mêle gravité des propos et légèreté de la forme. On montre que manifester peut être fun ! », s’enthousiasme Véronique Vermorel.
700 adhérents en France, 21 000 en Allemagne
Et si les jeunes sont plutôt séduits par leur démarche, nombreux sont ceux qui les regardent comme de gentils illuminés. Pourtant, si le Parti pirate ne compte en France que peu d’adhérents, environ 700, ses homologues européens rencontrent, eux, un plus franc succès. Le Parti pirate allemand compte 21 000 adhérents. A l’échelle européenne, la force du Parti pirate repose sur sa cohésion. Pour les européennes, toutes les branches européennes ont voté un programme unique. Le Parti pirate est donc en France la seule formation politique a proposé un programme européen. « L’Union Européenne, c’est à l’échelle du parti que l’on commence à en appliquer le fonctionnement », assure Véronique Vermorel.
Le programme du Parti pirate s’organise autour de trois grandes idées : la défense et la conquête des libertés, le partage de la connaissance et de la culture et le renouveau de la démocratie. « On défend le principe de démocratie liquide. Nous voulons la mise en place d’une plateforme internet sur laquelle seront postés chaque semaine les rapports des élus sur leurs activités. Chaque citoyen pourra y faire des propositions qui seront débattues et votées en ligne », explique la candidate. Leur mot d’ordre : la transparence.
« Si on arrive à obtenir une plus grande participation du citoyen dans la vie politique, on obtiendra tout le reste. Les populations se remobiliseront et seront porteuses de projets », assure-t-elle, avant d’ajouter : « Le ras le bol est un sentiment extrêmement contagieux ! »
Comme beaucoup de Français, Véronique Vermorel a longtemps considéré que les petits partis ne constituaient pas une alternative valable. « Il faut le dire, en France, on s’en méfie », regrette-t-elle. Mais elle assure que les choses vont changer. « La France va devoir s’aligner sur le système des proportionnelles. L’argument de barrière contre le FN ne fonctionne plus, on voit bien que ça ne suffit pas. Il faut proposer une autre offre politique aux Français », défend la candidate. Après un court silence, elle ajoute : « Le clivage gauche/droite ne représente plus la richesse des opinions politiques en France. » D’ailleurs si vous demandez au Parti pirate d’étiqueter sa place sur l’échiquier politique, il vous répondra qu’il est « ailleurs ».
« On traite de nouvelles questions qui n’intéressent pas les autres partis, le numérique n’a pas de couleur politique », explique Véronique Vermorel. En effet, en matière de droits d’auteurs, de protection des données personnelles… le Parti pirate est très avant-gardiste. Mais lorsque l’on parle chômage, éducation ou santé, Véronique Vermorel répond :
« Il y a plein de sujets sur lesquels nous ne sommes pas présents, on a pas réponse à tout et on n’hésite pas à s’allier à d’autres partis quand ils sont prêts à respecter notre programme et qu’ils proposent des solutions qui nous plaisent. »
« Je revendique mon amateurisme »
Le Parti pirate a fait le pari de la génération Y jusque dans son programme. Dedans, il est très peu question des problématiques actuelles qui préoccupent les partis politiques institutionnels. Le Parti pirate fait figure de lanceur d’alerte plus que de parti de gouvernement et Véronique Vermorel le reconnaît : « Dans les trois prochaines années, il faut que nous travaillions sur notre programme national qui est plus léger que notre programme européen. » Un point qui n’inquiète pas la jeune candidate, qui semble avant tout vouloir montrer qu’une autre manière de faire de la politique est possible. Elle défend un parti amateur, certes, mais qui place le citoyen au cœur du processus décisionnel. « Je revendique mon amateurisme, je ne fait pas de media training, je n’ai pas de directeur de campagne. Je fais des erreurs, oui, mais ça arrive », confie la candidate. Le Parti pirate explore beaucoup d’idées, sans trop savoir encore comment les mettre en place: « Il y a un côté expérimental, c’est indéniable », explique-t-elle. Avant d’ajouter : « Mais c’est aussi ce qui est passionnant, de pouvoir créer un parti qui nous ressemble ! » Même si cela implique une campagne sans budget : en Île-de-France, elle a coûté en tout et pour tout 6000 euros, soit un million de bulletins et quelques centaines d’affiches imprimées. « Plus que le score, ce qui nous intéresse c’est de voir notre place par rapport aux 31 listes qui se présentent en Île-de-France », affirme la tête de liste.
Mener cette campagne aura été un job à plein temps. Son seul regret : « Je suis tellement occupée que j’ai manqué les deux derniers épisodes de Game of Thrones et du coup je me suis fait spoiler par un proche ! », explique Véronique Vermorel, un sourire aux lèvres.
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