Un dimanche après-midi dans un bar hong-kongais, une affiche mettait à l’honneur la scène electro Française à l’autre bout du monde. Derrière ce gros coup, une bande de Français, la vingtaine, qui ont lancé leur boîte et imposent tranquillement leur idées à Hong Kong.
Imaginez un peu. Début mai, un line-up de l’extrême apparaît partout sur les réseaux sociaux à Hong Kong : Woodkid, Kavinsky, Sébastien Tellier, Kaytranada. Une adresse et le nom d’un bar, Bibo. « A Hong Kong, les restos font des openings modestes », lit-on sur Twitter. Certains croient à une blague. Les affiches ressemblent énormément à ce sale coup que nous avait fait l’artiste André il n’y a pas si longtemps à Paris, Londres ou New York (souvenez-vous de ces affiches qui disaient « Daft Punk, Phoenix, Air, Justice, Cassius, Kavinsky, Sébastien Tellier, for one night only »).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mais cette fois c’est pour de bon. Derrière ces affiches, une bande de jeunes Français installés dans la métropole chinoise. Ils sont aux manettes d’une boîte qui a fait son chemin : l’agence Cliché Records. « Personne n’y a cru », confirme Ouissam Mokretar, un des fondateurs, originaire de Lyon. Ces affiches-fantasmes d’André, les organisateurs reconnaissent s’en être directement inspirés. En fait, Cliché a même essayé d’employer l’artiste, alors indisponible. Finalement, « on n’a pas vraiment fait de com, le line-up a parlé de lui-même », explique le jeune homme. Pas de dépenses en communication, mais un « budget no-limit » pour faire venir… tous les noms qu’ils voulaient. Ils ne se sont pas privés.
« Une version moderne de Great Gatsby »
L’endroit ? Un espace fraîchement rénové et designé par un artiste mystère à Sheung Wan, au cœur du Hong Kong bohème et artistique. « C’est une version moderne de Great Gatsby », entend-on à la soirée. Le designer secret a vraisemblablement lui aussi bénéficié d’un « budget no-limit » pour faire de ce bar-restaurant une galerie d’art. Pas d’enseigne à l’entrée, mais deux videurs qui appuient sur un bouton faisant coulisser une porte dorée, et on se retrouve à danser entre une sculpture massive de Jeff Koons, une œuvre de Bansky et une installation d’Invader.
Sébastien Tellier danse aussi. Celui-ci, apparemment super heureux d’être là, tripote une bouteille d’eau, se cache derrière la table de mixage et fait de l’air guitar pendant que sa femme passe des disques. Tous les deux font un mash-up de tout ce qui leur passe sous la main. Le set de Kaytranada, excellent producteur Montréalais, mélange hip-hop et deep house de Chicago. Kavinsky joue à fond la carte de la french touch. Et puis Woodkid, accompagné de la moitié de The Shoes, nous livre un mix entre hip-hop et trap, ponctué par le remix des Shoes de Happy.
Au final, environ huit heures de musique, livrées sur un plateau à un public hong-kongais extatique pour le lancement de ce lieu (nommé Bibo) par une petite entreprise qui a vraisemblablement trouvé son filon.
« Les gens commencent à nous suivre comme une identité »
Attablés autour de cocktails sur la terrasse du Honi Honi, un bar du quartier Central, les types de Cliché nous reçoivent le lendemain, au calme, dans la moiteur de mai. Ils sont clairement chez eux à Hong Kong. Cliché semble avoir devant lui un avenir radieux. « Les gens commencent à nous suivre comme une identité, comme un label à la Ed Banger », explique Ouissam. Lui a une ambition, qu’on dise plus tard de Cliché : « ils étaient là au début ».
Cliché Records débute en 2011 par un constat : le manque cruel de soirées electro à Hong Kong. Avec un but affiché : « faire exploser » la scène musicale locale. Le procédé ? « On choisit les meilleurs DJ montants, et on les fait jouer dans des endroits accessibles », explique Ouissam. La bande composée de Julie Mira, Samy Stouky, Jean-François Amadei et Romain Faipoux aux côtés de Ouissam s’y met sérieusement. Les concerts s’enchaînent et ne se ressemblent pas, et les jeunes Français deviennent vite des noms de la nuit hong-kongaise.
Cliché est-il à l’origine d’une « Hong Kong touch » ? Pas vraiment, selon lui : « notre ambition, c’est d’importer de la musique européenne pour les gens qui habitent ici et qui kiffent le son ». Toutefois, Cliché n’aime pas trop quand on parle de « soirées pour expats ». Ils préfèrent parler de « musique pour tous les gens homesick en Asie ». Homesick, c’est aussi le nom du label qu’ils ont lancé cette année, peu avant de fêter leurs deux ans en grande pompe. S’ils l’ont, le mal du pays, les jeunes de Cliché le cachent bien.
{"type":"Banniere-Basse"}