Comme chaque année en mai, le Kunstenfestivaldesarts apporte son lot de surprises faisant de la métropole belge un lieu fourmillant de spectacles issus des quatre coins de la planète, parmi lesquels on distingue pour cette édition les créations du collectif Berlin et de l’irréductible Benjamin Verdonck.
Créé en janvier dernier dans le cadre d’une résidence au Centquatre à Paris, Perhaps All the Dragons du collectif Berlin n’a rien d’une représentation au sens classique du terme. Assis à une table, le spectateur tourne le dos au reste du public pour faire face à un écran où, comme dans une communication par Skype, une personne s’adresse à lui. Il est ainsi confronté à travers un dispositif très élaboré à plusieurs histoires éminemment singulières racontées par des individus dispersés aux quatre coins de la planète.
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De là à voir dans cette œuvre une expression du village global planétaire où les notions de proche et de lointain seraient largement remises en cause, il n’y a qu’un pas qu’il faut se garder de franchir. La réalité est en effet plus complexe, comme le démontrent Yves Degryse et Bart Baele, les deux têtes pensantes du collectif Berlin. Car, si le dispositif mis en place dans Perhaps All the Dragons donne l’impression d’être en contact avec le reste du monde, il accentue en même temps la notion d’isolement. Certes les créateurs s’appuient sur la théorie des “six degrés de séparation”, ou du “petit monde”, selon laquelle nul n’est jamais éloigné de plus de six intermédiaires de n’importe quelle autre personne dans le monde. Théorie d’ailleurs défendue par un des personnages sélectionné pour ce spectacle. Malgré tout, ce qui émane d’une bonne partie de ces récits, c’est un fort sentiment d’étrangeté. Qu’il s’agisse de cette “hikikomori” japonaise qui dit ne pas être sortie de sa chambre depuis huit ans ou de cet universitaire britannique qui fête chaque année son anniversaire dans Hyde Park avec des inconnus. Ainsi, en nous mettant face à face avec des singularités irréductibles, ce projet remarquable révèle autant ce qui nous sépare que ce qui nous rapproche du reste de l’humanité, quelle que soit la situation géographique. Entre fantaisie, originalité ou singularité, le Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles où ce projet est actuellement présenté continue de nous surprendre grâce à des propositions d’autant plus significatives qu’elles ne répondent à aucun formatage. Outre 100% Bruxelles par le Rimini Protokoll, on peut y découvrir, entre performances et installations, des créations d’artistes aussi différents que Tsai Ming-liang, Tim Etchells ou Marcus Öhrn. Avec des moments magiques d’une rare délicatesse comme Notallwhowanderarelost de Benjamin Verdonck. S’inspirant notamment des sculptures d’Alexander Calder, cet Anversois à cheval sur les arts plastiques et les arts de la scène anime une structure en bois reposant sur un équilibre instable. Jouant avec la lenteur, il suscite des événements microscopiques en actionnant des mécanismes fragiles. Le temps suspendu, ce qui survient dans ce théâtre minimal ne tient qu’à un fil. Fil qu’il s’agit d’ailleurs de manipuler avec une précision diabolique. Car c’est sous forme de latence, dans la tension entre le geste et son effet que réside la beauté captivante de ce théâtre zen admirablement maîtrisé.
Perhaps all the Dragons…, de et par Berlin, jusqu’au 18 mai. Notallwhowanderarelost, de et par Benjamin Verdonck jusqu’au 17 mai. Dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts jusqu’au 24 mai à Bruxelles (Belgique). www.kunstenfestivaldesarts.be
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