« Definitely Maybe » d’Oasis a vingt ans : retour sur une épopée de la pop music anglaise qui a redistribué les cartes du rock des années 1990 et marqué l’avènement de la « Cool Britannia ».
Août 1994 marque la sortie de Definitely Maybe, premier album d’un groupe dont l’accent impossible en appelle à une Angleterre profonde, qui ne cache pas ses origines prolétaires. Un héritage brut du mouvement Madchester des années 1980, à une époque où l’Angleterre commence à se rebeller contre l’hégémonie du grunge américain.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
L’émergence de la Britpop
Londres est alors le point névralgique d’une nouvelle scène qui suit les premiers pas de Suede, Blur et autres Elastica. Au sein de ce mouvement encore au berceau, Oasis détonne dès ses débuts : face aux groupes de la middle-class londonienne qui usent d’ironie pour relever les travers de leurs temps, ces jeunes issus de la classe populaire de Manchester choisissent de dépeindre leur vie dans sa réalité la plus triviale (Cigarettes and Alcohol, Shakermaker).
Ces deux visions se rejoignent cependant dans leur intention commune de réinstaurer une force de frappe au rock anglais, alors enterré sous la popularité des groupes de l’ère Nirvana. Si les premiers albums de Blur et Suede sont les précurseurs de ce genre qui se fera bientôt appeler “britpop”, Definitely Maybe en est le marqueur le plus symbolique. Par sa popularité, il fait figure de transition entre l’émergence et la reconnaissance du mouvement.
La déferlante Oasis
Dès sa sortie, un succès fulgurant le pousse au rang d’album le plus rapidement vendu de l’histoire du Royaume-Uni. Sous les feux des projecteurs, les lads de Manchester se retrouvent bientôt comparés aux grandes figures avec lesquelles ils se sont construits : les Beatles, les Stone Roses, les Kinks.
La “déferlante Oasis” devient alors une réalité indéniable, le renouveau de la scène rock se concrétisant autour de cette britpop qui s’oppose non seulement au grunge de Nirvana, mais aussi au shoegazing de My Blood Valentine. Ses membres prônent un rock épuré, aux guitares salvatrices et à l’intention manifeste de faire bouger les foules, le tout teint d’un certain cynisme, perceptible dans les paroles.
Definitely Maybe se base sur une structure directe et sincère, celle des guitares primaires et des paroles sans détour. Encore vierges de tout drame et de toute concurrence (notamment celle, sanglante et mythique, qui aura lieu avec Blur), les morceaux évoquent le passage de l’adolescence insouciante au statut d’adulte (Live Forever, Whatever). Tout en marquant le retour d’un esprit chauvin dans la musique anglaise, ce premier album est celui de l’innocence brute de la jeunesse. Les titres les plus marquants de cette fougue spontanée (Rock n’Roll Star, Supersonic) passeront d’ailleurs à la postérité pour leur potentiel d’exutoire adolescent.
La discographie d’Oasis restera quant à elle fondamentalement liée au style britpop puisqu’elle en dictera les temps les plus forts : de la reconnaissance du genre avec Definitely Maybe, il en suivra l’apogée avec (What’s The Story) Morning Glory?, puis la fin symbolique par la déception critique de Be Here Now.
L’impossible réunion ?
A l’annonce des vingt ans de l’album, on savait déjà que les anciens kids de Manchester allaient faire parler d’eux en 2014. Depuis leur séparation avec pertes et fracas au festival Rock en Seine en 2009, les frères ennemis Liam et Noël Gallagher sont loin d’avoir disparu des radars.
Avec leurs formations respectives (Beady Eye et Noel Gallagher’s High Flying Birds), les deux ont livré des albums laissant un goût “post-Oasis” amer, n’ayant plus grand chose de nouveau à offrir dans leurs sonorités comme dans leurs intentions. Mais c’est aussi dans leurs déclarations que les deux frères continuent d’entretenir la flamme de leur possible réunion : entre annonces chocs et retours fréquents sur l’histoire du groupe, Oasis continue encore de briller par son absence.
En se livrant à la vie comme à la scène à ce spectacle récurrent, le crédo actuel semble se limiter à de vaines tentatives de répéter les éclats du passé. Loin semblent aujourd’hui les gamins sortis de nulle part, fuyant une célébrité qui n’était pas dans leur ADN.
Toujours est-il que les rumeurs de réunion continuent de s’intensifier, d’autant plus en cette année 2014 où la célébration des vingt ans de Definitely Maybe se superpose aux cinq ans de la séparation du groupe. Ces deux anniversaires combinés ne pouvaient mener qu’à de telles spéculations de retour, ne serait-ce que le temps d’un concert monnayé à prix d’or.
Reviendront, reviendront pas ? Mais surtout : ce retour peut-il se faire sans prendre l’aspect d’une vague mascarade financière? L’imprévisibilité historique d’Oasis ne nous permettra que la réponse suivante : définitivement peut-être.
{"type":"Banniere-Basse"}