Pièce très attendue de cette nouvelle saison, Crowd, la dernière création de Gisèle Vienne, a été en répétitions durant le mois d’août au Théâtre Nanterre-Amandiers. Alors qu’il reste encore à l’artiste quatre semaines de travail pour peaufiner son œuvre, c’est à un premier filage bluffant que nous avons pu assister. Eclectique dans ses centres d’intérêts, Gisèle Vienne […]
Gisèle Vienne nous a ouvert les portes du premier filage de Crowd. Ode aux free-parties, son spectacle est comme une hallucination, où l’accord entre danse et musique électronique est parfait.
Pièce très attendue de cette nouvelle saison, Crowd, la dernière création de Gisèle Vienne, a été en répétitions durant le mois d’août au Théâtre Nanterre-Amandiers. Alors qu’il reste encore à l’artiste quatre semaines de travail pour peaufiner son œuvre, c’est à un premier filage bluffant que nous avons pu assister.
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Eclectique dans ses centres d’intérêts, Gisèle Vienne conçoit chacun de ses spectacles comme une immersion dans une communauté de personnes qu’un même désir anime. En 2015, avec The Ventriloquists Convention, c’était dans le huis clos d’un concours de ventriloquie qu’elle faisait son miel des troubles rapports s’instaurant entre les manipulateurs et leurs pantins.
Quinze danseurs et danseuses, un melting-pot de nationalités
Aujourd’hui, avec Crowd, elle témoigne d’un tout autre univers en portant son regard sur ces regroupements éphémères qui s’improvisent au milieu de nulle part sous le signe des musiques électroniques. Seule interprète à faire le lien entre ces deux productions, la danseuse et marionnettiste allemande Kerstin Daley-Baradel a rejoint une distribution recrutée depuis trois ans suite à une série de workshops en Europe.
Quinze danseurs et danseuses, un melting-pot de nationalités pour composer ce microcosme d’addicts des infrabasses où se côtoient au final, une Allemande, un Anglais, des Suédois et des Français.
“Il y a un versant théâtral qui n’est pas négligeable, mais la pièce est si technique dans son rapport aux corps qu’il fallait que je m’entoure de danseurs, précise Gisèle Vienne. Je pense que le public sera moins dérouté si l’on classe le spectacle du côté de la danse. Mais de fait, il s’agit de danse-théâtre.”
Dennis Cooper, son complice en écriture, a conçu l’histoire
Ne sachant concevoir un spectacle qu’en l’ancrant sur un texte, Gisèle Vienne a demandé à Dennis Cooper, son complice en écriture, d’en concevoir l’histoire. L’auteur américain a rencontré les interprètes. C’est à partir de leurs histoires personnelles qu’il a construit les multiples scénarios réglant les rapports entretenus par chacun avec ses partenaires.
Ces partitions qui motivent les actions ne seront jamais dévoilées. Forte des mystères de son précieux sous-texte, la pièce a pour enjeu de laisser à l’imaginaire du spectateur la capacité de mettre des mots sur les événements dont il est le témoin.
Avec ses alignements de poutrelles verticales et sa coursive en hauteur, la salle du théâtre s’avère l’espace idéal pour s’imaginer dans le refuge d’une friche industrielle loin de la ville. Sur le sol de béton, canettes et bouteilles vides se mélangent à de la terre séchée comme autant de traces laissées par les fêtes précédentes.
Effets d’attirance et lignes de friction
Peter Rehberg officie depuis une régie placée dans les gradins pour nous proposer un parcours dans la culture du clubbing du début des années 1990. C’est d’abord la musique qui occupe l’espace. Puis, une grande porte métallique donnant sur l’extérieur s’ouvre et se referme comme par magie.
C’est elle qui décide de l’arrivée des danseurs qui font leur entrée en solitaire ou par petits groupes. Sous les lumières cristallines de projecteurs habituellement utilisés par le cinéma, on identifie d’emblée une multiplicité de dress-codes. On devine les effets d’attirance et les lignes de friction qu’une telle réunion peut faire naître.
La belle idée de Gisèle Vienne est d’inventer une chorégraphie faisant le lien entre les mouvements des danses urbaines inspirées des techniques de montage de la vidéo et les musiques électroniques qui travaillent sur les boucles et la mise en exergue de citations.
Un pur moment de jouissance collective
Loin du réalisme, c’est dans le tempo maîtrisé d’un ralenti partagé par tous que s’accordent les déplacements. Cette unité qui fabrique d’emblée une fiction visuelle se dérègle par instants pour mettre en avant les motifs d’un rapport à deux ou des solos aux allures de douces transes. Autant d’occasions pour que l’action s’accélère, se saccade ou se rejoue à l’envers.
En revisitant avec ses danseurs des effets réservés au monde de l’image, en modifiant la perception qu’elle nous donne de l’écoulement du temps, Gisèle Vienne nous plonge dans les délices d’un spectacle proche d’une hallucination. L’éloge parcouru de violence d’un pur moment de jouissance collective.
Crowd Conception, chorégraphie et scénographie Gisèle Vienne, du 8 au 10 novembre, création au Maillon, Théâtre de Strasbourg ; du 7 au 16 décembre, Théâtre Nanterre-Amandiers, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, festival-automne.com
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