Trois artistes de cœur, Orso Jesenska, Matthieu Malon et Erik Arnaud, se sont lancés dans un ambitieux projet : trois ep simultanés contenant chacun six titres dont deux reprises. Ils ont bien fait.
« J’emmerde la chanson française”, scande Erik Arnaud sur l’une des chansons emblématiques de son premier album (© 1998 Amerik), dont on retrouve ici une demo.
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3 EP français issus de la pop-music
Ce triptyque – trois ep publiés en même temps sur le label Monopsone et unifiés par le travail graphique du photographe Stéphane Merveille, à l’origine du projet – réunit pourtant trois musiciens français. Mais leur travail, la pertinence de leur propos et de leurs compositions les positionnent directement sur l’échiquier mondial de la pop-music, tant ils semblent détachés de préoccupations hexagonales. Ils chantent en français, car c’est leur langue maternelle. Or celle qui les intéresse est internationale et tire sa grammaire d’une grille d’accords. A projet commun, idées communes : chaque ep totalise six titres, dont deux reprises.
Le revenant Erik Arnaud
“On a fait nos morceaux chacun dans notre coin”, annonce Erik Arnaud, dont nous étions sans nouvelles depuis 2009. Il est le seul à proposer deux demos de titres anciens. L’idée de l’ep Golden Homme est de créer une transition : deux nouveaux morceaux qui regardent devant, deux demos qui rappellent des moments importants des anciens albums et deux reprises qui montrent autre chose. Golden Homme/Femme, deux nouveaux titres prometteurs, accompagnent une reprise de Broken Social Scene dépouillée et, plus étonnant, une relecture de Tous les cris les S.O.S. de Daniel Balavoine.
“Avoir 11 ans en 1985 fait qu’il était difficile de passer à côté de l’album Sauver l’amour de Balavoine. C’est l’un des premiers albums que j’ai achetés. Reprendre Balavoine pour faire cool et décalé n’était pas l’idée, mais je n’ai pas honte non plus d’aimer cette chanson.”
Des reprises pointues pour Orso Jesenska
Quant à Jesenska, il déclare :
“J’ai voulu rendre hommage à Gianmaria Testa, qui venait de mourir. C’est un artiste important pour moi. La chanson Effacer la mer de mon précédent disque est directement inspirée de Seminatori di grano, de cette errance d’exilés que le monde repousse. J’aime chanter les chansons des autres mais c’est toujours un peu casse-gueule, la reprise trop componctueuse d’un côté et trop ironique de l’autre, ça peut être pénible. Quant à Hoagy Carmichael, crooner des 50’s, c’est la classe absolue. Je crois que je l’ai vu et entendu pour la première fois dans Le Port de l’angoisse de Hawks, où il chante Am I Blue avec Bacall. C’est un type qui a écrit des standards incroyables, comme Heart and Soul ou Georgia on My Mind.”
Après deux albums magnifiques, Jesenska propose ici quatre nouveaux titres épurés où il se détache de l’influence de Dominique A pour atteindre des sommets d’émotion, rappelant les échappées les plus folk d’un Tim Buckley.
Une penchée cold-wave pour Malon
C’est plutôt vers un autre genre qu’il faudra aller chercher Matthieu Malon. Son disque est une longue plongée dans les 80’s les plus dark, comme si les rythmiques du Pornography de The Cure remontaient le temps pour tutoyer les guitares lancinantes de Mogwai. Ses deux reprises sont pourtant des standards new-wave francisés.
« J’ai en tête depuis des années de faire un disque de reprises anglo-saxonnes traduites en français. Dansons les larmes aux yeux d’après Ultravox, et Reviens et reste, reprise de Jack Lee… Je ne vais pas mentir, je connaissais d’abord la reprise de Paul Young (que j’adore). On pourrait la jouer dans tous les styles, y compris a capella, elle fonctionne. J’ai construit ma musique sur la structure de la reprise mais j’ai essayé de m’approcher de l’esprit rugueux de l’originale.”
Étonnant et ambitieux, ce projet de trois disques jumeaux semble nécessaire dans le paysage actuel, où chaque sortie de disque chasse la précédente. Il se distingue aussi et surtout par la pertinence avec laquelle les artistes ont été élus, livrant chacun l’une des facettes, pop, folk et cold-wave, d’un triple ep qui s’écoute – se réécoute – d’une seule traite. “Ce qui est sûr, c’est que nous avons des choses en commun dans notre envie de raconter”, conclut Malon.
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