En salles aujourd’hui uniquement, Flight 666, un « avion-movie » où Iron Maiden, le groupe de métal le plus célèbre de la planète promène son statut de demi dieux du genre dans les airs, de l’Inde à l’Amérique du sud. En DVD le 25 mai.
Dans la veine documentaire amorcée par le Some kind of monster de Metallica (2003), on prend de la hauteur. Flight 666 émanant de son concurrent direct en termes de crédibilité metal, les inoxydables Iron Maiden voit le sextet briton ouvrir les portes du cockpit d’Ed Force One son avion de tournée à deux réalisateurs canadiens, déjà auteurs de deux films disséquant les us et coutumes de cette scène. Si Iron Maiden dont le chanteur-intello Bruce Dickinson est aussi pilote, proposait déjà des packages « avion piloté par Bruce + concert » à ses fans européens, c’est la première fois qu’il ne se cache pas derrière sa mascotte Eddie, acceptant la présence au long cours de caméras sur scène et en coulisses. Un attrait certain pour le fan, car autour de la machine Maiden gérée d’une main de maître (et de fer) par l’inamovible Rod Smallwood, l’hagiographie n’était jusque là jamais loin. Bios et DVD autorisés avec un groupe facilement en mode Georges Marchais: fournissant à la fois questions et réponses.
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Les musiciens qui ont longtemps voyagé chacun de leur côté qui à cause de sa ribambelle d’enfants, de sa peur de l’avion ou par suite de conflits d’ego ont finalement adopté en 2008 un Boeing 757 à leurs armes. L’Ed Force One souvent piloté, donc, par l’hyperactif Bruce Dickinson et transformé afin de pouvoir transporter d’une traite hommes et matériel. Plus fort que Phileas Fogg, le groupe entendait ainsi boucler au printemps dernier les 70 000 kms nécessaires à la délivrance de 23 concerts sur quatre continents en seulement 45 jours. Là où Maiden usait auparavant sa santé en des tournées marathons il condense ses dates depuis 1999 et la reformation de son line up classique. Une formule ramassée qui n’évite pas la table du kiné aux fringants quinqagénaires à leur descente de scène mais leur permet de jouer à Retour vers le futur sans dommages et avec atterrissage matelassé sur cette tournée Somewhere back in time qui ressuscite les décors égyptiens de l’ère Powerslave (1984) et remplit les stades en ne proposant que des titres des 80’s.
Backstage on est sages
After hours fini la picole et les substances d’antan. On suit Nicko Mc Brain, batteur, party animal et comique du groupe s’éclater sur les greens entre deux rencontres avec les fans. Dans sa roue le bassiste-leader Steve Harris plus à l’aise en studio au dessus de la console qu’en mondanités au dessus des petits-fours. Quant au guitariste Adrian Smith il arpente les cours de tennis avec un fan de choix, l’ex champion australien Pat Cash. Bref contrairement à Metallica pas de plaie béante affichée chez Maiden qui n’utilise pas ce film comme maïeutique pour redresser un destin contraire. Les anglais ont toujours fait valoir ce côté « pieds sur terre » que leur procurent leurs racines ouvrières comme le rappelle le guitariste Adrian Smith, qui ne déteste pas pour autant retrouver sa tranquillité une fois le seuil de l’hôtel franchi. Ce qui s’avère parfois coton comme en Amérique latine où Maiden a un statut de dieu vivant, et où Bruce Dickinson se doit de chanter un morceau depuis le poste de pilotage afin que les aiguilleurs du ciel le laissent atterrir. Les officiels se précipiteront ensuite sur le tarmac pour une photo avec le groupe qui tâche ensuite d’échapper aux centaines de fans qui le pourchassent de l’aéroport au lobby de l’hôtel dans une cohue joyeuse digne des grandes heures de la Beatlemania.
envoyé par -oneill91-
Mais au commencement de cette tournée 2008 était l’Inde où Maiden se rendait pour la seconde fois, avec fans affluant de toute l’Asie. La scène y’est montée selon l’art millénaire du pliage de bambous puis couvée par les roadies locaux, pieds nus et émus aux larmes quand on leur offre un coca… Suit un brusque changement de décor avec Australie, Japon et fans gras du bide avant un bref crochet à L.A. où le gratin local se bouscule en loges et se confond en hommages à ceux sans qui le heavy metal serait une espèce éteinte (Metallica, Rage Against the Machine, Ronnie James Dio, second chanteur de Black Sabbath…)
Lourdes/Maiden = même combat
C’est pourtant à partir du Mexique qu’arrive le point d’orgue du film : Iron Maiden s’en allant évangéliser les foules affamées de ce metal dont on les rationne et qui vivent un concert du groupe avec l’intensité d’un match de foot et la ferveur qu’on afficherait pour une venue du Pape : « Iron Maiden is my religion » peut on ainsi lire sur les banderoles. Cantonné à sa partie sud américaine, Flight 666 n’aurait pas perdu au change, d’autant qu’il permet de briser un lieu commun tenace : Non le fan de métal n’est pas nécessairement blanc…pas plus qu’il ne conchie Dieu ! Entre ce prêtre brésilien aux 162 tatouages Iron Maiden recensés, aussi croyant qu’il a l’air perché et ces fans lookés, éclatant en sanglots après le concert, se signant en envoyant une prière à un créateur invisible pour remercier pour le miracle, on se dit que la musique du groupe doit contenir une dose de sacré, certes bien mâtinée de superstition.
Etrange quand on sait que les mêmes étaient voués aux gémonies par les ligues de vertu US il y’a 25 ans en raison d’une pseudo affiliation sataniste débusquée à la va-comme-je-te-pousse derrière la pochette de Number of the Beast ou les extraits du Livre des Revelations sur le titre du même nom. Vrai aussi que la First Lady d’alors Nancy Reagan -déjà bien c(r)oulante !- avouait qu’elle « n’aurait jamais laissé ses enfants assister à un concert de hard rock ». Une pensée qui survit sûrement dans les têtes de l’état major colombien qui a envoyé la troupe faire virilement bloc autour du stade où le groupe donnera son premier concert en 30 ans et où les « fidèles » campent au bord de la route depuis une semaine pour être aux premières loges…Vus d’avion ou subtilement cadrés, tous ces plans ont des allures de marche triomphale pour le groupe. Et on se dit que si le metal devait conquérir le monde : comme le foot, ça commencerait par le Brésil où le succès d’Iron Maiden fera bientôt de l’ombre au Christ Rédempteur du Corcovado!
Guillaume B.DECHERF
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