« Draquila », documentaire sur le tremblement de terre de L’Aquila, dénonce l’instrumentalisation de la catastrophe par Berlusconi. Rencontre avec sa réalisatrice, l’activiste Sabina Guzzanti.
C’est une femme en colère, mais d’un calme impérial, qui nous accueille dans les locaux de la boîte qui distribue en France son nouveau documentaire : Draquila, l’Italie qui tremble.
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Sabina Guzzanti s’est fait connaître internationalement il y a cinq ans avec Viva Zapatero !, un pamphlet sur la disparition progressive de la liberté d’expression dans l’Italie de Berlusconi, dont elle fut elle-même victime avec l’arrêt, en 2003, de son émission satirique Raiot – Armi di distrazione di massa (arme de distraction massive) sur la chaîne publique Rai 3.
Cette journaliste et actrice hors pair, que d’aucuns comparent à Michael Moore, excellait dans les imitations réalistes et cruelles du Cavaliere. A tel point qu’elle provoqua l’ire du président du Conseil, ce qui entraîna l’annulation du programme.
Tricarde à la télévision, la belle quadragénaire occupe depuis les planches de théâtre, les rayons des librairies et les écrans de cinéma, où elle constate l’inéluctable désagrégation de la démocratie italienne.
« Je voudrais être optimiste, mais la situation ne cesse d’empirer. Et je crains que même la retraite de Berlusconi n’y change rien. A force de laver le cerveau des gens, cela a fini par produire son effet. Par exemple, dans les débats, on me demande de plus en plus souvent si, après tout, il n’est pas normal de limiter la liberté. A force de l’entendre à la télé, les gens finissent par le répéter… », confie-t-elle avec une ironie mordante.
Présenté au dernier Festival de Cannes en dépit de l’appel au boycott du ministre de la Culture Sandro Bondi, Draquila est ainsi un vigoureux brûlot, et un véritable film d’horreur, d’autant plus terrifiant qu’il ne comporte ni masque ni fard.
Elle y accuse le vampirique président du Conseil d’avoir utilisé une catastrophe naturelle (le tremblement de terre de L’Aquila en avril 2009) pour se refaire une santé dans l’opinion et expérimenter à petite échelle une restriction du droit de manifester et un détournement d’argent public. Un système de clientélisme massif – « tellement énorme qu’il semble ne plus choquer personne, comme si les gens étaient désormais anesthésiés » -, mis en place avec l’aide de la Protection civile (l’organisme d’aide aux victimes, aux mains d’un proche de Berlusconimrécemment mis en examen pour corruption) et sous prétexte de l’état d’urgence.
Peut-on pour autant parler de fascisme ?
« Ce débat de rhétoriciens me fatigue. Qu’on appelle ça fascisme ou pas, peu importe : seuls comptent les faits. L’information : il n’y en a plus. La justice : il n’y en a plus. Les services publics : il n’y en a plus. L’opposition : il n’y en a plus. »
Lorsqu’on lui demande pourquoi celle-ci est si faible en Italie, elle dénonce sans pitié : « Qu’ils soient complices ou simplement idiots, la soi-disant gauche est responsable de la catastrophe actuelle. Quand ils étaient au pouvoir (de 2006 à 2008 – ndlr), ils n’ont rigoureusement rien fait. Il est temps que cela change. »
Comment dès lors secouer ce grand corps malade, rapiécer cette vieille botte trouée ? Sabina Guzzanti n’a pas de solution miracle, mais semble plus déterminée que jamais. « Je ne réclame pas une médaille de la subversion. Mais j’ai quand même le sentiment que mes films sont utiles car ils montrent des choses que les gens ignorent. La seule résistance possible, c’est de continuer à faire ce à quoi l’on croit, sans rien changer. C’est une guerre longue, qui va encore durer des années. Il faut s’armer de patience. » La patience des aigles.
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