Avec un premier ep dans la lignée de M.I.A. ou Santigold, la Française Sônge s’impose comme la révélation de ce début d’année. A voir le 19 janvier dans le cadre des Inrocks aux Bains.
“Tu connais les modes musicaux, de do, ré, fa ? Ils m’apparaissent en couleurs. J’imagine le mode de fa argenté. Ou plutôt comme des maquereaux quisauteraient dans l’eau avec des reflets bleu argenté sur le ventre.”
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Cet instant de poésie nous est offert le 3 janvier au matin dans un large sourire dévoilant des dents du bonheur. Sônge a cette particularité de glisser analogies et anecdotes insolites au beau milieu d’une conversation somme toute assez classique, ponctuée de grignotages de bonbons multicolores en forme de frites.
Sônge surprend. Depuis sa difficulté à trouver les mots appropriés pour évoquer les quatre morceaux ramassés dans son premier ep, Sônge, à paraître le 20 janvier, jusqu’à cette synesthésie, phénomène neurologique d’association des sens (chez elle l’ouïe et la vue), qu’elle trimballe depuis l’enfance. Pour nous faire comprendre ce qui se passe “là”, dit-elle en dessinant un cercle au-dessus de sa tête,
Une palette synesthésique qui mêle couleurs et musique
Sônge convoque un souvenir : “Quand j’ai eu mon premier ordinateur, j’ai voulu classer mes documents. Au lieu de les ranger dans des dossiers vidéo, photo, j’ai fait un dossier “vert-gris-bleu”, un autre “mauve”… Dans le vert-gris-bleu, je pouvais mettre des morceaux de Björk comme le film Babel. Le problème, c’est qu’un album a souvent plusieurs couleurs. Dans Medúlla de Björk, il y a des morceaux noirs, d’autres mauve foncé…”
Sônge compose ses morceaux comme des tableaux impressionnistes, une palette de couleurs à l’esprit, un pinceau dans la voix. “Si je veux une basse d’outre-tombe dans un morceau, je rajoute un son mauve sombre.” Son single Colorblind (daltonien, en français) contient (en prime d’une ode à l’amour) une définition de cette synesthésie : “I hear colors in my head/Telling me secrets” (“J’entends des couleurs dans ma tête/Me confiant des secrets”).
Notre empressement à la comparer à M.I.A. et Santigold nous paraît dès lors bien pauvre. Et pourtant, comment ne pas voir dans son habile mélange de r’n’b anglophile, de pop colorée et de musique électronique accro aux beats lourds l’influence de ces deux Anglo-Saxonnes expertes en passerelles dressées entre les mondes ? Sônge préfère citer Björk, CocoRosie, Kendrick Lamar, FKA Twigs.
Océane, devenue Sônge, invente un monde de mythes et de contes
C’est dans la maison familiale, à Quimper, en Bretagne, qu’Océane s’est muée en Sônge. Ses fidèles alliés : le logiciel Ableton Live, un synthé Prophet, une MPC et un likembé, instrument traditionnel africain. Mais aussi ses parents, l’un prothésiste, l’autre peintre, qui l’emmenaient à la médiathèque emprunter des disques.
C’est au retour d’un an d’échange à Amsterdam, après avoir bouclé une école de commerce, qu’elle décide de changer de voie et de passer quatre ans dans la section jazz du Conservatoire de musique de Paris. “J’y ai appris les harmonies et découvert Le Crépuscule des dieux de Wagner. Quand je l’ai entendu pour la première fois, ça m’a rendue…”, laissant sa phrase en suspens, comme si le mot manquant se trouvait quelque part dans son regard.
Sônge a un penchant certain pour l’onirisme, les mythes, les contes. Son pseudo lui a d’ailleurs été inspiré par ses longues heures d’insomnie passées dans un état de rêverie. Un jour, fatiguée de ne plus dormir, Océane consulte un médecin qui lui recommande les Luminette, des lunettes qui projettent de la lumière colorée sur la rétine. Elles lui serviront finalement à enrichir l’aspect visuel de ses concerts, auquel elle apporte un soin méticuleux.
Un r’n’b moins sexué, comme Bonnie Banane ou OK Lou
“C’est une boule de feu !”, s’exclame Sayem, son producteur, qui l’a aidée à structurer son ep. “Elle aborde la scène comme un exutoire. Elle vit pour les sensations, pour danser, bouger, déborder. Elle n’est pas dans un truc sexué comme souvent dans le r’n’b. Elle ne met pas le fait d’être une fille en avant. C’est un point de rencontre de pas mal d’artistes aujourd’hui, comme Bonnie Banane ou OK Lou.”
Si les quatre titres de son ep sont en anglais, quelques morceaux en français se glissent dans son live. “Elle fait partie de cette nouvelle génération qui a dépassé la guerre anglais-français. Elle passe de l’un à l’autre sans se poser de questions.”
Sônge ne fait que suivre son intuition, nichée “là”, dit-elle en esquissant le même geste circulaire au-dessus de sa tête. “Je la trouve fidèle à elle-même. C’est ce qui m’a frappé chez elle, raconte Sayem. Et ce mélange de pudeur et de grosse confiance aussi.”
Si des restes d’enfance semblent encore accrochés à ses lèvres timides, Sônge met une sacrée claque en live, ses longs cheveux décolorés fouettant les airs au rythme de ses basses, ses Luminette éclairant ses yeux d’un arc-en-ciel rêveur.
ep Sônge (Parlophone), sortie le 20 janvier
Sônge aux Inrocks Les Bains – Super Pool Party
2017, année de la fête. C’est avec cette injonction en tête que Les Inrocks ont décidé d’organiser une fois par mois les soirées Inrocks Les Bains au mythique club Les Bains, en collaboration avec Super !
Le principe est simple : deux groupes à découvrir en live en avant-première et notre team aux platines. La première soiréeaura lieu le 19 janvier, avec Sônge donc, et Pauli, chanteur londonien ayant collaboré avec Damon Albarn, FKA Twigs ou encore Jamie xx avant de se lancer en solo.
entrée libre les invitations sont à retirer sur lesinrocks.com
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