A 29 ans, elle va remplacer George Pernoud à la présentation de l’émission mythique de France 3.
« On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans et ça, il va falloir que ça change. » La fameuse petite phrase de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a fait son chemin depuis 2015. Après Patrick Sabatier, Julien Lepers ou encore David Pujadas, c’est au tour de George Pernoud, à la tête de Thalassa depuis 42 ans (!), de céder la place à l’antenne. Il sera remplacé à la rentrée par Fanny Agostini, 29 ans, qui quitte la météo de BFM TV pour reprendre la célèbre émission de France 3 consacrée à la mer. « On veut faire une émission plus dynamique et plus incarnée, davantage sur le terrain et dans l’action », dit-elle quand on la rencontre.
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Thalassa, « une petite épicerie qui a sa clientèle »
Fanny Agostini s’est spontanément portée candidate à la succession de George Pernoud. A 69 ans, il a présenté sa dernière émission le 30 juin dernier, avant de passer officiellement la main à Fanny Agostini pendant la pause estivale des grilles télé. Le fruit d’un mois et demi de discussions avec la direction de l’émission. « George et moi, on s’est rencontrés, raconte-t-elle. Il m’a serré la pince et m’a dit : ‘bon vent!’ Sa voix, sa prestance, sa carrure… wow!… Avoir sa bénédiction était quelque chose de très important pour moi. »
Merci Georges ❤️ #Thalassa pic.twitter.com/Y2j9qjRZox
— Thalassa (@ThalassaWeb) June 30, 2017
Erik Berg, rédacteur en chef de Thalassa, confie avoir eu d’autres plans de casting à la base. « Je préfère ne pas dire son nom mais c’était un homme, un vrai spécialiste de la mer », nous dit-il par téléphone alors qu’il arpente le chemin de Stevenson, dans les Cévennes, en bon journaliste aventurier. Il réfute toute influence de la direction de France TV sur son choix. « Je n’ai même jamais rencontré Delphine Ernotte », dit-il avant d’ajouter : « En vérité, il a fallu défendre la candidature de Fanny. Ce n’était pas gagné. » Le choix de Fanny Agostini est pour lui « un pari ». Il voit Thalassa comme « une petite épicerie qui a sa clientèle » et estime prendre « forcément un risque » en remplaçant l’épicier historique.
Mais face au « besoin de mutation » et au risque de faire « du sous-George » avec son premier choix, Erik Berk s’est « laissé convaincre » par Fanny Agostini, qui « va très vite rattraper son retard ». Un détail a fait la différence sur son CV : le Climate Bootcamp, sorte de camp d’entrainement qu’elle a co-fondé en 2015 dans sa commune d’origine, La Bourboule, dans le Puy-de-Dôme, en parallèle de son poste à BFM. Depuis, tous les ans, entourée d’experts et d’assos, elle y reçoit des journalistes généralistes pour les sensibiliser aux questions environnementales. (La troisième édition aura lieu du 29 septembre au 1 octobre prochains.) « Elle a renversé des montagnes pour son projet, s’enthousiasme Erik Berg, qui raconte avoir reçu un texto de Nicolas Hulot, récent ministre de la Transition écologique et jadis impliqué dans le lancement du Climate Bootcamp, lui vantant l’énergie et la détermination de Fanny Agostini. Il m’a dit : ‘Tu vas être épaté’. »
Défendue par Nicolas Hulot et remplaçante de George Pernoud, Fanny Agostini semble avoir coché des cases en racontant : « Depuis toute petite, mon rêve, c’était de présenter soit Thalassa, soit Ushuaïa. C’est ce qui m’a motivé à me lancer dans le journalisme et à venir à Paris. »
« Je suis une amoureuse de la nature »
Quand on lui pose des questions sur elle et sa vie, Fanny Agostini finit toujours par dévier sur l’acidification des océans, le gaspillage alimentaire, le réchauffement climatique, les fleurs ou encore les requins, sur lesquels elle prépare actuellement un livre. (« Les requins sont une porte d’entrée très intéressante pour parler de la biodiversité marine, déroule-t-elle. C’est une espèce indispensable à l’équilibre de l’écosystème global. » Le livre est prévu pour 2018.) Même quand on lui demande ce qu’elle écoute en ce moment, elle répond : « J’essaye d’écouter la musique de la nature. Sinon, j’aime beaucoup Bernie Krause, par exemple. » (Bernie Kause est un musicien américain diplômé en bioacoustique et spécialiste des « biophonies » et autres mises en musique du paysage.) « Je suis une amoureuse de la nature », dit-elle.
Fanny Agostini dit avoir développé « naturellement une conscience écologique ». Originaire de La Bourboule, elle grandit au contact de la nature auvergnate avec des grands-parents boulangers, qui l’élèvent « comme un garçon manqué ». Et puis souvent, elle part en Corse, où son père l’initie à la plongée et lui transmet sa passion pour la biodiversité marine. Elle apprend à pêcher, aussi. Les années passent et Fanny Agostini part à Clermont-Ferrand faire son lycée, puis une prépa Sciences po. Elle intègre ensuite le Studio Ecole de France, une école privée de radio/télé à Issy-Les-Moulineaux, près de Paris. Le reste suit : elle commence à RTL avant de passer à RMC puis, en 2011, à BFM TV.
Elle y arrive pour remplacer Philippe Verdier à la présentation de la météo, mais, déjà, « faire de la télé pour faire de la télé » ne l’intéresse pas. Elle entame donc une formation auprès d’un ingénieur prévisionniste de Météo France. Pendant trois ans, elle approfondit ses connaissances de la climatologie et « du fonctionnement de la planète ». « Par besoin de comprendre vraiment ce que je racontais », observe-t-elle aujourd’hui. A l’époque, Fanny Agostini espère déjà que la présentation de la météo lui serve de tremplin pour la suite.
Se revendiquant « en rupture totale avec l’image qu’on se fait habituellement de la présentatrice météo », elle commence à proposer d’autres sujets à la rédaction de BFM. Les sujets passent. Et s’enchainent. En parallèle, en 2014, elle se fait élire conseillère municipale à La Bourboule (auprès du Maire Eric Brut, sans étiquette quoiqu’issu d’une majorité PS), où elle fondera donc, l’année suivante, le Climate Bootcamp. Mais la politique, c’est comme la télé, ce n’est pas un but en soi pour Fanny Agostini. « Je me suis engagé par amour pour ma commune et par amitié envers le maire, qui est un ami de longue date, dit-elle. C’est du développement plutôt que de la politique. » Et le journalisme, dans tout ça? « Je suis journaliste avant tout, dit-elle, mais une journaliste engagée, avec des convictions. »
« Fanny a toujours eu un petit truc en plus, se souvient une ex-collègue de BFM par téléphone. Elle est passionnée. Ça n’a été une surprise pour personne de la voir partir vers une émission comme Thalassa. » Fanny Agostini a présenté sa dernière météo sur BFM le 12 juillet dernier. « Prenez soin de vous et prenez soin de la planète », a-t-elle conclu à l’antenne.
Une émission repensée
Le retour de Thalassa à la rentrée n’a pas encore de date, mais les premiers tournages ont commencé. La première émission proposera notamment un reportage en Bretagne auprès de ceux ayant choisi de vivre sur leur île toute leur vie. La deuxième sera tournée fin août. « Dernièrement, Thalassa s’était peut-être trop axé sur l’enquête, observe Erik Berg. Et c’était ma faute. On veut désormais se rapprocher des préoccupations des gens. Il ne faut pas oublier que la vraie star de l’émission, c’est la mer. » Devenue mensuelle face à la baisse des audiences, l’émission, qui « ronronnait peut-être un peu » selon Erik Berg, sera également décalée du vendredi au lundi soir. Il admet : « La concurrence est très forte le vendredi. Koh-Lanta, c’est un monstre. »
Fanny Agostini se montre moins loquace sur la nouvelle formule de Thalassa. Elle évoque une émission repensée, le développement de formats web, la volonté de faire vivre l’émission sur les réseaux sociaux… Autant de changements « qui ne se verront peut-être pas dès la première émission » mais « petit à petit ». « Ça fera rêver et voyager, synthétise Fanny Agostini. C’est tout ce que je peux dire. »
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