Edwyn Collins fait comme si A Girl like you n’avait jamais existé et continue sa propre route : en courant, cette fois-ci.
Il existe un instrument de mesure infaillible pour reconnaître les bons élèves qui ont rapporté une montagne de blé à leur maison de disques : l’épaisseur du livret de l’album qui suit celui du triomphe. Comme chez Oasis, le nouvel Edwyn Collins s’accompagne d’un véritable pavé tout en luxe et couleurs. A la différence d’Oasis pourtant, le disque qui est livré avec n’a pas subi la même enflure. Au contraire, tout semble ici se présenter comme si l’itinéraire d’Edwyn Collins n’avait jamais dévié des marges et des fossés, comme s’il n’y avait jamais eu de Girl like you pour le tirer du mauvais sommeil dans lequel sa carrière solo croupissait avant ce prodigieux coup de théâtre de 95.
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Collins-le-loser, contraint pendant une scandaleuse éternité à baisser la tête, a su visiblement la garder froide une fois devenu Edwyn-le-winner. Sorti des vaches maigres, il ne se rêve pas pour autant plus gros qu’un boeuf, conscient qu’à perdre sa ligne (de conduite), on en vient toujours à y laisser sa dignité. En clair, l’ex-Orange Juice ne se presse plus, il décompresse. Au lieu de l’album de petit gommeux revanchard sur la vie qu’on pouvait redouter plus de morgue, plus d’argent gaspillé, plus de frime, bref, le sinistre lot commun de presque tous les parvenus du rock , I’m not following you s’avère le reflet nullement déformé d’un Collins à l’aise dans ses nouvelles pénates, goûtant aux joies du tout-confort sans abuser gratuitement des gadgets électroniques, seulement ravi de bénéficier d’un espace plus vaste pour pouvoir y installer tous ses grigris et bibelots.
Truffées d’emprunts à la Northern soul, à Jethro Tull, au funk seventies, à Joe Meek , brumisées ici ou là d’une fine pellicule de nostalgie (Running away with myself, For the rest of my life), ces chansons réussissent quand même sans forcer à exhaler des parfums insolents, des airs sortis de nulle part, loin des puanteurs cafardeuses du grenier britannique. Même lorsque Mark E. Smith vient semer sa zone sur un Seventies night hautement combustible ou quand le final de l’album déraille dans une orgie de bêlements interrompus à la mitraillette ou encore lorsque des guitares têtues menacent d’assombrir l’horizon, Collins s’en tire toujours par une cabriole, un bon mot « Don’t want to live in an Adidas world », clame-t-il en éternel dandy ou une astuce stylistique épatante. Moins béni-Bowie-wie que par le passé la notoriété lui a donné des ailes et une méthode pour apprendre à voler seul , notre vieil et éternel ami est de retour, terriblement en jambes et en voix, avec dans ses valises un No one waved goodbye aux faux airs d’Everybody’s talking qui pourrait bien être son plus beau tour de force à ce jour.
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