On n’a pas pu oublier l’hymne grunge de Daniel Guichard : “Avec son vieux pardessus râpé, il s’en allait l’hiver, l’été, mon vieux.” Ce qu’on ne savait pas alors, c’est qu’on tenait là le premier hommage vibrant et officiel à la new-wave à manteaux longs, à cheveux pétard. Avec leur nom chouravé à Eno et […]
On n’a pas pu oublier l’hymne grunge de Daniel Guichard : « Avec son vieux pardessus râpé, il s’en allait l’hiver, l’été, mon vieux. » Ce qu’on ne savait pas alors, c’est qu’on tenait là le premier hommage vibrant et officiel à la new-wave à manteaux longs, à cheveux pétard. Avec leur nom chouravé à Eno et leur orgue tombé du camion Magazine, les Warm Jets se posent donc en vendeurs top-performants de la grande solderie annoncée aux rayons pardessus Joy Division, colifichets Psychedelic Furs, perruques Bunnymen, anabolisants Chameleons. Et ça fait un peu bizarre de croiser ainsi dans les rayons de vagues anciens amis perdus de vue, le cheveu désormais dégoulinant sur un visage au maquillage d’une autre époque. Car on a beau faire semblant de ne pas les reconnaître, on a parfaitement identifié les parents de ces guitares déclamatoires, de ces vocaux au galop : de The Sound à Modern English, c’est la new-wave des séries B qui fait son clapotis, réclame une pension, marchande sa médaille du Mérite. Déjà que pour les anciens, cette réhabilitation est dure à mâcher, on ne comprend pas que des jeunes doués pour la mélodie soient venus s’empêtrer dans ce trou tout noir, pourquoi ils se sont engoncés dans cette nostalgie-à-papa aux plis amidonnés, aux gestes inconfortables. Et même quand les Warm Jets arrêtent de jouer de la guitare au rétroviseur, quand ils regardent enfin leurs contemporains sur leurs côtés (on ne peut pas demander à de tels mémoralistes de regarder devant), c’est du côté d’autres nostalgies qu’ils épient : chez un Radiohead encore sous influence Bono (Vapour trails), chez un Blur qui n’aurait pas encore débranché la perfusion Bowie (Maestro). Pourtant, débarrassées de ce vilain vernis gris et clinquant, Never never, Hurricane ou Autopia feraient des pop-songs de course, fuselées et maniables. Mais les Warm Jets, qui n’ont jamais lu leur mode d’emploi, ne connaissent que le vol à reculons, machine à remonter le temps et à faire perdre le nôtre. Comiques troupiers, ils s’en amusent eux-mêmes : « You’ve got to move with the times » ou « It’s time for us to go to the future show ». Il est effectivement grand temps : le salon des antiquaires sent la laque et les mites.