Seul député UMP favorable au mariage pour tous, Franck Riester, 39 ans, soutien de Jean-François Copé et, comme lui, élu de Seine-et-Marne, en appelle à un débat plus apaisé.
Comment expliquez-vous être le seul parlementaire UMP à défendre le projet de loi du gouvernement ouvrant le mariage aux couples de même sexe ?
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Franck Riester – Je suis, pour le moment, le seul parlementaire à exprimer publiquement qu’il va voter pour. J’espère que le débat à l’Assemblée nationale et au Sénat va convaincre un certain nombre de mes collègues de l’UMP de voter le texte. Pour plusieurs raisons. D’abord sur le fond, parce que c’est une question d’égalité entre tous les citoyens que de donner aux couples de même sexe le droit de se marier, sans enlever aux autres couples aucun droit. Deuxièmement, on me dit que le mariage unit un homme et une femme en vue de procréer. Je dis que c’est d’abord la reconnaissance d’un amour devant la République et qu’il y a un grand nombre de gens qui se marient sans avoir d’enfants ou qui ne peuvent en avoir. Si on pousse le raisonnement jusqu’à l’absurde, ça voudrait dire qu’il faudrait interdire le mariage à ceux qui ne peuvent pas avoir d’enfants ! Troisièmement, le texte répond à une situation de fait pour les familles homoparentales dont les enfants n’ont pas les mêmes droits que les autres. Le texte leur donnera des protections : il est important que nous, parlementaires, veillons à ce que tous les enfants de la République obtiennent la même protection quelle que soit la famille dans laquelle ils grandissent. Enfin, mes collègues de droite devraient se réjouir que les valeurs familiales auxquelles nous sommes très attachés à l’UMP, et qui sont portées par l’institution du mariage, soient revendiquées par un plus grand nombre de citoyens. C’est d’ailleurs une des raisons principales conduisant le conservateur David Cameron en Grande-Bretagne à préparer un texte similaire avec sa majorité de droite.
Oui, vous dites, regardons ce qui se fait chez nos voisins…
Regardons en effet ce qui se passe ailleurs : un grand nombre de pays ont déjà fait voter ce type de texte et cela n’a pas pour autant bouleversé les sociétés concernées. Spécifiquement en Grande- Bretagne, ce texte va être porté par des gens de droite parce qu’ils estiment qu’il n’y a pas moins de famille avec ce texte mais plus de famille. Mais je mesure que c’est un sujet complexe et qu’un grand nombre de mes collègues ont du mal à se faire à l’idée que deux hommes ou deux femmes se marient en mairie ou élèvent des enfants. Mais les familles homoparentales existent déjà. Il s’agit simplement de leur donner les mêmes protections, les mêmes sécurités qu’aux autres. Beaucoup d’élus avaient les mêmes réticences au moment du Pacs. Aujourd’hui, ils disent tous que c’est une bonne chose.
Vous parlez de “réticences”. On pourrait parler parfois de radicalité dans le discours. D’homophobie aussi ?
C’est vrai et je regrette la radicalisation qui a lieu aujourd’hui à l’UMP. Elle est en partie liée, je pense, à cette campagne interne pour la présidence de l’UMP. Et ce sujet-là en a fait les frais. Il y a une espèce de chape de plomb au sein de l’UMP. Ceux qui sont favorables ou qui ont compris que notre législation devait évoluer pour tenir compte de problématiques actuelles ont du mal à l’exprimer. Ce n’est pas évident pour eux. Mais les chosent commencent à bouger. Quand j’exprime ma position, soit au sein du bureau national, soit au sein du groupe UMP à l’Assemblée nationale, un certain nombre de collègues se sentent plus à l’aise pour s’exprimer. Et je pense que c’est une des raisons pour lesquelles le groupe UMP, pour ne pas rester dans une opposition frontale au texte, a proposé un amendement sur l’alliance civile, qui est une évolution par rapport au Pacs et qui va dans le bon sens, même si je reste favorable au texte gouvernemental. Pour résumer, mes collègues ont encore un problème avec le mot mariage et avec la question de l’adoption. Mais pas, je pense, avec l’homosexualité.
Sentez-vous les militants UMP aussi réfractaires au texte que les élus ?
Il y a un grand nombre de militants, de sympathisants, d’électeurs de ma famille qui y sont favorables. C’est très clair. Ils viennent me le dire, ils m’envoient des messages sur internet, sur les réseaux sociaux, pour me faire part de leur satisfaction de voir un responsable politique de droite témoigner de ce qu’ils pensent.
Ce n’est pas eux qu’on entend le plus…
Oui, parce qu’il y a une véritable détermination de ceux qui sont contre ce texte à exprimer leur point de vue. Il faut accepter que, dans une grande démocratie comme la nôtre, tout le monde puisse s’exprimer. L’Église comme les autres. Mais après, nous parlementaires, devons nous déterminer en conscience, étant entendu que nous sommes députés d’une République laïque.
Comprenez-vous que l’amendement du PS pour inclure la procréation médicalement assistée (PMA) dans le projet de loi sur le mariage pour tous n’ait pas été déposé et soit finalement intégré au futur projet de loi sur la famille ?
Premièrement, je suis favorable à la PMA parce qu’elle existe déjà pour les hétérosexuels et là encore, il faut regarder la société telle qu’elle est. Aujourd’hui, des couples de lesbiennes ont recours à la PMA en Belgique, en Espagne, et en tant que législateurs, on ne doit pas mettre un voile pour ne pas regarder et dire que ça n’existe pas. C’est une réalité qui existe ! Toutefois, c’est une bonne chose que cette problématique soit traitée dans une loi à part car il y a des considérations éthiques. Ça ne peut pas être simplement par voie d’amendement. Je pense donc que c’est une bonne décision que cela ait été reporté. Mais, d’une part, je regrette que le gouvernement n’ait pas présenté, dès le départ, le projet “mariage et adoption”. Et annoncé, d’autre part, une loi plus large sur la famille comprenant la PMA. On aurait vu la cohérence et la réflexion sur l’intégralité des questions et des problèmes liés à ces sujets. Quand on est en responsabilité gouvernementale, sur un sujet aussi sensible que celui-là, on doit être prêt et avoir réfléchi à l’intégralité des problèmes.
Manifesterez-vous le 27 janvier pour soutenir le texte gouvernemental ?
Non, je ne crois pas que ce soit une bonne chose, parce que je ne pense pas que ce soit le rôle d’un responsable politique que de manifester. Que ce soit pour ou contre. Il faut veiller à ce que le débat soit apaisé. Quand on est parlementaire, on débat dans l’Hémicycle ou dans les médias. Il ne s’agit pas de remettre de la tension à travers une manifestation dans la rue. Je ne manifesterai pas pour et je regrette qu’un certain nombre de mes collègues aient manifesté dans la rue ce 13 janvier. Car ce débat touche des hommes, des femmes, des enfants. On a donc un devoir d’être d’autant plus prudent dans la façon dont on participe au débat.
L’avez-vous dit à Jean-François Copé – qui a défilé –, vous qui faites partie de son équipe ?
Oui, je le lui ai dit à plusieurs reprises mais je n’ai pas été entendu.
N’êtes-vous pas un ovni dans votre famille politique ?
Je n’ai pas ce sentiment. Il y a un certain nombre de sujets dans l’engagement politique où le fait majoritaire ne doit pas l’emporter sur ses convictions profondes. Les sujets de société en font partie. À quoi sert-il d’être engagé en politique sinon ? Et j’ai la conviction que ce texte va dans le sens de plus d’égalité et dans le sens des valeurs cardinales de notre République. On ne peut pas laisser ces enfants de familles monoparentales et homoparentales sans les mêmes protections que les autres.
Vous vous êtes fixé un objectif chiffré ? Convaincre tant de parlementaires UMP avant le vote de la loi ?
Non… Même s’il est vrai que j’aimerais bien convaincre un certain nombre de mes collègues et que certains sont dans une réflexion avancée : Benoist Apparu, Bruno Le Maire, Édouard Philippe… Si je n’arrive pas à les convaincre, je resterai seul. Je le regretterai, mais ça ne changera pas mon vote.
recueilli par Marion Mourgue
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