Sur ces deux albums enfin réédités, la jouissive impression d’entendre Nico chanter du Nick Drake. Somptueux. On devrait être éternellement reconnaissants à John Peel de nous avoir fait découvrir, rivés à un transistor approximatif, nos plus viscéraux engouements de jeunesse : Jesus & Mary Chain ou les Smiths, Joy Division ou Echo & The Bunnymen. […]
Sur ces deux albums enfin réédités, la jouissive impression d’entendre Nico chanter du Nick Drake. Somptueux.
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On devrait être éternellement reconnaissants à John Peel de nous avoir fait découvrir, rivés à un transistor approximatif, nos plus viscéraux engouements de jeunesse : Jesus & Mary Chain ou les Smiths, Joy Division ou Echo & The Bunnymen. C’est pourtant pour avoir su dénicher dans les seventies Bridget St John que l’on remercie chaque jour le saint homme. « Du Nick Drake chanté par Nico », avait-il lancé sur les ondes de la BBC, message reçu cinq sur cinq, prélude à une passionnante et épuisante recherche dont seuls les obsédés des vinyles cartonnés et mités connaissent les drames et jouissances. On dépensera ainsi une fortune pour un exemplaire immaculé de Songs for the gentle men dans un sous-sol londonien et trois fois rien pour Ask me no questions à New York – les voyages formant les discothèques. On sera ensuite déçus d’entendre une fin de discographie vulgaire (Jumble queen) et de ne trouver personne avec qui s’enflammer sur des chansons aussi intimes que Seagull-Sunday ou The Curious crystals of unusual purity. Secrets trop bien gardés, Ask me no question ou Songs for the gentle men donnaient effectivement à chaque écoute l’impression délicieusement dérangeante d’entendre Nico chanter du Nick Drake – rencontre miraculeuse de deux albums régulièrement bouleversants : Five leaves left du second, Chelsea girl de la première. Deux chants sans poumons, sans éclats de voix, deux chants éteints et merveilleux. Bridget St John empruntait tantôt à l’un sa mélancolie pastorale, tantôt à l’autre sa distinction glaciale. Une guitare aride et un violoncelle tire-larmes suffisaient à planter un décor à la profondeur hallucinante, un beau son économe et pourtant ample et enivrant. Loin des sages et répugnantes folkeuses de son époque (1969), beaucoup trop hantée pour discuter raisonnablement avec toutes les Buffy St Marie, toutes les Sandy Denny du monde, elle donne au folk anglais ses albums les plus orageux, les plus inquiets, les plus désaxés. Folk tout noir, de retour à des terres inhospitalières, cramées et saccagées. Pas de rassurants feux de camp ici, mais des brasiers, des bûchers, des feux follets : la campagne, selon Bridget St John, a des airs tragiques, le ciel très bas et les arbres morts. Une terre de chasse idéale pour attraper, au filet, les papillons noirs, magnifiques.
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