Il est des disques qui ont de drôles d’histoires. Et dans le registre, Ya yo me curé en fourmille. Tout commence en 1979 dans un trou du Bronx. Là, deux amis décident de produire un vinyle. Le leur ! Les gugusses s’appellent Kip Hanrahan et Jerry Gonzalez. Le premier sort des beaux-arts, rayon sculpture, est […]
Il est des disques qui ont de drôles d’histoires. Et dans le registre, Ya yo me curé en fourmille. Tout commence en 1979 dans un trou du Bronx. Là, deux amis décident de produire un vinyle. Le leur ! Les gugusses s’appellent Kip Hanrahan et Jerry Gonzalez. Le premier sort des beaux-arts, rayon sculpture, est passionné de ciné style JLG et admire Teo Macero, l’homme des workshops mingusiens, ainsi que le meilleur de Miles. L’autre, c’est Jerry Gonzalez, Américain d’origine portoricaine, rejeton d’un chanteur fan de Parker et Machito. Dans la famille, Andy, l’aîné, joue de la contrebasse. Jerry, lui, tombe par hasard sur une conga et sur les disques de Miles. L’affaire est dans le sac : il tâtera des tambours pour en appeler à ses racines et soufflera dans la trompette par amour du jazz.
En 1979 donc, Kip Hanrahan crée son label : American Clave, référence à la figure rythmique afro-cubaine. L’acte de naissance sera le premier opus de Jerry. Sauf que ce dernier, avant même d’avoir empli la galette, a déjà croqué tout le blé. Quelques milliers de dollars alloués « par un type de la mafia », dixit Kip Hanrahan. De toute façon, les deux gugusses se sont entre-temps crêpés le chignon à propos de la prise de son. Ya yo me curé, qui ne fut mixé qu’à l’été 80, fut le fruit de cette lutte. Une bombe ! Jamais sans doute la formule latin-jazz ne fut mieux expérimentée. Le répertoire alterne pièces traditionnelles du chanteur Frankie Rodriguez et standards tels Evidence et Nefertiti. La fièvre des rythmes y met sacrément le feu aux harmonies jazz. A ce grand jeu, on trouve le santeria Milton Cardona, le conquistador Steve Turre, le pianiste persuasif Hilton Ruiz, le ténor Mario Riviera, Don Alias… et Andy Gonzalez. Ceux-là sont entrés dans l’Histoire. Le disque, lui, fut réédité sous licence Pangea, le label furtif de Sting. Avant de disparaître, histoire de devenir mythique ! Jusqu’à sa parution ces jours-ci sous Sunnyside. Va comprendre. Qu’importe les années, l’œuvre n’a pas pris une ride. De l’ouverture pittoresque d’Agüebana zemi à la coda truculente de Caravan. Du feu des dieux, c’est juré. Depuis, Jerry Gonzalez persévère dans la voie d’une « rumba-jazz » comme il aime en rire, comme ce Rumba para monk voici un lustre. Depuis, Kip Hanrahan persiste et signe de bien beaux épisodes d’une vie chaotique. Aux dernières nouvelles, ces deux silhouettes d’un monde impossible se sont croisées. Il paraît même qu’ils se sont réconciliés.
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