Le syndicat de la rime. Avec ou sans Wu-Tang Clan, The Genius le bien nommé décapite la concurrence avec un hip-hop à la richesse insolente. Dans cette famille, être bon ne suffit plus. Après les assauts solos successifs de ses partenaires du Wu-Tang Clan, The Genius n’avait pas d’autre choix que celui de l’excellence. Considéré […]
Le syndicat de la rime. Avec ou sans Wu-Tang Clan, The Genius le bien nommé décapite la concurrence avec un hip-hop à la richesse insolente.
Dans cette famille, être bon ne suffit plus. Après les assauts solos successifs de ses partenaires du Wu-Tang Clan, The Genius n’avait pas d’autre choix que celui de l’excellence. Considéré par ses pairs comme le Maître de la rime, The Genius, dit aussi The GZA, est un peu le parrain du Clan avec son cousin, le producteur Prince Rakeem, alias The RZA, à qui il a appris à rimer. On ne devient pas têtes pensantes du Clan par hasard : eux sont déjà passés par un rugueux apprentissage de l’industrie musicale dès 1991, avec un album chez Tommy Boy pour Rakeem et un sur le label Cold Chillin’ pour The Genius. C’est en tirant la leçon de ces amères expériences conjuguées aux tentatives infructueuses pour signer le Clan au complet qu’ils mirent au point en sous-main une stratégie unitaire d’invasion du marché. On connaissait l’imagerie et la philosophie (« Un pour tous, tous pour un ») du Clan, largement inspirées des films de kung-fu qui illuminèrent leur adolescence misérable à Staten Island. Mais aucun n’avait encore autant insisté que The Genius sur la rhétorique métaphorique des arts martiaux, déployée il y a deux ans sur leur album commun 36 chambers. Liquid swords symbole de la langue tranchante comme l’épée et du style si affûté qu’il décapite la concurrence sans appel est la thématique centrale des textes de cet album à la densité époustouflante. Autant d’action, de sang et de cadavres que dans les films de John Woo, mais avec la morale, la rigueur et la solidarité clanique des légendes samouraïs. Un album du Clan ne serait pas complet sans quelques interventions des brothers : ainsi, Method Man vient croiser le fer sur Shadowboxin’ et Raekwon sur Investigative reports, Killah Priest épaulant son complice sur quatre autres titres. Si chaque membre de cette confrérie présente un versant différent de la même entité, le concepteur The RZA réussit l’exploit de maintenir le cap tout en conduisant en zigzag. En un an, ce stakhanoviste des consoles a produit quatre albums solo (Method Man, Ol’Dirty Bastard, Raekwon The Chef et The Genius) ainsi que des dizaines de titres sur différents projets. Toujours aussi tendu, mais moins hanté qu’à l’habitude, son tissu sonore est ici encore un maelström de trouvailles à faire baver tous les apprentis trip-hoppers. L’épée de Damoclès qui pèse sur sa tête la lassitude inévitable du public et des médias est loin de la chute.