L’Evangile selon Maurizio Maurizio Kagel Sankt Bach Passion (2 CD Montaigne/Auvidis) Maurizio Kagel s’est lancé dans un drôle de projet : écrire une Passion dont le sujet ne serait que Bach lui-même. Musique contemporaine Trois semaines d’effervescence : c’est le bilan du festival Présences 96 dont Maurizio Kagel était récemment l’invité d’honneur. Trois semaines où […]
L’Evangile selon Maurizio Maurizio Kagel Sankt Bach Passion (2 CD Montaigne/Auvidis)
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Maurizio Kagel s’est lancé dans un drôle de projet : écrire une Passion dont le sujet ne serait que Bach lui-même.
Musique contemporaine Trois semaines d’effervescence : c’est le bilan du festival Présences 96 dont Maurizio Kagel était récemment l’invité d’honneur. Trois semaines où le débonnaire musicien germano-argentin aura porté très haut l’idée que la musique contemporaine n’est pas forcément une pénitence, et où chacun aura pu juger de son invention, de sa gouaille érudite, de ses pudeurs et de ses embrasements. Triste moment que celui où les lampions de la fête s’éteignent et où chacun regagne ses pénates le cœur gros de paillettes et de souvenirs. Heureusement, c’est le moment qu’a choisi Montaigne pour publier la dernière livraison d’une monumentale « édition Kagel » dont les volumes s’échelonnent depuis 1990. Loin des pièces poético-loufoques auxquelles cette collection nous avait plutôt habitués, Sankt Bach Passion est au contraire une œuvre musicale de grande envergure et l’une des hénaurmes mystifications historiques dont le maître a le secret. Le sujet est assez explicitement contenu dans le titre : Kagel a tout bonnement choisi de composer une Passion dont le héros ne serait pas le Très-Haut, le Tout-Puissant, mais Bach en personne. Et voilà notre Kagelito farouchement athée, jusqu’à preuve du contraire employé à retracer la vie de (saint) Jean-Sébastien, à grand renfort de textes d’époque ou de documents post mortem. Compilant les sources, les écrits, Kagel puise dans l’histoire personnelle de Bach, sa descendance, sa redécouverte par Mendelssohn (auquel l’œuvre emprunte une partie de son style), les élucubrations de ses biographes. Tout cela vaut son pesant d’Evangile ; Kagel va jusqu’à utiliser des Chorals détournés de leur vocation primitive et réadaptés à l’auteur des Concertos brandebourgeois. On reconnaît bien là la virtuosité du musicien à manipuler l’histoire, son espèce de facétie cabalistique qui fait finalement de lui un proche parent de cet autre grand créateur argentin : Jorge Luis Borges. Le plus fort est que la Passion selon Bach ne comporte pas une seule citation de Bach mais seulement une série de détournements d’un petit motif bien connu des mélomanes, le fameux « B-A-C-H ». Le reste est composé dans la veine kagelienne la plus opulente, avec ses contours insidieux, ses couleurs cendrées, ses grandes envolées vocales (suprêmement traduites par Hans-Peter Blochwitz et Anne Sofie von Otter). Voilà, c’est de la musique contemporaine, c’est tordu comme un Rubik’s Cube, drôle comme un manuel d’histoire de CP et musicalement assez, heu, passionnant.
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