œdipe décomplexé. Loin de l’illustration et des effets, Robert Wilson retrouve dans sa mise en scène l’esthétique selon Stravinsky. Parmi la demi-douzaine de librettistes qui collaborèrent avec Stravinsky, seul Wystan Auden (auteur du texte du Rake’s progress) peut se targuer d’avoir bénéficié de la pleine confiance du compositeur. Tous les autres, notamment Ramuz, Cocteau et […]
œdipe décomplexé. Loin de l’illustration et des effets, Robert Wilson retrouve dans sa mise en scène l’esthétique selon Stravinsky.
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Parmi la demi-douzaine de librettistes qui collaborèrent avec Stravinsky, seul Wystan Auden (auteur du texte du Rake’s progress) peut se targuer d’avoir bénéficié de la pleine confiance du compositeur. Tous les autres, notamment Ramuz, Cocteau et Gide - excusez du peu ! - durent compter sur une distance critique, qui s’explique principalement par la méfiance affichée par le compositeur envers le genre lyrique. Si l’on se penche sur sa production, on s’aperçoit en effet que seuls Le Rossignol et The Rake’s progress répondent vraiment aux canons de l’opéra. Renard est une cantate, L’Histoire du soldat une musique de scène, œdipus Rex un opéra-oratorio. Stravinsky demeurait très méfiant envers les procédés classiques d’identification et favorisait les formes musicales pures, persuadé que la musique était « trop bête pour peindre les caractères au théâtre ». Car il assignait à celle-ci une fonction bien moins illustrative que structurelle, voire architecturale. « Quand je travaille sur un texte à mettre en musique, ce sont les sonorités et les rythmes des syllables qui meuvent mon appétit musical », confesse-t-il dans Chroniques de ma vie. Tout cela constitue le programme d’œdipus Rex. Tandis qu’un récitant relate l’histoire d’œdipe en français moderne, la vocalité se développe en vieux latin, langue à la fois connue et éloignée qui évacue le danger de l’identification et permet une pleine concentration sur les effets musicaux grâce à son profil incantatoire. On aura compris qu’œdipus Rex ouvre des possibilités inhabituelles pour une pièce vocale, que ce soit sur le plan visuel ou musical. S’appuyant sur le message de Cocteau qui insistait sur le lien qui unit la pièce au théâtre traditionnel asiatique, Robert Wilson a choisi de la faire précéder d’une longue plage de silence, « tandis que l’opéra proprement dit est plus près du climat des spectacles de Martha Graham ». A écouter Wilson, réfractaire à la psychologie et aux chanteurs qui « en font toujours trop », on se dit que le message stravinskien a été bien reçu. Cette nouvelle production réunit des habitués du Châtelet. L’orchestre Philharmonia de Londres est dirigé par Christoph von Dohnanyi, à la tête d’une distribution dominée par Philip Langridge. Ce ne sont ni plus ni moins que les messagers de l’impressionnant Moïse et Aaron de l’année dernière. On ne devrait pas y perdre notre latin.
œdipus Rex Opéra-oratorio en 2 actes. Livret de Jean Cocteau d’après Sophocle. Précédé de Silent prologue de Robert Wilson. Mise en scène Robert Wilson, Philharmonia Orchestra, direction Christoph von Dohnanyi
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