Pas glamour pour deux sous, le rock de Dodgy ne s’élève que lorsqu’il accepte enfin d’échapper à ses obsessions seventies. En avant-propos, il n’est peut-être pas inutile de rappeler ceci : Dodgy est l’un des rares groupes anglais signés sur une major la surpuissante A&M qui n’ait pas encore totalement renoncé aux vertus […]
Pas glamour pour deux sous, le rock de Dodgy ne s’élève que lorsqu’il accepte enfin d’échapper à ses obsessions seventies.
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En avant-propos, il n’est peut-être pas inutile de rappeler ceci : Dodgy est l’un des rares groupes anglais signés sur une major la surpuissante A&M qui n’ait pas encore totalement renoncé aux vertus primitives du rock : l’urgence, la débrouillardise, cette envie générale d’en découdre avec la terre entière, ce besoin physique de prendre la route. Face à une Justine Frischmann qui dépense des millions de francs pour le premier album (encore orphelin) de son Elastica pas très rebelle, il n’est pas déplaisant de rencontrer de temps en temps un groupe aussi bêtement accroché à ses rêves de gosse. Ainsi donc, Dodgy fait du rock comme si toutes les pendules du monde avaient cessé de tourner il y a vingt ans. Comme Oasis, Dodgy enregistre tête baissée : des petits albums pressés de paraître, bouclés en moins de temps qu’il n’en faut à Christophe Dugarry pour enfiler ses chaussons de danse quelques semaines tout au plus. Comme Oasis, Dodgy se soucie peu du bruissement crissant d’une critique trop heureuse de souligner certaines paternités trop évidentes. N’importe quel animateur de NRJ vous le dirait : Nigel Clark, Matthew Priest et Andy Miller ont beaucoup voyagé le long du versant le plus ampoulé du rock seventies, avec un très long arrêt à la case Who. Mais ce qui constituerait chez d’autres un sérieux motif de disqualification immédiate a le mérite d’être énoncé clairement par ce trio de fans : Dodgy connaît ses classiques sur le bout des doigts et s’en amuse tranquillement. Par bonheur, au long de ce nouveau Free peace sweet chargé d’évocations et de clins d’œil, d’autres croisements musicaux plus accidentels avec les Boo Radleys, le Style Council ou encore Lennon viennent étayer le propos d’un groupe aux ambitions croissantes. Et si l’on a parfois fait partie de ceux qui ne voyaient en Dodgy qu’un orchestre mineur pour soirées arrosées ambiance banquet familial et concours de pétanque , on sera aussi de ceux qui lanceront l’improbable réhabilitation de son principal songwriter, le très sous-estimé Nigel Clark. Cantonné par l’incontournable presse rock britannique dans le rôle du bouffon involontaire de sa génération, Clark fait montre ici d’un don pour l’écriture aussi flagrant qu’épars. Mais pour avoir révélé ses atouts un peu tard dans la carrière du groupe et pour avoir trop longtemps négligé la portée visuelle de ses apparitions publiques on a rarement vu autant de photos de pochetrons que dans le dossier de presse de Dodgy , ce trio sans glamour ne devrait laisser dans l’histoire du genre qu’une empreinte bien négligeable : celle d’un groupe affranchi sur le tard.
Emmanuel Tellier
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