Au moment où il entame une tournée française, il faut reparler du Catalan Burgess, dont on n’a pas encore fini d’explorer l’album, entre Beatles et Le Chien andalou. Ne pas se fier à la carrure aristocratique de son patronyme, Burgess est un personnage à la fois tranchant et tout en rondeur, timide et souriant comme […]
Au moment où il entame une tournée française, il faut reparler du Catalan Burgess, dont on n’a pas encore fini d’explorer l’album, entre Beatles et Le Chien andalou.
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Ne pas se fier à la carrure aristocratique de son patronyme, Burgess est un personnage à la fois tranchant et tout en rondeur, timide et souriant comme un gamin, mais fougueux et rebelle comme un Cathare, sanguin comme un Catalan. Dernièrement, quelqu’un a cru bon de le comparer à un hybride de Miossec, des Pixies et de Boo Radleys doté d’arrangements musicaux à la Yann Tiersen ; Burgess a dû se concentrer très fort pour ne pas se fâcher. « Je ne comprends pas ce besoin d’affilier les gens à une vague famille musicale sous prétexte de ressemblances vocales ou de quelques grilles qui rappellent vaguement autre chose. Je ne viens d’aucun de ces univers musicaux auxquels on me rattache. »
Car Burgess est né au rock dans la discothèque de son père, un personnage évadé des bouquins de Nik Cohn, « un vrai blouson noir, un vrai rockabilly qui s’habillait comme Vince Taylor. A la maison, Gene Vincent tournait en boucle et puis la soul, Phil Spector et tout le british-beat sont arrivés sur le tourne-disque familial. » Avec un tel héritage, Burgess s’est naturellement intéressé d’abord à la batterie avant de s’adoucir au fil des cours de piano et de découvrir Satie, Ravel ou Debussy chaque été, lors du festival Pablo Casals de Prades, à quelques encablures de Perpignan. « Je baignais dans une ambiance de village, avec cette culture de fanfares et de bals, les sardanes, la cobla et toutes ces particularités artistiques catalanes qui ont été complètement noyées dans le syndrome Pagnol qui domine les mentalités françaises. Je suis resté assez peu de temps sur la Côte Vermeille, mais suffisamment pour être imprégné de sa magie et de cette façon de vivre l’art populaire au quotidien : soit en jouant une musique de danse traditionnelle, soit en discutant avec Dalí au café du coin comme tous les vieux des villages de là-bas l’ont au moins fait une fois dans leur vie. »
Plus tard, les guitares vont faire irruption dans sa chambre de môme, puis les mandolines et tout ce qui se joue en pinçant des cordes. Multi-instrumentiste par papillonnage et gourmandise, nourri au sein par la pop des sixties et les parfums de la terre rousse, Burgess ne rentre en effet dans aucune des grandes familles du rock. Dans son premier album, Le Nombril du monde, il capture un instantané de son kaléidoscope orchestral intérieur : une reprise passionnée du Je te veux d’Erik Satie, une fanfare venue du poumon catalan (Meurtre en fa majeur) et entre les deux, un mélange capiteux de saveurs du Sud et de chansons gonflées d’harmonies obsédantes et de fugues lyriques, truffé de sonorités rarement utilisées dans les grilles pop modernes (trombones, trompettes…), cousu de cette rythmique verbale et de ce sens du mot qui fleurissent les récits d’anecdotes de village.
Points d’orgue de cette vision musicale et linguistique, Le Nombril du monde et Le Bon Céladon marient le savant et le populaire dans une inspiration rafraîchissante, la modernité et les airs de famille traditionnels, les Beatles et Le Chien andalou. « J’ai enregistré Le Bon Céladon avec une cobla catalane, un groupe de vingt-cinq musiciens de Céret qui vivent en une espèce d’autosubsistance musicale, hermétiques à tout ce qui se passe à l’extérieur de leur vallée. Pascal Comelade pensait que je n’arriverais pas à les faire jouer pour moi et miraculeusement, ils ont accepté de me filer un coup de main gratuitement. Dans la foulée, Pascal s’y est mis aussi dans un climat d’excitation indescriptible, et la chanson a pris son corps définitif. Comelade est un des derniers musiciens qui puisse te donner le goût de la musique. Il est le grand frère que j’aurais aimé avoir : un grand connaisseur de la musique catalane et un parfait érudit de l’histoire du rock. » Dans un registre qui n’appartient qu’à lui, Burgess s’est affirmé en jongleur musical, amoureux des textures et des couleurs, plus attiré par les grandes ballades buissonnières dans les sols touffus de la musique classique et la mémoire neuve des terres du Sud que par les grandes écoles connues du rock. Seul, il marche déjà dans les traces de cet aîné idéal.
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