Réunionnais en exil, il convoque le souvenir des fêtes insulaires à défaut de pouvoir retrouver leur transe. La Réunion Le melting-pot réunionnais s’exprime dans l’île et dans l’exil. Afrique, Europe, Inde, Asie. Très tôt, René Lacaille a appris à brasser les styles qui font de cette tête d’épingle perdue dans l’océan Indien la plus belle […]
Réunionnais en exil, il convoque le souvenir des fêtes insulaires à défaut de pouvoir retrouver leur transe.
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La Réunion Le melting-pot réunionnais s’exprime dans l’île et dans l’exil. Afrique, Europe, Inde, Asie. Très tôt, René Lacaille a appris à brasser les styles qui font de cette tête d’épingle perdue dans l’océan Indien la plus belle des métisses. Sa famille égrène une longue dynastie de musiciens. Accordéoniste dès l’âge de 7 ans, René, accompagné de ses cinq frères, s’initie dans les bals à la polka, à la valse et au quadrille créole. Mais il est difficile à l’époque de vivre de son art dans l’ex-île Bourbon. En 1966, le jeune homme s’envole pour la métropole et cachetonne dans les boîtes corses de Pigalle. Il reviendra pourtant à la Réunion participer à l’éclosion d’une scène locale pleine de promesses. Lacaille travaille alors avec Luc Donat, figure légendaire du sega moderne, forme le groupe Ad Hoc, puis Caméléon avec Alain Peters. Ils seront sans doute les premiers à électriser le maloya, ce chant issu de l’esclavage et devenu dans les années 70 le véhicule privilégié de l’identité créole. D’autres voyages il s’installe à Paris (on le verra souvent accompagner Jacques Higelin), parcourt l’Europe et l’Afrique finiront de façonner l’identité musicale de cet amoureux de tous les folklores. Il fera du jazz son médium de prédilection, non par souci de démonstration virtuose, mais pour la faculté de celui-ci de distancier son écriture et de jongler élégamment avec les rythmes et les cultures. Mûri à point par ce quinquagénaire épicurien, Aster rappellera un peu la grâce canaille de Django et Grappelli frottant le jazz à leurs humeurs manouches. Ce n’est plus le musette qui valse dans les bras des Gitans, mais les déhanchements épicés du sega et du maloya qui conduisent les rêveries du guitariste-accordéoniste. Les instruments traditionnels du kabar réunionnais les roulèr, caïemb ou ti boi qui accompagnent habituellement ces cérémonies festives héritées de l’Afrique se fondent avec distinction aux cuivres, piano et flûte raffinés. Les mélodies soufflent avec la légèreté d’un alizé austral. Si la plupart des titres sont des instrumentaux, Lacaille a préféré la concision au délayage des numéros techniques. Ceux qui ont eu la chance d’assister à un de ses concerts avec Danyel Waro, puriste magnifique du maloya traditionnel, regretteront sans doute que cet album manque de l’intensité sudatoire de ces communions. Son élégance, Aster la doit à une finesse qui s’éloigne de la danse. Le quadrille ici distille un profond vague à l’âme. Très vite, on arrête de tournoyer pour se laisser bercer par la mélancolie de La Roulette ou de La Rosée si feuille songe, une chanson du regretté Alain Peters qui dit en créole « Quand je serai mort, enterrez-moi dans ma guitare/Tu n’es pas mort, tu es toujours dans notre kabar. » Ce n’est pas la fête qui fait vibrer ce disque mais le souvenir que cet exilé en a. L’éloignement attise sa nostalgie.
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